Crise des « gilets jaunes » : Macron en première ligne

Si une sortie à la crise des « gilets jaunes » semble se dessiner, le gouvernement reste prudent. Emmanuel Macron a réussi à juguler la colère des manifestants. Mais à quel prix ?

66 000 manifestants dans toute la France dont 4 000 au plus fort de la journée à Paris… contre 69 000 policiers dont 8000 dans la capitale. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la mobilisation des « gilets jaunes » a fortement faibli pour la cinquième manifestation nationale, samedi 15 décembre. Un soulagement pour l’exécutif. Les annonces du président de la République, suivi par 23 millions de téléspectateurs le 10 décembre, ont été entendues. Mais si une sortie de crise se dessine, la prudence est de mise. Le gouvernement, qui a senti passer le vent du boulet de très près, sait que la situation reste fragile.

Des mesures complexes à mettre en oeuvre

Il s’agit maintenant d’entrer dans le vif du sujet. A savoir les heures supplémentaires, la prime de fin d’année défiscalisée, l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités percevant moins de 2 000 euros de pension mensuelle et, surtout, ces 100 euros d’augmentation pour tous les smicards, promis dès début 2019. Ces mesures, ardues à mettre en œuvre, doivent être bouclées rapidement pour être adoptées par le Parlement avant Noël. Une véritable course contre la montre. Car le temps presse pour le gouvernement qui veut éviter à tout prix un effet rebond à la colère des « gilets jaunes ».

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Reste également à organiser le « grand débat » national, aux contours encore flous, promis par Emmanuel Macron. Ce dernier devra prendre en compte l’exigence de consultation de la population qui s’est largement répandue parmi les « gilets jaunes ». En particulier, au travers de référendums d’initiative citoyenne (RIC) dont les modalités, là aussi, restent à inventer.

Une crédibilité entamée

L’agenda du président de la République, qui a annulé son déplacement au sommet du G7 à Biarritz, est ainsi bousculé par cette crise à fragmentation. S’il donne le sentiment de tergiverser ou de renoncer à une partie de ses promesses, les ronds-points pourraient très vite se colorer de nouveau de jaune. Ce jaune qui, en cinq semaines de mobilisation, a fait vaciller le pouvoir.

Pour la première fois depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron a en effet été contraint de reculer, jouant d’abord la carte de la fermeté avant de se raviser sous la pression des manifestations. La hausse de la taxe carbone prévue en 2019, qui devait à nouveau faire augmenter le prix du litre de diesel et de l’essence le 1er janvier, a d’abord été abandonnée. Pris dans l’engrenage des revendications qu’il n’a pas su anticiper, craignant une coagulation de mécontentements, le voilà maintenant contraint de trouver dix à quinze milliards d’euros pour financer les mesures annoncées. Et, ainsi, de creuser le déficit public au-delà de la norme européenne des 3% du PIB.

Tenir les deux bouts de la chaîne

La crédibilité internationale du chef de l’Etat français s’en trouve considérablement entamée. A moins de six mois des élections européennes, le signal brouillé envoyé par celui qui n’avait pas hésité à tancer les Italiens sur leur budget risque de couter des points à son mouvement, la République en marche. D’autant plus que sa cote de popularité continue de dévisser après 18 mois de mandat alors que se profilent les réformes explosives des retraites et de l’assurance-chômage.

La suite du quinquennat dépend désormais de la capacité d’Emmanuel Macron à tenir les deux bouts de la chaîne : satisfaire les larges revendications exprimées par les « gilets jaunes » et poursuivre les réformes structurelles, notamment de réduction des déficits, promises lors de l’élection présidentielle. Autrement dit, de sa capacité à résoudre une équation particulièrement complexe.