Luxe rime-t-il avec respect de l’environnement ?
Dans l’univers du luxe, il peut être difficile d’imaginer que le respect de l’environnement soit une priorité. Et pourtant. Certains grands hôtels des Alpes-Maritimes ont décidé de miser sur cette carte en obtenant des labels et en recrutant des ingénieurs dédiés. Alors quelles sont les actions de l’hôtellerie de luxe ? Sa démarche est-elle sincère ? Et suffisante ?
Mathieu Merlet est arrivé le 5 janvier comme ingénieur qualité au Negresco. Une création de poste pour le célèbre hôtel niçois qui borde la Promenade des Anglais et la Méditerranée. Et avec cette arrivée la concrétisation de quinze ans d’efforts dans le respect de l’environnement. Hélène Séropian, responsable communication et média du Negresco se souvient : « La première fois qu’on a mis en place un menu bio, on passait pour des hurluberlus ! »
Depuis beaucoup d’autres actions ont été menées dans le cadre de la politique de développement durable de l’hôtel. Mathieu Merlet explique : « On vise à réduire l’empreinte carbone, à protéger la biodiversité, et nous sommes vigilants sur les sites de production des produits que nous utilisons. »
Concrètement, le Negresco utilise de l’électricité 100% renouvelable, tente de limiter les livraisons, utilise une gamme de produits d’entretien végétaux biodégradables et mise sur les producteurs locaux au maximum. « Dans les chambres, on incite les clients à participer. Par exemple, on a supprimé les produits d’accueil individuels pour remplacer par des distributeurs. » Pas toujours facile pour les clients d’accepter ce changement ; pour cela, l’hôtel explique sa démarche, notamment avec des chevalets posés dans les chambres.
On essaye de toujours réfléchir à faire plus
Et la pandémie de la Covid-19 a obligé le Negresco à aller plus loin. Mathieu Merlet poursuit : « On a créé toute une communication autour de QR Code, ce qui limite les impressions, donc moins de papier, moins d’encre, moins d’électricité, et moins de propagation du virus. Et pour désinfecter les chambres, on utilise une machine à vapeur sèche. On essaye de toujours réfléchir à faire plus. »
L’hôtel de luxe n’a pas l’intention de s’arrêter là puisque de nouveaux projets sont évoqués, comme le renforcement du tissu local, la réduction d’utilisation de produits non-régionaux, la réduction des déchets ultimes qui ne sont ni revalorisants ni réutilisables, la sensibilisation des fournisseurs, le zéro plastique, et la fabrication d’une carte d’accès aux chambres en bois.
Le Negresco espère également obtenir un label international, après celui de l’Entreprise du patrimoine vivant décerné en 2015 et l’Eco-label obtenu en 2014. Une certification européenne que seule une poignée d’hôtels cinq étoiles en France possède.
De sincères actions individuelles, mais…
Des efforts salués par les militants écologistes, mais pourtant tout reste encore à faire. Thierry Bitouzé, cofondateur du collectif citoyen 06, explique. « Les actions sont bonnes à prendre bien sûr mais c’est le tourisme en général qu’il faut remettre en question. » Pour cela, le collectif interpelle les élus de la Ville de Nice et de la Métropole afin de réfléchir à leur investissement dans la lutte pour le respect de l’environnement.
Des élus qui projettent la construction de « cinq ou six nouveaux hôtels de luxe sur Nice » selon Thierry Bitouzé et l’agrandissement de l’aéroport niçois, qui pourrait engendrer une hausse de 50% du trafic aérien. Les (bonnes) actions individuelles des grands hôtels ne pourront alors malheureusement pas contrebalancer les méfaits de ces projets sur l’environnement…
Car lutter pour le respect de l’environnement passe par une réflexion plus globale sur notre économie et notre mode de vie. Preuve en est : la crise du tourisme causée par la pandémie de Covid-19. Le tourisme représente en Provence-Alpes-Côtes d’Azur 13% du PIB régional, 82 000 emplois en dépendent en basse saison, jusqu’à 143 000 en été.
Le tourisme dans notre région est une activité principale, et la crise l’a mis à terre
Et le tourisme de luxe n’est pas en reste : en 2018, selon un rapport du Comité régional du tourisme, 33% des 23 millions de nuitées de l’année ont été dans des hôtels 4 ou 5 étoiles. Une part qui ne cessait d’augmenter jusqu’à cette difficile année 2020…
La région est aujourd’hui pris à son propre piège économique d’avoir tout misé sur le tourisme. Thierry Bitouzé propose : « Le tourisme dans notre région est une activité principale, et la crise l’a mis à terre. Mettons en place une diversification économique afin que la région ne repose pas que sur le tourisme. Par exemple, la filière photovoltaïque, un procédé qui a fait ses preuves, est quasi inexistante chez nous, alors que nous avons la région la plus ensoleillée de France. »
Dans une ville comme Nice où 500 personnes décèdent chaque année à cause de la pollution, il est donc urgent pour le collectif citoyen 06 de prendre le tournant déjà pris par des grandes villes comme Amsterdam, Barcelone et Venise qui tendent à réduire le tourisme de masse sur leur territoire.
Pour Thierry Bitouzé, « tout geste positif est évidemment à prendre, les petits gestes comme les grandes décisions politiques. Or, aujourd’hui, les décisions politiques tournent le dos à tous nos espoirs, aux espoirs des générations futures. »