Umberto Langellotti (FMC) : « À Monaco, nous avons des conditions idéales pour le cyclisme »
Président de la Fédération Monégasque de Cyclisme depuis 2008, Umberto Langellotti s’est livré sur la situation actuelle du cyclisme mondial, au cours d’un entretien où il a pris le temps d’évoquer les contours de la FMC, créée en 1985.
Membre de l’Union Cycliste Internationale, de l’Union Européenne de Cyclisme, de l’Union Francophone de Cyclisme et du Comité National Olympique, la Fédération Monégasque de Cyclisme est une place forte du cyclisme mondial. Avec près de cinquante coureurs professionnels, dont quelques grand noms de la discipline, à l’image de Christopher Froome (Team Ineos), Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) Nairo Quintana (Team Arkea Samsic) et bientôt Egan Bernal (Team Ineos), dernier vainqueur du Tour de France, la FMC et la Principauté de Monaco s’affirment comme le centre névralgique du cyclisme sur route.
Umberto, pensez-vous que la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 peut bouleverser les mentalités et permettre à la pratique du cyclisme de se développer encore un peu plus dans le futur ?
Je pense que c’est « une chance » pour le cyclisme en général et la pratique du vélo. On le voit déjà au niveau des ventes dans les magasins spécialisés. Tout le monde se met un petit peu au vélo comme moyen de déplacement. Plusieurs villes commencent à réfléchir à développer le nombre de pistes cyclables pour accroître la pratique du vélo en ville, ce qui pour moi est bénéfique. À Monaco, il y a déjà une réflexion dans ce sens. J’ai eu quelques réunions avec le Gouvernement, le Conseil National ou la mairie pour voir comment on pouvait faciliter la création d’espaces liés à la pratique du vélo. Nous avons un territoire idéal, de près de 2 km2, où nous pouvons très bien tous nous déplacer à vélo, qui avec le développement de l’assistance électrique devient à la portée de tout le monde. Les mentalités commencent à changer, même si les jeunes ne font plus de vélo comme avant. À l’époque, le premier plus beau cadeau d’un gamin, c’était un vélo. Maintenant, c’est plutôt la console de jeux (sourire). Nous travaillons donc pour transmettre cette culture, pour que les jeunes prennent l’habitude de la pratique du vélo, avec un apprentissage adapté pour circuler en ville avec des voitures à côté.
Nous comptons une cinquantaine de coureurs professionnels, parmi les meilleurs du monde.
Umberto Langellotti
Quelles mesures ont été prises par la Fédération monégasque de cyclisme pendant le confinement ?
Nous avons beaucoup de professionnels qui sont licenciés chez nous, car le règlement UCI international impose de prendre la licence dans son lieu de résidence principale. Nous comptons une cinquantaine de coureurs professionnels, parmi les meilleurs du monde. Nous avons essayé de les renseigner aux mieux durant le confinement, sur ce qu’ils pouvaient faire et ne pas faire. Ils ont apprécié ce service, durant cette coupure inhabituelle. La plupart se sont d’ailleurs essayés aux courses virtuelles, sur home-trainer. Pendant le confinement, beaucoup se sont prêtés au jeu, en se mélangeant avec des coureurs amateurs sur des courses connectées, dans des conditions presque réelles, avec des difficultés au programme. Cela leur a permis de se changer les idées et de continuer l’entraînement dans la mesure du possible, même si rien ne remplace les sorties en plein air.
Comment expliquez-vous que depuis plusieurs années, la Principauté et ses alentours se sont transformés en véritable terrain de jeu des plus grands cyclistes professionnels de la planète ?
Il y a la fiscalité, bien sûr. Il ne faut pas se la cacher. Mais cela ne fait pas tout. Il y a aussi et surtout des conditions idéales à Monaco et sur la Côte d’Azur en général. Une fois, je parlais avec Steven Kruijswijk (Jumbo-Visma), qui venait de s’installer ici pour lui demander comment il se sentait. Nous étions au mois de décembre et il m’a dit qu’il n’avait jamais connu ça. En Hollande, à cette époque, il fait froid, il pleut, il peut même neiger. Ici, il y’avait grand soleil. Et puis les conditions d’entraînements aussi sont parfaites, variées, avec du dénivelé, des cols, du plat, des descentes. À Monaco, il y a tous les profils de coureurs. Des spécialistes du contre-la-montre, des sprinteurs, des grimpeurs, des puncheurs.
