À la découverte du sport adapté avec Pierre Van Klaveren (Special Olympics Monaco)
Président de l’association Special Olympics Monaco depuis 2018 et membre du Conseil National, Pierre Van Klaveren a pris le soin de se confier pour Monaco Tribune sur le sport adapté, une discipline qui compte en Principauté.
« J’ai intégré Special Olympics Monaco en 2000 », se remémore Pierre Van Klaveren. Près de vingt ans que le jeune membre du Conseil National de Monaco oeuvre au sein de l’association, fondée au début des années 1980 avec le soutien de la Famille Princière. Désormais président de Special Olympics Monaco, Pierre Van Klaveren a expliqué les fondements de cette discipline, parfois méconnue et trop souvent confondue avec le handisport. Interview.
Le sport adapté est-il selon-vous une discipline encore méconnue dans le monde ?
(Il sourit) Méconnue, non. Special Olympics est une organisation internationale avec une portée mondiale, même si, malheureusement, dans certaines zones géographiques, cette discipline mais surtout le handicap, ne sont que très peu reconnus. A l’inverse, la reconnaissance et l’intégration des personnes en situation de handicap, en Amérique du Nord notamment laisse rêveur. Prenez les Etats-Unis et le Canada, par exemple, que ce soit en basket-ball ou en hockey-sur-glace, difficile de trouver un coup d’envoi de match sans la présence de sportifs de Special Olympics mis à l’honneur pour avoir remporté des médailles lors des Jeux d’été ou d’hiver ou ne serait-ce que pour leur sélection pour la prochaine compétition internationale. Ils sont vraiment un cran au-dessus. En Europe, nous sommes sur la bonne voie même si la situation est vraiment différente selon les pays.
L’état d’esprit et l’ouverture d’esprit des gens vivant à Monaco [permettent] une parfaite intégration de nos athlètes à la vie en Principauté
À Monaco, je dois dire que nous avons la chance d’être très proche du modèle nord-américain en ce qui concerne la reconnaissance mais aussi et surtout l’intégration réussie des personnes en situation de handicap. Et ça nous le devons à toutes les composantes de la Principauté, à commencer par le soutien de la Famille Princière à travers notamment la Princesse Charlène de Monaco qui est notre Présidente d’Honneur. Le Gouvernement Princier qui nous subventionne et nous permet également de bénéficier des installations sportives pour nous entraîner. A la Mairie aussi qui nous témoigne constamment son soutien au travers de subventions mais aussi de réceptions sympathiques à nos retours de grandes compétitions sportives. Et enfin, à l’état d’esprit et l’ouverture d’esprit des gens vivant à Monaco qui permettent une parfaite intégration de nos athlètes à la vie en Principauté.
Les gens ont tendance à confondre le sport adapté et le handisport. Comment expliquer cette différence ?
Les gens confondent effectivement beaucoup les deux disciplines, qui sont pourtant complètement différentes. Le handisport est destiné aux personnes ayant un handicap physique alors que le sport adapté est destiné aux personnes avec des déficiences intellectuelles.
Quelles sont les grandes compétitions auxquelles les athlètes monégasques prennent part ?
Il y a plusieurs types de compétitions. Les évènements à ne pas manquer sont bien sûr les Special Olympics World Summer Games et les Special Olympics World Winter Games qui se déroulent en alternance tous les deux ans sur le même principe que les Jeux Olympiques.. Les World Olympics Games (que cela soit pour les Jeux d’été ou d’hiver) sont nos JO à nous, avec de grandes délégations venant du monde entier et un nombre incommensurable d’athlètes (pour les derniers jeux en date à Abu Dhabi, pas moins de 190 nations étaient représentées pour un total de plus de 7 500 athlètes). En 2019, nous avons participé aux JO d’été à Abu Dhabi, alors que les JO d’hiver auraient dû se dérouler en 2021 en Suède dans une premier temps avant d’être finalement décalés à 2022 à Kazan (en Russie) en raison du contexte actuel. Les JO d’été 2023 eux doivent normalement se tenir à Berlin. Nous avons aussi de nombreuses compétitions, à l’échelle européenne dans différentes disciplines. Nous participons en moyenne à une quinzaine de compétitions par an à l’extérieur de la Principauté.
Combien d’athlètes monégasques sont représentés lors de ces grandes manifestations ?
