Comment les écoles monégasques luttent-elles contre le harcèlement scolaire ?
À l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre le harcèlement scolaire, la direction du Collège Charles III et celle de l’International School of Monaco (ISM), nous expliquent comment elles combattent ce fléau, qui mène parfois à l’irréparable.
Une vingtaine de signalements est recensée chaque année en Principauté et le sujet est désormais pris très au sérieux. L’entrée en vigueur de la loi n° 1513 du 3 décembre 2021 en est la preuve. Si ce texte permet d’identifier, prévenir, signaler, traiter et réprimer les situations de harcèlement et de violence en milieu scolaire, beaucoup d’écoles n’ont pas attendu sa mise en application pour prendre des mesures.
« Les éléments contenus dans la loi sur le harcèlement sont, pour leur très grande majorité, appliqués depuis de nombreuses années, indique Cédric Bertrand, Principal du Collège Charles III. Mais il était en effet indispensable de disposer d’un cadre légal en la matière, afin de protéger aussi bien les victimes que les impliqués, ou même l’établissement. Désormais, chacun connait son rôle et peut s’appuyer sur un texte pour définir ce qu’il peut ou ne peut pas faire, ce qui n’était pas forcément le cas avant. »
De même, à la lecture du texte, Lindsay MacKenzie-Wright, directrice adjointe Bien-être de l’International School of Monaco, n’a pas caché sa satisfaction. « La loi n’impliquera pas de changement dans l’école, mais elle donnera du poids à notre politique et à tout ce que nous avons mis en place jusqu’à maintenant. »
Il y a sanction quand cela est nécessaire
Des situations difficiles à gérer
Toutes les écoles – même les plus préventives – sont confrontées au harcèlement. « Ce phénomène peut survenir dans l’ensemble des établissements scolaires et peut-être plus particulièrement dans les collèges » témoigne le directeur du Collège Charles III, dans lequel un à trois cas sont avérés chaque année.
Pour faire face à ces situations délicates, les deux établissements interrogés disposent de personnels spécifiquement formés, comme le stipule désormais la loi. « L’écoute doit être engagée par un référent harcèlement et violence ou un psychologue scolaire, explique le proviseur. Comme pour les adultes, une enquête est ensuite conduite. Cette phase est suivie généralement d’un dialogue entre les personnes concernées. Il y a sanction quand cela est nécessaire, tant dans l’intérêt de la victime que de l’élève auteur des faits ».
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Comme le nombre de signalements effectués depuis janvier 2022
Avant d’en arriver aux sanctions, les deux directeurs misent d’abord sur la prévention et un travail conséquent est mené en amont. « On sensibilise le personnel et les élèves notamment au travers d’intervenants comme Action Innocence Monaco, qui fait un travail remarquable depuis des années. On accorde également une grande attention aux journées de sensibilisation, comme la Journée mondiale de lutte contre le harcèlement qui se déroule au mois de novembre », précise Cédric Bertrand. De son côté, l’ISM utilise un système en ligne, où chacun peut signaler un comportement ou une situation anormale, qu’elle se déroule en classe, dans la cour de récréation, dans les couloirs ou à la cafétéria.
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Aujourd’hui, la dispute peut dégénérer très vite avec les conversations groupées et les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux ont changé la donne
Lutter contre le harcèlement scolaire s’avère plus difficile aujourd’hui qu’il y a quelques années, car beaucoup de cas sont signalés en ligne. « Il y a 15 ans, quand une dispute éclatait dans la cours de récréation, elle se terminait à 16 heures et les enfants rentraient chez eux. Aujourd’hui, la dispute les suit, et elle peut dégénérer très vite avec les conversations groupées et les réseaux sociaux de manière générale », constate la directrice adjointe de l’ISM.
C’est pour cette raison que les élèves sont sensibilisés et éduqués. Parce que l’éducation, « ce n’est pas uniquement les maths, l’anglais ou les sciences, c’est aussi apprendre le respect, pour s’intégrer dans la société » poursuit-elle.
Dans les deux écoles, toute la communauté éducative est impliquée, mais à l’ISM, ce sont les élèves les principaux acteurs. « Nous avons, de la primaire au lycée, des élèves ambassadeurs formés par un spécialiste de l’anti-harcèlement. Cela signifie que si un élève rencontre un problème, il peut aussi bien se rapprocher d’un adulte de l’école, que d’un élève ambassadeur. »
Selon Lindsay MacKenzie-Wright, l’action est encore plus efficace si elle provient d’un élève. Tous sont d’ailleurs habitués à réagir s’ils sont témoin d’une scène de harcèlement ou de violence.
Les parents ont également un rôle à jouer. « Si vous ne travaillez pas avec eux, vos efforts ne payeront pas » pense-t-on à l’école internationale, dans laquelle sont organisés régulièrement des ateliers avec les familles.
Que pense le Gouvernement ?
Pour Isabelle Bonnal, Commissaire général en charge de la Direction de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports (DENJS), la loi n°1513 relative à la lutte contre le harcèlement et la violence en milieu scolaire est « une avancée importante […] pour prévenir et traiter ce phénomène en Principauté ». Elle définit le harcèlement scolaire comme « le fait de soumettre un élève à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage ou de vie scolaire ».