Dossier

Franck Lobono : « nous avons toujours considéré que le logement était la priorité nationale »

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Conseil national

Pour le premier article de notre dossier consacré au logement, Franck Lobono, Président de la Commission du Logement au sein du Conseil national, a répondu à nos questions.

Pourriez-vous nous parler du Plan National Logement 2022 ? Quels en étaient les enjeux et les causes ?

La Principauté de Monaco est un pays qui ne peut être comparé à aucun autre. En matière de logement, la problématique est unique aussi car une très grande majorité des Monégasques ne pourrait se loger sans l’intervention de l’Etat. C’est la conséquence d’un marché immobilier aux prix extrêmement élevés. Si on doit s’en réjouir pour la bonne santé économique du pays, on doit être capable d’en peser les conséquences « sociétales » pour la population stable de la Principauté, en tout premier lieu pour les Monégasques.

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Il faut donc impérativement disposer d’une offre alternative de logement. Le secteur domanial est la réponse la plus appropriée car il permet de proposer aux nationaux des logements de grande qualité à des loyers modérés, en phase avec leurs revenus.

Le Plan National pour le Logement a été annoncé par le Prince Souverain début 2019. Il fait suite aux attentes des Monégasques exprimées lors des élections de février 2018 ; avec le Président Valeri, nous avons toujours considéré que le logement était la priorité nationale.

En 2018, plus de 400 foyers étaient en attente d’un logement. Malheureusement presque aucune construction n’avait été programmée et l’on sait que la demande augmente d’environ 100 foyers supplémentaires chaque année. Il y avait urgence à agir et nous l’avons très clairement exprimé après notre élection, lors du vote du budget primitif en décembre 2018, en exigeant du Gouvernement qu’il lance très rapidement un programme ambitieux de logements. Le Plan National pour le Logement a été la réponse, en prévoyant la construction de plus de 1 500 nouveaux appartements en 15 ans.

Quel premier bilan dressez-vous concernant les demandes de logements domaniaux ?

Pour construire un immeuble, il faut entre trois et quatre ans. Les premières livraisons du Plan National pour le Logement arrivent donc en fin d’année 2022 avec la première tour Testimonio II.

Cela marque le début des livraisons avec plus de 600 logements d’ici fin 2023. A terme, presque toutes les demandes auront été satisfaites et tous les Monégasques dont la situation le justifie, seront bien logés dans leur pays. A la commission du 14 juin, 524 demandes ont été enregistrées pour 212 appartements disponibles, de quoi satisfaire immédiatement plus de 40% des foyers. C’est exceptionnel, et ce sera complété en janvier 2023 par une autre vague d’attributions, encore plus significative. Avant la fin de l’année 2023, la pénurie ne sera plus qu’un mauvais souvenir [un prochain appel à candidatures sera lancé par le Gouvernement, de fin août à fin septembre 2022 ndlr].

Quand on voit pousser les tours Testimonio, on ne peut que se dire que les Monégasques sont chanceux.

Pour autant, il ne faut pas considérer cela comme suffisant pour le futur. L’effort doit être maintenu car chaque année, 100 demandes supplémentaires viennent s’ajouter. L’Etat doit maintenir le rythme ambitieux du Plan National pour le Logement car sans cela, nous reviendrions en arrière en accumulant des centaines de demandes non-satisfaites.

Notre rôle est désormais de veiller au respect des délais de livraison, conformément aux annonces du Gouvernement.

A quoi ressemblent les logements domaniaux ?

Les dernières et futures constructions domaniales, à l’instar de l’Engelin ou des Jardins d’Apolline, sont et seront de très grande qualité. Quand on voit pousser les tours Testimonio, on ne peut que se dire que les Monégasques sont chanceux.

Afin de maintenir un parc de qualité et assurer à tous les résidents domaniaux un cadre de vie comparable, les anciens immeubles comme les Caroubiers ou les Mélèzes sont rénovés. Cela passe malheureusement par des phases de travaux, mais cela se fait dans l’intérêt des locataires.

Je suis très attaché à la qualité des logements domaniaux et j’insiste souvent pour dire que les immeubles domaniaux ne sont pas des immeubles « sociaux » au sens de ce que sont les HLM. En France, les habitations sociales sont uniquement destinées à des foyers aux revenus très modestes. A Monaco, le domanial est le logement de « tous les Monégasques », en balayant l’ensemble des classes sociales, de l’ouvrier au Ministre, en passant par des secrétaires, des cadres ou des commerçants. Le logement domanial est devenu une question « sociétale » et plus « sociale ».

Qu’en est-il des Enfants du Pays ? Un plan de logement qui leur serait dédié va-t-il voir le jour ?

