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Enquête

Médecins, parents, psychologues… Quel est l’avis des Monégasques sur le masque obligatoire à l’école ?

Protocole sanitaire dans les écoles
Unsplash

Source de débats, notamment au Conseil national, le port du masque obligatoire dans les écoles monégasques est un sujet sensible. S’il a été récemment retiré pour les cours de sport, à la demande des parents d’élèves, il est toujours en vigueur en classe et dans la cour de récréation. Ces deux points doivent être prochainement débattus, alors que la France vient tout juste d’annoncer le retour du masque obligatoire à l’école dans 40 départements dès le 8 novembre.

« On fait peser [aux enfants] toute la responsabilité du Covid sur leurs épaules. » Du côté des parents d’élèves et lecteurs de Monaco Tribune, l’opinion est homogène : le port du masque obligatoire chez les jeunes enfants pose problème, alors que les adultes, eux, ont le droit de le retirer.

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Une mesure jugée incohérente

Certains parents pointent du doigt l’incohérence de cette obligation, comme cet internaute qui nous a confié, non sans ironie : « Je pense qu’on devrait remplacer les bureaux des élèves par des tables de restaurant ou de bar. Comme ça, ils pourraient enlever leur masque. »

Au-delà des incohérences, la peur des conséquences. Une maman a notamment témoigné sur Facebook : « comment un enfant de maternelle fait-il pour comprendre correctement sa/son maitre(sse) qui est masqué(e) ? Comment développe-t-il son langage global, c’est-à-dire les expressions du visage, les codes que nous nous faisons passer sans parler ? »

Une autre mère nous a également fait part de ses inquiétudes par e-mail : « Mon fils a vraiment du mal à le porter toute la journée et se fait sans cesse réprimander quant à sa façon de le porter. Il serait bien que chacun retrouve sa place. Les enfants : leur insouciance, la joie de vivre et le partage et la création de liens sociaux. Les professeurs : se contenter d’enseigner et ne plus avoir à faire la police toute la journée. »

Des propos corroborés par une enseignante de lycée qui constate « qu’il est beaucoup plus difficile pour les élèves de communiquer et de se concentrer. » A cause du masque, certains jeunes ont du mal à projeter leurs voix, obligeant ainsi les professeurs à réduire le bruit avoisinant en fermant les fenêtres, « alors que nous devrions justement faire circuler l’air dans les salles de classe ! »

Les enfants ont une capacité d’adaptation supérieure à celle des adultes

Camilla Barbini – psychologue

Quelles conséquences sur l’apprentissage ?

La question de l’apprentissage, en particulier chez les plus jeunes, est désormais sur les lèvres des parents et des enseignants. Le masque peut-il avoir des conséquences sur la socialisation mais aussi sur la façon dont les enfants apprennent à s’exprimer ?

Pour Camilla Barbini, psychologue à Beausoleil, spécialisée dans le traitement des angoisses et la gestion des émotions chez l’enfant, la crise sanitaire et le port du masque ont pu effectivement générer une certaine anxiété chez certains jeunes patients. « En cachant une partie du visage, par exemple, on masque un certain nombre d’expressions et la communication peut en être altérée. »

Elle se veut toutefois rassurante : cet état d’angoisse ne devrait pas avoir de caractère définitif. « Les enfants peuvent faire preuve d’une capacité d’adaptation supérieure à celle des adultes, ils ont beaucoup de ressources et ne se mettent pas certaines barrières que les adultes vont poser. » Et dans les cas où l’on observerait une persistance des signes d’anxiété, des solutions sont envisageables, telles que la psychothérapie EMDR.

De même, les enfants en phase d’acquisition, notamment du langage, sont certes touchés par ce port du masque obligatoire, mais là encore rien n’est perdu ! Pour Camilla Barbini, de nouvelles stratégies d’apprentissage pourraient permettre de compenser ces éventuelles difficultés.

La psychologue conseille notamment aux parents de beaucoup dialoguer avec leurs enfants à propos de la crise sanitaire et de les accompagner à la maison grâce à des activités ludiques.

Elle préconise également aux écoles de s’adapter, avec l’utilisation de masques transparents ou en travaillant en petits groupes, afin de tolérer un allègement bref du port du masque, pour permettre aux petits d’apprendre en toute sécurité.

Les conséquences du masque ne sont pas celles que les parents craignent

Docteur Hervé Haas – pédiatre au CHPG

La santé des enfants est-elle menacée ?

Autre sujet préoccupant pour les parents : les conséquences sur la santé physique de leurs bambins. Maux de tête, infections ou autres maladies pulmonaires : certaines familles redoutent autant les effets du port du masque que le Covid lui-même. Pour le Docteur Hervé Haas, pédiatre au CHPG, il n’y a rien à craindre, du moins de ce côté.

D’après le praticien, « les conséquences du masque ne sont pas celles que les parents craignent. » Là encore, ce sont plutôt les troubles anxieux ou les soucis d’apprentissage évoqués plus haut qui sont au coeur des inquiétudes des professionnels de santé.

