Interview

Valentine Goby : « J’écris pour partager »

Valentine Goby Monaco
Valentine Goby

Près de vingt ans de carrière, une trentaine de romans, de livres jeunesse et d’écrits publiés, de nombreux prix et récompenses… Valentine Goby consacre sa vie aux mots et à leur partage. Elle sera d’ailleurs à Monaco le jeudi 5 mars pour une rencontre autour de son nouveau roman, Murène, publié chez Actes Sud.

Comment est-ce que vous vivez ces moments de rencontres ?

Je n’écris pas seulement pour écrire, mais pour partager, ça fait partie intégralement de mon projet littéraire, de ce que j’aime faire. J’ai été professeur donc j’ai le goût de la transmission. J’ai toujours beaucoup désiré aller à la rencontre des lecteurs. J’ai un lectorat large et pour moi, cet art de vivre ensemble est une vocation. En tant qu’autrice, c’est un vrai plaisir de le faire, tout comme collaborer avec des libraires, des bibliothécaires, etc…

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Murène, c’est une histoire de renaissance… Vous pouvez nous en parler ?

C’est l’histoire d’une métamorphose d’un jeune homme magnifique qui est fracassé d’une manière brutale et qui va devoir réinventer son corps et sa vie. Montrer par quel moyen on peut se réinventer est un thème assez récurrent chez moi, la question du choix de la vie. Ce jeune homme va s’appuyer sur le corps médical, des techniciens, qui vont s’attacher à réparer son corps. Mais ce sont surtout la création et l’imagination qui seront ses meilleurs outils. Il va ainsi découvrir l’eau, qui sera alors un sas vers le monde extérieur.

Murène est votre 13e roman. Or, votre roman à succès Kinderzimmer est sorti en 2013 et a reçu pas moins de 13 prix littéraires… Croyez-vous au hasard ? Est-ce que vous croyez à la chance ou à la malédiction ?

À rien de tout ça ! 13 est en plus un chiffre arbitraire. Les chiffres se discutent. Je crois surtout au travail, au talent et à la chance. Et c’est vrai sur toutes les œuvres artistiques. Je crois qu’il faut surtout de la confiance.

Murène, Valentine Goby

« Murène », Valentine Goby

Vous êtes née à Grasse. Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance, de la région ?

C’est très ambivalent. J’ai eu une enfance heureuse en dehors même de ma référence à la famille, car ma grande chance, c’était de pouvoir développer mes 5 sens. Ma mère était tisserande, mon père parfumeur, et on vivait dans la nature, les mains dans la boue, dans l’herbe. J’ai eu un rapport sauvage et immédiat au monde. Je baignais dans un univers sensoriel. À l’adolescence ça ne m’a plus suffi, j’avais besoin d’un bouillonnement, d’exaltation, de foule, de bataille. Je ne supportais plus de vivre dans un petit village où tout le monde se connaît, où la diversité est pointée du doigt, où tout le monde était politiquement accordé… Je voulais aller à la grande ville, et j’ai tout fait pour que ça arrive. Mais ce goût du corps, de la peau, de la nature m’est resté.

Après des études des sciences politiques, vous avez vécu trois ans en Asie, où vous avez travaillé pour des associations humanitaires auprès d’enfants des rues. Est-ce que cette expérience vous a nourri ? Est-ce que cela a changé la femme que vous étiez et l’écrivain ?

Certainement que mon regard a évolué. J’ai été entourée de gens qui vivaient dans les conditions épouvantables. C’était un grand écart au niveau de la langue, de la politique… Ça fait beaucoup réfléchir. J’avais beaucoup appris, je me suis instruite à Sciences Politiques, mais mes jambes de petite fille étaient frustrées, j’avais besoin de faire des choses, pas seulement d’avoir des idées. Et là, je me suis sentie vivante, et ça a forcément influencé la suite.

Est-ce que pour vous, on dit auteur ou autrice ?

Il n’y a même pas de débat ! On dit autrice. C’est une invention « auteure » ou « écrivaine », une hérésie. Autrice existe depuis le XVIe siècle. On ne se demande pas si on dit, « acteur » ou « actrice ». J’ai été éduquée à dire pour une femme « auteur » et il m’arrive encore de fourcher et je m’en excuse ! Par contre, je refuse l’argument qui dit « c’est plus joli »… Je ne comprends pas… Le refus en dit long sur l’état d’esprit. La langue est politique. On ne peut pas minorer ce que la langue dit. On débat encore sur ce sujet, mais dans 5 ou 10 ans, on dira « autrice » et ça nous paraîtra naturel.

Véronique Goby, Murène, publié chez Actes Sud
Rencontre et dédicaces le 5 mars 2020 à 18h30
Bibliothèque Louis Notari de Monaco
Entrée libre