L’histoire fascinante d’une couverture originale de Tintin estimée à 3 millions d’euros
De Monaco à Paris, en passant par Bruxelles et Munich, les bureaux de la maison de ventes aux enchères Artcurial accueillent jusqu’en novembre une œuvre d’Hergé qui pourrait bientôt devenir le dessin de bande dessinée la plus cher au monde.
Il s’agit de la couverture originale du Lotus bleu, le 5ème épisode de la série « Les aventures de Tintin ». Le dessin d’Hergé, un carré de 35 cm par 35 cm en encre de Chine, aquarelle et gouache, est d’une valeur estimée entre 2 et 3 millions d’euros. Dessus, on y voit Tintin et Milou qui se cachent dans un vase d’époque Ming, tandis qu’un dragon, chasseur de mauvais esprits, les protège.
Inspiré d’une image de l’actrice américaine Anna May Wong, l’œuvre sera mise aux enchères à Paris le 21 novembre. L’évènement est d’autant plus attendu, car c’est la première fois que le dessin d’Hergé est présenté sur le marché. En attendant la vente, l’œuvre fait un voyage à travers l’Europe : après Monaco, le dessin ira à Bruxelles – ville natale de Tintin – avant une dernière étape à Munich, pour enfin arriver à Paris.
Une amitié improbable
Après des voyages en URSS, au Congo, aux États-Unis et en Égypte, Tintin part pour la Chine avec l’espoir de s’attaquer au trafic d’opium. Le Lotus bleu marque un véritable tournant pour Hergé : le cinquième volume de la série est la première aventure de Tintin à s’appuyer sur des recherches originales pour représenter des cultures étrangères, plutôt que de se fier à des stéréotypes.
C’est l’amitié d’Hergé avec l’artiste chinois Zhang Chongren qui transforme le travail du dessinateur. Étudiant à Bruxelles, le sculpteur introduit Hergé à un patrimoine culturel, artistique et politique jusqu’à présent inconnu au dessinateur. Soucieux de démystifier la culture chinoise, Hergé se moque ouvertement des nombreux clichés que les Européens entretiennent sur la Chine : « Ces européens croient, dur comme fer, que toutes les Chinoises sans exception ont des pieds minuscules et que, maintenant encore, les petites filles chinoises subissent mille tortures » écrit-il dans Le Lotus bleu.
Une question d’argent
Chez Artcurial, la BD n’est pas une terra incognita. En effet, la maison de vente aux enchères détient le record de la bande dessinée la plus chère jamais vendue. Il s’agit des pages de garde des albums de Tintin, vendues en 2014 pour 2,6 millions d’euros. Un record que Le Lotus bleu devrait battre.
Ce dessin est un vrai chef d’œuvre
« Ce dessin est un vrai chef d’œuvre qui représente tout le génie de Hergé, probablement la plus belle couverture d’album de Tintin ! » explique Éric Leroy, expert de bande dessinée chez Artcurial.
Bien sûr, derrière un prix exceptionnel, se cache aussi une histoire exceptionnelle : La couverture est d’abord refusée par l’éditeur d’Hergé car son impression est trop chère. Suite à cette décision, Hergé offre le dessin à Louis Casterman, fils de l’éditeur, qui le conserva dans un tiroir, soigneusement plié en six.
Les marques de pliage restent visibles sur l’œuvre jusqu’à ce jour. Influenceront-elles le prix ? Éric Leroy répond que tout dépend du collectionneur : « Ça fait partie de l’histoire. A la limite on peut dire que le dessin a conservé ses couleurs d’origine. Après, ce sera au futur propriétaire de le faire restaurer s’il veut, ce qui est d’ailleurs tout à fait possible » précise-t-il.
Tintin à Monaco
En 2010, Éliane Mollo, professeur à l’université de Nice, et Dominique Salvo-Cellario, professeur de langue monégasque à Monaco, entreprennent une tâche particulière : traduire Les Bijoux de la Castafiore en monégasque. Soucieux de préserver l’oralité de la langue, le résultat est une histoire ancrée dans la culture de la Principauté.
En monégasque, le titre devient « I Ori d’A Castafiore ». Le chien de Tintin s’appelle désormais Milù et aboie dans le dialecte local (« bau bau »), tandis que le capitaine Haddock n’est plus le capitaine Haddock, mais le capitaine Stocafì, d’après un plat local à base de morue.
La couverture originale du Lotus bleu (1936) est exposée à Artcurial Monaco jusqu’au 11 septembre et à Bruxelles du mardi 22 septembre au vendredi 2 octobre.