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Brève

L’hôtellerie monégasque se rebiffe… mais doit aussi s’adapter

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Petite start-up deviendra grande… La concurrence des plateformes collaboratives type Airbnb agace de plus en plus l’hôtellerie monégasque. Qui en appelle au gouvernement.

La presse locale fait de plus en plus régulièrement écho à la grogne des responsables hôteliers monégasques dont le chiffre d’affaires aurait subi une baisse préoccupante, de 10 à 15% depuis 2015. En cause, la concurrence des sites « d’économie de partage » et, plus particulièrement, de la plateforme américaine Airbnb. Une concurrence d’autant plus dure à encaisser que la profession supporte un nombre croissant de normes d’hygiène et de sécurité imposées par les autorités. Or, ces mêmes autorités montrent beaucoup moins d’empressement à réguler le marché des locations de logements de particuliers. Exemptée de TVA, sans charges, comme celle que l’hôtellerie monégasque doit acquitter à la caisse de compensation des services sociaux (CCSS), la location occasionnelle de logements coule des jours heureux en principauté.

Mais si la grogne monte, c’est d’abord parce que le marché de la location saisonnière explose. Airbnb bat ainsi des records de fréquentation. D’après le Financial Times, l’entreprise de 3 000 salariés, basée à San Fransisco, aurait réalisé un bénéfice de 100 millions de dollars en 2017, pour un chiffre d’affaires de plus de 3,5 milliards de dollars. La start-up du début, devenue un poids lourd mondial du tourisme, a annoncé un objectif d’un milliard d’utilisateurs d’ici 2028…

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Les députés français encadrent sévèrement un marché en pleine explosion

A Monaco, il est difficile de mesurer avec précision l’impact réel de ces plateformes communautaires, apparues sur internet dans les années 2000. Mais la profession regarde volontiers ce qui se fait en France où elles sont dans le collimateur des pouvoirs publics après une décennie complète de liberté. La mairie de Paris milite ainsi activement pour une stricte régulation de la location entre particulier qui, selon elle, pénalise le secteur hôtelier, encourage la spéculation immobilière et vide certains quartiers de leurs habitants.

Par ailleurs, des dispositions visant à l’encadrer ont été inséré dans le texte du projet de loi logement, ou projet de loi évolution du logement et aménagement numérique (ELAN). Adoptée par l’Assemblée nationale en juin, puis par le Sénat en juillet, la loi devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines. Elle limite notamment à cent vingt jours par an la location de la résidence principale à des fins touristiques. Le loueur devra transmettre le décompte du nombre de nuitées ayant fait l’objet d’une location pendant l’année. Des sanctions accrues sont prévues contre les propriétaires ne respectant pas leurs obligations ainsi que des amendes pour les sites incriminés.

276 sociétés d’économie de partage recensées en France

Et les députés français n’en ont pas fini avec les Airbnb, Le Bon Coin, Blablacar, Drivy, Heetch, Uber… Ils veulent en effet les contraindre à fournir au fisc certaines informations concernant les transactions de leurs utilisateurs afin de taxer ces derniers à hauteur des sommes perçues.

Nécessité fait loi dans un pays où une récente étude d’impact a recensé 276 sociétés mettant « en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service ». Un chiffre, en augmentation constante d’une année sur l’autre, qui inquiète les professions réglementées. Et provoque même parfois leur colère, comme celle des chauffeurs de taxis. En imposant les revenus de leurs utilisateurs, les pouvoirs publics espèrent donc mettre en frein à la croissance forcenée de ces sites « d’économie de partage » tout en achetant un peu de paix sociale…

A Monaco, les professionnels attendent un geste du gouvernement

C’est précisément ce que souhaiterait les hôteliers monégasques. Pour l’instant, aucun texte de loi n’encadre la location occasionnelle d’appartements en principauté. Ce qui, outre une concurrence jugée déloyale, soulève au moins trois questions. Quid des finances de l’Etat qui se prive ainsi, notamment grâce à la TVA, d’une manne inespérée ? Quid des locataires de logements domaniaux qui sous-louent leurs appartements, par l’intermédiaire de Wimdu ou HouseTrip par exemple, alors que la loi le leur interdit ? Quid, enfin, de l’aspect sécuritaire, particulièrement sensible vu le contexte mondial. On ne sait pas qui vient se loger sur le Rocher, ni pour combien de temps. Or, dans un monde où la menace terroriste ne faiblit pas, l’attractivité d’un lieu tient d’abord à une sécurité sans faille.

Les professionnels du secteur attendent donc un geste du gouvernement. Ils réclament un contrôle véritable sur les locations entre particuliers. Pour autant, certains observateurs font remarquer que d’autres facteurs doivent aussi être pris en compte. Ainsi, beaucoup d’hôtelier, notamment chez les indépendants, ne bénéficient pas de l’appui d’un grand groupe et des moyens technologiques qui vont avec. Or, le chiffre d’affaires annuel du marché est désormais très majoritairement réalisé par l’intermédiaire des applications sur les smartphones ou sur internet (60% des transactions selon une étude KPMG). La digitalisation des services : voilà sans doute l’un des premiers défis à relever pour l’hôtellerie monégasque si elle veut rivaliser avec les plateformes collaboratives.