Il y a aussi des coureurs qui ne sont pas forcément licenciés à la FMC mais qui s’entraînent régulièrement dans la région…
Pour les Français, il n’y a malheureusement pas d’avantages fiscaux. Mais beaucoup de français sont installés sur la Côte d’Azur et viennent souvent s’entraîner à Monaco. Il y a le col de la Madone, Sospel, où il est rare de ne pas croiser un coureur professionnel. L’autre jour, j’ai croisé Geraint Thomas (Team Ineos). Cela permet aux jeunes de voir ces champions, souvent très accessibles. Notre équipe espoir (-23 ans) roule souvent avec les professionnels l’hiver. C’est une excellente opportunité pour nos coureurs.
La Principauté de Monaco ne mériterait-elle pas une classique mondialement reconnue ou une course par étapes ?
Le problème, c’est qu’à Monaco, avec la circulation, il est difficile d’organiser une course car cela bloque toute la ville. Il y avait eu un projet de Championnats d’Europe entre Monaco et Nice, mais les attentats (le 14 juillet 2016) ont bouleversé ce projet que nous avons dû annuler. Il y a le Tour de France également, qui s’était élancé de Monaco en 2009. Pourquoi pas à nouveau envisager un Championnat d’Europe dans le futur, mais cela semble difficilement organisable. En revanche, nous accueillons chaque année une épreuve de Coupe du monde de VTT électrique. La course se déroule en France, sur la commune de Peille. Pour cette année, les manches ont été annulées. Mais en mars 2021, nous accueillerons à nouveau la manche d’ouverture. Le vélo à assistance électrique est assez tendance. Il ne faut donc pas négliger cette discipline, qui est de plus en plus porteuse.
Une équipe monégasque en UCI WorldTour, à l’image des Bahrain-McLaren, Astana Pro Team, UAE Team Emirates, Israël Start-Up Nation, pourrait-elle voir le jour dans le futur ?
Cela a déjà été envisagé il y a quelques années. Je ne cache pas que le gouvernement n’était pas très emballé par l’idée. C’était durant les années où le dopage régnait au sein du peloton. Et si jamais un cas de dopage s’était déclaré au sein de l’équipe, cela aurait été immédiatement assigné à la Principauté, même si nous n’avions pas été responsables. Il suffit qu’un coureur au pratiques douteuses soit dans l’équipe pour venir ternir l’image de Monaco. Donc pour l’instant, ce n’est pas d’actualité. Notre principale mission reste la formation des jeunes pour qu’ils puissent accéder au plus haut niveau, tout en accueillant les coureurs professionnels qui souhaitent venir chez nous.
L’avenir du cyclisme mondial dépend aussi des jeunes espoirs.
Umberto Langellotti
Quel regard portez-vous sur le cyclisme mondial actuel ?
Le calendrier est totalement bouleversé, la saison est chamboulée, presque gâchée. Mais nous allons faire du mieux possible (Umberto Langellotti fait également partie de la commission route de l’UCI) pour organiser le maximum de courses. Beaucoup auront lieu en même temps, notamment des classiques qui se disputeront en même temps que le Giro (du 3 au 25 octobre) ou le Tour de France (du 29 août au 20 septembre, au départ de Nice). Économiquement, la situation est compliquée également. Pas mal de sponsors ont tendance à partir. On espère qu’ils reviendront l’année prochaine, car pour les équipes, il est difficile parfois de survivre. Des coureurs n’ont pas été payés ou ont été au chômage. Et c’est sans compter le problème des jeunes coureurs qui essayent de passer professionnel cette année et qui n’ont pour l’instant pas la possibilité de s’exprimer. Nous travaillons pour éviter que certains jeunes coureurs prometteurs ne restent sur le carreau. L’avenir du cyclisme mondial dépend aussi des jeunes espoirs.