Franck Baille et le carnet de dessins de Van Gogh : genèse du film de Schnabel
Le film Van Gogh – At Eternity’s Gate, de Julian Schnabel, est disponible sur la plateforme Netflix. Le réalisateur américain s’est largement inspiré du carnet de dessins déniché par le commissaire-priseur monégasque, Franck Baille…
C’est une drôle d’histoire, gravée dans le dernier long métrage du réalisateur américain Julian Schnabel, Van Gogh – At Eternity’s Gate. Elle commence dans le sud de la France et passe même par la principauté. A son origine, on trouve Franck Baille, président de l’Hôtel des Ventes de Monaco, contacté par « une femme modeste » pour avoir son avis sur un carnet de dessins. L’expert y décèle immédiatement la manière de Vincent Van Gogh. Une bombe… Pour confirmer sa première impression, il contacte la Canadienne Bogomila Welsh-Ovcharov, spécialiste du peintre. Qui authentifie les dessins. Comme le Britannique Ronald Pickvance, grand spécialiste de la période provençale de l’artiste. Mais, alors que le monde de l’art s’émerveille pour cette découverte majeure, un rebondissement inattendu vient doucher l’enthousiasme général.
Désaccords sur l’attribution des dessins à Van Gogh
La principale autorité en la matière, le musée d’Amsterdam, jette en effet un pavé dans la mare en réfutant cette attribution. L’institution pointe notamment du doigt la qualité de l’encre utilisée, le style des dessins et des erreurs topographiques… Peu en chaut aux éditions du Seuil qui, en 2016, publie l’intégralité du carnet. « Ce n’est pas la première fois que le musée Van Gogh se trompe« , justifie alors l’éditeur de l’ouvrage, mettant en avant la qualité des experts mandatés par le Seuil. Bernard Comment, c’est son nom, présente ce carnet comme un témoignage unique du séjour arlésien de l’artiste, entre 1888 et 1890. Soit l’époque la plus faste de Van Gogh, précédant sa mort. La plus torturée aussi, riche en épisodes de folie créatrice et de démences géniales.
Un livre de comptes
Le livre reproduit ainsi 65 dessins à l’encre, parfois rehaussés d’un léger voile rougeâtre, grandeur nature. Non signés, ils ont été réalisés sur un livre de comptes du Café de la Gare, un établissement où Van Gogh séjourna au crépuscule de sa vie. La plupart d’entre eux représentent des paysages de la région d’Arles. On trouve également quelques portraits, dont un de Gauguin, des fleurs, des arbres… Et certains d’entre eux semblent être des esquisses de chefs-d’œuvre du peintre maudit, comme Branches d’amandiers en fleurs.
Tourné à Paris, à Arles, et à Auvers-sur-Oise, le film de Julian Schnabel reprend largement les théories initiées par Franck Baille. Le réalisateur américain a longuement rencontré l’expert monégasque lors de la présentation du livre. Il est même venu voir les dessins à Paris avec son co-scénariste Jean-Claude Carrière. Puis, une seconde fois avec Willem Dafoe, l’acteur principal qui campe un Van Gogh en profonde communication avec la nature.
Une suite de scènes inspirées de la vie de Van Gogh
Dans le film, ce dernier remplit le carnet de croquis et d’esquisses dessinés à la hâte avec des fusains taillés par ses soins. Schnabel, qui n’a pas voulu faire un biopic mais une suite de scènes inspirées de la vie de Van Gogh et de certaines de ces toiles, reprend ainsi la thèse d’un artiste sans-le-sou, confectionnant ses propres outils et empilant parfois les créations sur une même toile. Et appuie l’idée selon laquelle Van Gogh, très prolifique, a peint aussi de mémoire et non pas uniquement sur l’instant.
Par ailleurs, Julian Schnabel n’adhère pas à la thèse du suicide de Van Gogh. L’histoire retient en effet que le dimanche 27 juillet 1890, dans un champ derrière le château où il peint, à Auvers-sur-Oise, il se tire un coup de revolver dans la poitrine avant de succomber deux jours plus tard. Le réalisateur présente une autre version, avancée en 2011 dans une biographie. Vincent van Gogh aurait en fait été victime d’une balle tirée accidentellement par deux adolescents qui jouaient près du champ avec une arme de mauvaise facture. Il n’aurait pas voulu les incriminer dans le but de les protéger.
Bref, chacun se fera son avis après avoir vu ce film qui se concentre sur la dernière partie de la vie de Van Gogh. Un film uniquement disponible sur la plateforme Netflix et où, outre Dafoe, Rupert Friend, Emmanuelle Seigner, Niels Arestrup et Mathieu Amalric figurent au générique.