Jean Castellini : « Monaco est terre d’innovation »
Le Conseiller de Gouvernement – Ministre des Finances et de l’Économie a partagé avec nous son regard sur la place que la Principauté accorde à l’innovation et a fait le point sur les différentes aides accordées aux startups.
Un petit territoire, mais de grandes idées. Lorsque l’on demande à Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement – Ministre des Finances et de l’Économie, de nous partager sa vision de l’innovation, la réponse est simple : « un formidable véhicule en matière d’image et de communication pour combattre certaines idées reçues sur Monaco. »
Car si la scène internationale considère souvent la Principauté comme une destination uniquement touristique, Monaco a, en réalité, bien plus à montrer. En témoignent les nombreux dispositifs de l’Etat qui, depuis plusieurs décennies, accompagnent différentes entreprises, accordant ainsi à l’innovation une place pour le moins essentielle, et ce à tous les niveaux.
Trois dispositifs majeurs
A Monaco, on veut voir plus loin que la simple aide financière. L’objectif : accompagner pas à pas les entrepreneurs – monégasques ou non – qui souhaitent se lancer dans l’aventure. Voilà pourquoi trois dispositifs ont vu le jour : MonacoTech, Monaco Boost et Monaco Innovation Runway.
MonacoTech, l’incubateur
Depuis cinq ans maintenant, MonacoTech, « incubateur accélérateur d’entreprises », aide les startups incubées à concrétiser leurs projets, encourageant ainsi les porteurs de ces projets à innover. « Lorsque MonacoTech a été lancé, nous n’avons exclu aucune « Tech ». Je pense que c’est ce qui a le plus de sens à Monaco, même si les cinq dernières années nous ont amenés à privilégier certains secteurs plutôt que d’autres, comme la santé (MedTech), ou l’environnement (GreenTech) », nous confie Jean Castellini.
Et pour cause : les entreprises incubées bénéficient d’un espace où elles peuvent échanger entre elles, créer des synergies, mais aussi bénéficier d’aides précieuses, comme une bourse financière pour effectuer leurs premières dépenses ou obtenir gratuitement certains services, grâce à des partenariats avec l’Ordre des Experts Comptables ou avec Monaco Telecom, entreprise « fer de lance » de la plupart des initiatives en matière d’innovation en Principauté.
Aujourd’hui, MonacoTech recense pas moins de 45 projets incubés au total, dont une vingtaine qui sont toujours à MonacoTech.
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L’innovation made in Monaco traverse les frontières
Monaco Boost, la pépinière
Sur ce même plateau : Monaco Boost. Créé il y a deux ans, ce dispositif se définit plutôt comme une « pépinière pour entrepreneurs monégasques », selon Jean Castellini. « Chez MonacoTech, on a un biais technologique plus affirmé. Chez Monaco Boost, on accueille des entreprises innovantes, défendues essentiellement par des compatriotes », résume-t-il. En seulement deux ans, 39 activités y ont déjà été hébergées et Monaco Boost compte aujourd’hui 27 salariés et 17 alternants.
« Comme Monaco Boost est sur le même plateau que Monaco Tech, cela créé des synergies entre entreprises. Monaco Boost accueille parfois les sociétés « excubées » de MonacoTech : ce serait dommage d’aider les entreprises incubées, de les financer, de leur permettre de se développer puis de les perdre. Les uns bénéficient aux autres, pas forcément en matière de débouchés commerciaux, mais plutôt en « mentoring » et partage d’expérience. C’est très enrichissant que les gens puissent se parler et échanger », explique Jean Castellini.
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Monaco Innovation Runway, la vitrine
Dernier-né de ces dispositifs, Monaco Innovation Runway, lancé en juillet dernier, qui a pour vocation de servir de showroom aux entreprises qui ont réussi à développer leurs projets.
« L’idée, c’était d’être un lieu de démonstration, de promotion et de mise en lumière de l’innovation. Il y a cinq ans, on n’avait pas de gens à mettre en avant. Aujourd’hui, c’est le cas, dans des projets très divers, comme la santé, l’éco-responsabilité, la technologie marine… Tous méritaient que l’on ait un showroom, une vitrine pour les mettre en avant », détaille Jean Castellini, qui précise que pour l’instant, il est encore trop tôt pour établir un bilan de cette opération.
Mais le Conseiller de Gouvernement – Ministre reste confiant. Car la Principauté peut se féliciter de la réussite de MonacoTech et Monaco Boost : « une centaine d’emplois permanents, à Monaco ou à l’étranger, ont été créés par les startups accompagnées. Le tissu économique monégasque en bénéficie directement et l’innovation made in Monaco traverse les frontières », se réjouit-il.
De solides aides financières
Bien entendu, tous ces dispositifs s’accompagnent d’un important soutien financier, qui prouve là encore le degré d’implication de la Principauté en matière d’innovation, et ce jusque sur la scène internationale.
Dirigée par François-Xavier Leclerc, la Direction de l’Expansion Economique est ainsi à l’origine du fonds monégasque à l’innovation – levier qui existe depuis 25 ans – et du fonds monégasque Eureka, créé en 2005 et qui apporte un soutien aux projets d’innovation coopératifs.
