Villa Ephrussi de Rothschild, l’union de l’art et de la nature
1905. L’extravagante Béatrice de Rothschild est subjuguée par le cap Ferrat encore peu loti et y achète sept hectares. Le panorama est à couper le souffle certes, mais le terrain choisi fort ingrat, rocailleux et souvent balayé par les vents. Richissime et déterminée, Béatrice prend conseil auprès des meilleurs architectes et paysagistes. Dès 1912, une villa et de splendides jardins se dressent sur la partie la plus exiguë de la presqu’île.
Une personnalité originale
Née à Paris, dans un hôtel particulier donnant sur la place de la Concorde – aujourd’hui propriété des États-Unis –, Béatrice de Rothschild n’a jamais vécu que dans le luxe, au milieu de boiseries dorées, de tableaux de maître et de meubles estampillés des meilleurs ébénistes. En 1905, elle a quarante ans et est séparée de son mari, le banquier russe Maurice Ephrussi – leur mésentente avait été immédiate. Elle n’a pas eu d’enfant et vient d’hériter d’une fortune colossale. Elle n’a qu’elle à penser et les moyens de mener ses projets.
Ses contemporains la disent peu commode, pour le moins très exigeante. D’après sa cousine Elisabeth de Gramont, la destinée de Béatrice était de « contrecarrer les lois stupides du bon sens […] exigeant que les fleurs poussent sous le mistral ». Pour cela, elle fait exploser la roche, araser le terrain et apporter des tonnes de terre.
Une villa comme écrin de ses collections
Béatrice n’a finalement que très peu séjourné au cap Ferrat ; elle préférait ses deux résidences monégasques, plus proches des tables de jeux qu’elle affectionnait tant. Elle s’éteint en 1934 à Davos, où elle était venue soigner sa tuberculose. Elle lègue sa villa et l’ensemble de ses collections à l’Institut de France, avec le désir que sa villa devienne « un musée ayant l’allure d’un salon », à savoir l’atmosphère d’une demeure habitée. Souhait exaucé !
Un immense patio dessert les pièces de ce « salon », toutes somptueusement aménagées : meubles Louis XVI, boiseries peintes, tapisseries des Gobelins, porcelaines de Meissen et de Sèvres, dessins et peintures de Tiepolo, Boucher et Fragonard. Et toujours de magnifiques points de vue sur la nature. Béatrice avait imaginé le jardin prolongeant sa villa comme la proue d’un bateau. À bâbord et à tribord : la mer. Le « paquebot » Île-de-France – c’est le nom qu’elle avait donné à sa villa – navigue en Méditerranée.
Quand la maison est inaugurée en 1912, les jardins n’étaient pas achevés, Béatrice avait privilégié celui communiquant directement avec la demeure. Les neuf jardins que le visiteur parcourt aujourd’hui (espagnol, florentin, japonais…) sont le résultat de travaux successifs et d’un entretien quotidien. Divers événements – soirées musicales, fête des plantes – ponctuent la vie de ce lieu enchanteur.
Villa Ephrussi de Rothschild, 06230 Saint-Jean-Cap-Ferrat
Par Sandrine Zilli