Le Docteur Robino, membre du Conseil national, ajoute par ailleurs que la nouvelle vulnérabilité des enfants face aux maladies et aux infections n’est pas liée au masque en lui-même mais au confinement : « beaucoup de jeunes n’ont pas contracté de virus saisonniers, ce qui a entraîné une baisse d’immunité. »

Le médecin a également rappelé l’intérêt premier du port du masque, à savoir mettre un terme à la crise sanitaire : « moins le virus va circuler, moins le risque de retirer le masque est important (…) Il ne faut pas que les gens oublient que le virus est toujours là. Il faut être prudent et si on veut sortir de la crise, il ne faut pas aller trop vite. »

Une prudence également observée par le Gouvernement Princier. « Ces mesures ont démontré leur efficacité, tout au long de l’année scolaire écoulée : les établissements scolaires ont accueilli l’ensemble des élèves en présentiel et aucune fermeture d’école liée au Covid-19 n’a été prononcée », avait rappelé un membre de l’éducation nationale monégasque en avril dernier.

L’exemple récent du Royaume-Uni prouve d’ailleurs qu’un retrait prématuré du masque dans les écoles pourrait engendrer des complications. Certains établissements scolaires britanniques appellent en effet à réintroduire le masque, face à une augmentation soudaine des absences à cause des contaminations au Covid-19. D’après la BBC, 9 000 élèves anglais ont été touchés par le virus en seulement quinze jours depuis la rentrée scolaire.

Alors que faire ? Pour le Docteur Haas, le masque est efficace contre le virus, mais uniquement en cas de circulation intense. Un bon compromis, selon lui, serait de retirer le masque obligatoire pour les enfants de moins de six ans, car le risque de contagion serait plus faible.

Pour les plus grands, âgés de six à onze ans, le pédiatre est plus prudent mais en raison du faible taux de transmission entre enfants, il préconise des mesures de protection plus rigoureuses qui permettraient d’enlever les masques jusqu’au collège.

Des solutions existent et sont possibles mais rien n’est mis en place et c’est bien dommage

Des solutions alternatives ?

Pour le corps médical comme pour les parents d’élèves, le but n’est donc pas nécessairement de retirer le masque en toute insouciance. Certains parents proposent des solutions alternatives, comme cet internaute : « savez-vous que de très performants purificateurs d’air existent ? Les mêmes qui sont sur tous les plateaux TV… »

Un commentaire faisant écho à celui de cette mère de famille : « des solutions existent et sont possibles (éloigner les tables, purificateur d’air, aération des salles…) mais rien n’est mis en place et c’est bien dommage. »

Ces solutions alternatives pourraient apaiser les tensions au sein des parents. L’Association des Parents d’Elèves de Monaco (APEM) a d’ailleurs reçu de nombreux témoignages de familles inquiètes. La Présidente, Mme Gebel, nous raconte que des parents lui confient « que de plus en plus d’enfants ne supportent plus le masque, le mettent sous le nez et ces enfants sont sanctionnés : toujours des heures de colle qui arrivent, par exemple. »

D’après elle, la demande principale des parents porterait principalement sur le retrait du masque lors de la récréation : « pour eux, ça ferait une petite pause dans la journée. Il faut garder à l’esprit que certains enfants sont parfois à l’école de 8 heures à 18 heures ! (…) Les parents pensent que les enfants sont moins contagieux et que le virus circule moins en extérieur, ils se demandent alors pourquoi il faut le garder ? »

Le retrait du masque dans les écoles est possible à condition de respecter des mesures très strictes

Docteur Robino – Néphrologue et membre du Conseil national

Sur ce point précis, le Docteur Robino relativise : « On pense que le Covid est moins grave chez les enfants, mais on a observé des complications cardiaques et des maladies extrêmement inflammatoires qui sont apparues chez de très jeunes enfants [qui avaient contracté le Covid]. Il ne faut pas complètement sous-estimer le virus, surtout sachant que les enfants de moins de douze ans ne sont pas vaccinés. »

En revanche, sur la question de la récréation, le médecin est plutôt d’accord. « Si on est en extérieur ça pose moins de problème, car on est dans des zones aérées. (…) Le retrait du masque dans les écoles est possible, à condition de respecter des mesures très strictes, comme les tests hebdomadaires des classes. »

Et tandis que la Principauté s’apprête étudier à nouveau la question du retrait de l’obligation, la France fait marche arrière. Dès le lundi 8 novembre, jour de rentrée scolaire après les vacances de la Toussaint, 40 départements imposeront à nouveau le masque dans les écoles primaires, alors qu’il en avait été retiré.

Du côté des Alpes-Maritimes, le dispositif reste donc inchangé, puisque, selon le site covidtracker, le taux d’incidence est toujours au-dessus du seuil d’alerte, fixé à 50 cas pour 100 000 habitants.