La question des Enfants du Pays est mon autre préoccupation et les réponses sont plus complexes. Sur notre petit territoire, on ne peut pas multiplier les projets publics de logement car on n’a pas les terrains et le budget de l’Etat n’est pas extensible à l’infini ! Quelques immeubles pourront être construits néanmoins et l’Etat s’est déjà engagé sur une première réalisation à la rue Louis Aureglia, mais nous attendons avec impatience que ce projet soit lancé.

Le Gouvernement traine sur ce sujet comme sur la création d’une foncière d’Etat capable de mieux gérer tous ces projets immobiliers. Avec le Président Valeri, nous sommes favorables à des projets qui seraient financés par la vente des derniers étages sur le marché privé et tous les autres étages seraient loués par l’Etat aux Enfants du Pays. Ce seraient des opérations mixtes publiques / privées. Mais ces constructions ne suffiront pas !

Pour parvenir à loger les Enfants du Pays de façon pérenne, il faut maintenir un secteur protégé, mais pour cela, il faut être imaginatif et concilier les intérêts des promoteurs, des propriétaires et des résidents concernés.

Je serai complètement satisfait quand tous les Monégasques seront bien logés.

En réformant la loi sur le secteur protégé tel que nous l’avons fait en juin 2021, nous pensions honnêtement avoir réussi « l’équation impossible » : ne pas entraver les promotions immobilières, maintenir un secteur protégé dans les futurs immeubles et libérer les propriétaires privés de leur rôle social en faisant en sorte que ce soit l’Etat qui supporte le futur parc protégé. Nous avions beaucoup travaillé avec les promoteurs immobiliers avec lesquels nous avions fini par nous accorder.

Je regrette et déplore sincèrement que quelques propriétaires dirigeant l’association éponyme, n’aient pas eu la même volonté et aient refusé toute concertation. Très malheureusement, quelques propriétaires irréductibles ont donc attaqué le projet de loi devant le Tribunal Suprême qui leur a en partie donné raison. Le droit est une science inexacte et sujette à interprétation…  Et les dernières décisions de la Cour Suprême aux Etats-Unis confortent, hélas, mon avis.

Dans notre approche sur le projet, nous étions également très motivés par l’idée d’en finir avec le fait que les propriétaires soient contraints de jouer un rôle social en louant leurs biens à des loyers modérés. En annulant le texte, le Tribunal Suprême, sous prétexte de défendre les propriétaires, les condamne en réalité à continuer à supporter le secteur protégé. C’est une totale aberration quand on sait que le texte dégageait toutes les futures surfaces privées de la moindre contrainte sociale et faisait supporter cette charge à l’Etat, qui l’avait acceptée.

La décision du Tribunal Suprême est bien triste pour les Enfants du Pays. C’est ainsi et nous devons nous remettre au travail pour trouver un nouvel équilibre, mais il ne faut pas se faire d’illusion, sur un territoire de 2 km2, il faudra que chacun sache faire un pas vers l’autre. Moi je suis un homme de dialogue et je ne suis pas dogmatique. J’appelle les propriétaires raisonnables à venir nous rencontrer au Conseil National.

A court terme, l’espoir pour les Enfants du Pays réside dans le fait que le Plan National pour le Logement va libérer des dizaines d’appartements du secteur protégé car des Monégasques les quitteront pour aller enfin dans les Domaines. Ces appartements pourront bientôt être occupés par des Enfants du Pays.

Entre temps, nous ne lâcherons rien et nous rappellerons au Gouvernement l’urgence de ce dossier, de construire ce premier immeuble pour les Enfants du Pays et revenir très rapidement avec un nouveau projet de loi, tenant compte de la décision du Tribunal Suprême.

Quels sont les projets et objectifs futurs en matière de logement à Monaco ?

Je conclurai en disant que ce mandat aura été celui du logement avec plusieurs lois votées, un Plan National pour le Logement totalement historique et une réforme ambitieuse du secteur protégé.

Pour ma part, je serai complètement satisfait quand tous les Monégasques seront bien logés. Les efforts doivent être maintenus dans les prochaines années pour ne plus jamais vivre une nouvelle pénurie.

En matière de projets, je crois qu’une réflexion sur le mode d’attribution des logements domaniaux serait utile. Je reste persuadé que l’on peut mieux faire pour éviter que chaque Monégasque se voit imposer son logement sans qu’il n’ait le moindre choix. Cela mérite une certaine remise en question que l’on devra mener en temps utile, avec les services exécutifs.

Autre point d’interrogation pour ma part, cela concerne l’attribution d’un trois pièces aux couples plutôt qu’un deux pièces. En rationalisant les surfaces, cela serait parfaitement faisable et ce serait tellement plus logique. A l’avenir, le système d’attribution devra s’assouplir pour mieux accompagner chaque Monégasque au gré de son parcours de vie et faciliter la mobilité au sein du Parc Domanial.

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