Ce second dispositif entretient d’ailleurs une collaboration très active avec la banque publique d’investissement Bpifrance et ses équipes locales, sur la base de conventions. « Cela témoigne d’une initiative qui dépasse nos frontières, et qui implique des équipes locales qui connaissent très bien l’écosystème favorable à l’émergence, à la croissance et au développement des entreprises », ajoute Jean Castellini.
Enfin, last but not least : Horizon Europe. Depuis 2019, ce dispositif offre la possibilité aux entités monégasques de participer à des appels à projets de Recherche et Développement lancés par la Commission Européenne : « une fois encore, on voit cette relation de proximité que Monaco entretient avec la France mais aussi avec l’Union Européenne. »
Freiné à cause de la pandémie, Horizon Europe est désormais en cours de lancement. Les premiers projets doivent être soumis à la Commission Européenne d’ici la fin de l’année. Trois entreprises monégasques sont d’ailleurs pressenties pour recevoir le soutien financier nécessaire au lancement de leur projet.
Un cadre législatif en perpétuelle évolution
Dernier axe, et non des moindres, pour cimenter le tout : le cadre législatif, qui tente de s’adapter régulièrement aux besoins des entreprises. « Le cadre législatif et règlementaire à Monaco permet aujourd’hui à l’innovation de prospérer. 20 startups de MonacoTech, sur les 40, ont déjà créé une société, dont 4 ont créé une Société Anonyme Monégasque (SAM).
Ce sont des formes sociétales plus lourdes qui demandent davantage d’implication en matière de capital. C’est pour nous une source de satisfaction de voir que ces entreprises ont pu être créées et qu’elles ont pu grandir à Monaco, en se projetant dans leur futur avec certaines assurances, que garantit notamment la constitution d’une SAM. Ces sociétés ont derrière elles un historique, une crédibilité », atteste Jean Castellini.
Sur un territoire de deux kilomètres carrés, on peut créer des entreprises innovantes
Un projet de loi sur le Droit des Sociétés doit d’ailleurs être prochainement déposé au Conseil National. Un projet qui prévoit de « toiletter les dispositifs existants, notamment pour les SAM et qui introduira sans doute de nouvelles formes sociétales, comme la Société par Actions Simplifiées, souvent utilisée et privilégiée par les créateurs d’entreprise et les startups. »
Pour Jean Castellini, les améliorations doivent d’ailleurs porter sur une simplification de certaines procédures en matière de création d’entreprises, mais aussi sur une actualisation de la logique des financements des entreprises par le Gouvernement, consécutivement à la crise sanitaire. « Une des révolutions que l’on a tous vécues a été le télétravail. On a vu à quel point il était compatible avec une activité comme l’incubation d’entreprises. (…) On a pu voir que pendant presque deux ans, une structure d’incubation d’entreprises a pu vivre avec des entrepreneurs qui n’étaient pas là tous les jours, voire pas là du tout. Ça doit nous pousser à réfléchir à comment nous les accompagnons, comment nous les aidons, d’un point de vue financier ou intellectuel. »
La capacité à s’adapter
Et là encore, le Conseiller de Gouvernement – Ministre en est sûr : Monaco a de nombreux atouts à faire valoir pour encourager les entreprises. « Je pense qu’on retrouve dans le domaine de l’innovation les caractéristiques qui font que l’économie monégasque se développe de manière régulière et parfois dans des secteurs que l’on n’associe pas spontanément à la Principauté. Monaco est plus qu’une destination touristique : la finance et l’immobilier sont deux autres piliers, mais là encore l’innovation y est liée. On peut le voir avec le projet d’extension en mer, qui bénéficie de l’innovation – notamment en matière d’écologie.
A Monaco, on retrouve une très grande flexibilité, on peut faire du sur-mesure. Les locaux que nous avons mobilisés pour Monaco Boost et MonacoTech étaient des locaux historiques industriels de Fontvieille, dans des bâtiments qui ont une cinquantaine d’années. Ils ont été entièrement transformés en plateaux adaptés aux années 2020 pour permettre le développement de l’innovation. L’adaptation est permanente puisque Monaco Innovation Runway, implique l’utilisation de certaines surfaces, que nous n’avions pas identifiées auparavant comme pouvant servir de showroom pour l’innovation, et qui ont été finalement mobilisées. Cette adaptabilité est un atout pour les entrepreneurs et porteurs de projets. »
Et pour Jean Castellini, Monaco Telecom reste le meilleur exemple de la place accordée à l’innovation en Principauté : « c’est l’un de nos fleurons en matière d’innovation. Lorsque la 5G est lancée, ou le réseau fibre à 10Go, c’est parce que l’on a cette société en Principauté, qui est le fer de lance de l’innovation dans son domaine. (…) Monaco est terre d’innovation. C’est certainement cette initiative, qui s’inscrit dans une démarche plus globale, qui contribue à changer l’image, adapter la perception que certains ont. Sur un territoire de deux kilomètres carrés, on peut créer des entreprises innovantes. C’était le cas il y a cinquante ans, c’est toujours le cas aujourd’hui avec des moyens différents mais avec un soutien de l’Etat qui ne faiblit pas. »