Special Olympics fonctionne sur la base de quotas qui sont généralement proportionnels à la taille du pays et au nombre d’athlètes. Mais je dois avouer que les quotas qui nous sont alloués sont proportionnellement largement au-dessus des grandes nations par rapport au nombres d’athlètes que nous comptons. En général, en comptant les coachs, sur les JO d’hiver, nous sommes en moyenne vingt-cinq. Pour les JO d’été, cela dépend des quotas, mais on va dire que nous sommes en moyenne quarante-cinq membres de la délégation.
Dans quelles disciplines la délégation monégasque est-elle présente ?
Lors des compétitions d’hiver nous participons en courses de raquettes, ski de fond et ski alpin. Nous sommes également présents en judo, athlétisme, natation, tennis, tennis de table, football (unifié* ou non), cyclisme et équitation. Sans oublier par exemple la pétanque (qui n’est pas présente aux jeux mondiaux).
Combien comptez-vous de licenciés au sein de Special Olympics Monaco ?
En terme d’athlètes, on oscille entre soixante-quinze et quatre-vingt. Certains ne font qu’un sport, d’autres plusieurs disciplines. Personne n’est contraint de faire de la compétition. Nous sommes avant tout présent en tant que vecteur social. En revanche, à partir du moment où ils veulent prendre part aux compétitions, nous regardons avant tout l’assiduité. Si la personne s’entraîne et qu’elle est respectueuse de nos valeurs et de ses collègues alors il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas participer à au moins une compétition dans l’année.
La spécificité de Special Olympics est de récompenser un maximum d’athlètes
Bénéficiez-vous de l’ensemble des installations de la Principauté, à l’image du Louis II ?
De manière général, nous avons effectivement accès aux installations du Stade Louis II. Lorsqu’elles ne sont pas disponibles, on fait comme tout le monde. On s’entraîne un peu où on peut, pour être honnête. Nous avons aussi accès à d’autres installations et certains de nos sports se font à l’extérieur, notamment pour l’équitation, au domaine de Massac, ou le cyclisme, où l’on profite notamment de la piste cyclable vers Sanremo. En ce moment nous faisons également nos entrainements de natation en mer et pouvons aussi compter sur le soutien de clubs et fédérations comme le Tennis Club de Cap d’Ail pour nos entrainements Tennis. On essaye de s’adapter au mieux.
Des talents monégasques ont-ils émergé ces dernières années ?
Bien sûr. Mais il faut préciser que la spécificité de Special Olympics est de récompenser un maximum d’athlètes. C’est très important de le souligner. Mais nous avons effectivement des athlètes au haut niveau. En tennis, depuis le jeux d’été d’Athènes 2011, notre équipe de double (composée de Steve et Jody) est numéro un mondial. Ils sont invaincus depuis huit ans. Nous sommes là sur du très haut niveau. Sur un plan plus général nous avons des athlètes qui sont chez nous depuis de nombreuses années mais aussi des jeunes athlètes. La dynamique de groupe et l’état d’esprit sont extrêmement positifs, nous avons énormément d’améliorations de performances. Par exemple, lors de nos derniers Jeux Nationaux d’athlétisme, l’an dernier, le meilleur temps enregistré sur 100 m (sans les « pointes » – chaussures spécifiques – et sans départ en starting block) était aux alentours de 14 sec. Pas mal, non ?
Le monde associatif souffre, au niveau international, d’une baisse de dons mais aussi de volontaires et bénévoles
Pensez-vous que le contexte actuel peut impacter l’économie du sport adapté dans les prochaine semaines ?
Il s’agit là d’une tendance économique assez marquée depuis plusieurs années. Le monde associatif souffre, au niveau international, d’une baisse de dons mais aussi de volontaires et bénévoles, c’est de plus en plus difficile de trouver des personnes prêtes à soutenir les associations au sens global du terme que ce soit un soutien économique ou du bénévolat. Special Olympics International n’est malheureusement pas une exception. Chez nous aussi, à Special Olympics Monaco nous faisons face à ces problématiques mais nous avons la chance d’avoir un noyau dur de bénévoles qui sont avec nous depuis de très nombreuses années et dont la motivation (heureusement pour nous) ne semble pas faiblir. Nous avons en plus la chance d’avoir quelques nouveaux venus dans l’équipe qui semblent partis pour rester même si on ne refuserait pas quelques bénévoles de plus. D’un point de vue économique, il est effectivement plus difficile de trouver des sponsors mais à force de détermination nous y arrivons. Et puis comme je vous le disais plus tôt, nous pouvons compter sur la bienveillance des Instituions de la Principauté et ça, ça compte.
*Le football unifié est un mixte entre des athlètes de sport adapté et des partenaires sans déficience.