Récit

Yannick Alléno crée une association en hommage à son fils

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Antoine et son père Yannick Alléno © Page Facebook Yannick Alléno Officiel

Le chef du Pavyllon s’est exprimé dans les colonnes du Journal du Dimanche sur son combat depuis le décès d’Antoine en mai dernier.

C’est aux côtés de la mère d’Antoine, Isabelle, et de son second fils, Thomas, que le chef Yannick Alléno a accordé une longue interview au Journal du Dimanche (JDD), publiée ce samedi 17 septembre.

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Un entretien au cours duquel il revient sur le terrible drame qui s’est abattu sur sa famille le 8 mai dernier : son fils, Antoine, est décédé après avoir été percuté par un chauffard, alors qu’il était stationné à un feu rouge sur son scooter. Il n’avait que 24 ans.

Le chauffard était déjà connu des forces de l’ordre. Il a été mis en examen pour homicide et blessures involontaires aggravés, et placé en détention provisoire. Quatre mois après le décès de son fils, le chef du Pavyllon lance officiellement ce mardi l’association Antoine Alléno. Le but : venir en aide aux proches des jeunes victimes de violence.

Soutenir les familles dans toutes les démarches

Le chef a en effet détaillé la sombre nuit que lui et sa famille ont vécu : « Au-delà du choc évident de la perte de notre fils, nous nous sommes retrouvés confrontés à une déshumanisation difficile à vivre. Et cela malgré tout le soutien dont nous avons eu la chance de bénéficier. Quand on s’est réveillés malgré tout, on s’est demandé comment il était possible qu’on en soit là dans un pays comme la France. Et comment faire pour épargner à d’autres ce que nous avons vécu.

La nuit du drame, nous sommes arrivés à l’hôpital de ­l’Hôtel-Dieu, à Paris. Une pièce glauque, avec une chaise déglinguée. On nous a tendu un bout de papier, le contact d’une personne au cas où on aurait besoin de soutien psychologique. Et puis c’est tout. Même pas un verre d’eau. À 3  heures du matin, on est tous les trois repartis chacun de son côté. Le lendemain, vous voulez voir votre enfant. Ça se passe à l’institut médico-légal, un bâtiment sordide derrière la gare de Lyon. Tu vois ton môme derrière une vitre ».

Par cette association, Yannick Alléno espère aider les familles et les accompagner, jusque dans les démarches administratives : « C’est un détail, mais j’ai reçu une facture de 19  euros : le prix de notre transport de nuit en ambulance jusqu’à l’hosto ! (…) On a pu nous restituer le corps d’Antoine en trente-six heures. Certaines familles, elles, ont attendu trois semaines… Ce n’est pas possible », poursuit-il.

«  À la mort d’Antoine, des familles nous ont contactés via les réseaux sociaux. (…) Il n’y a rien de pire que la mort d’un enfant et vous êtes seuls pour l’affronter. Le but de l’association est d’offrir aux familles un soutien moral, psychologique, financier », ajoute Isabelle, la mère d’Antoine.

Ne souhaitant pas de subventions de l’Etat, « pour rester libres », l’association collecte des fonds. Des dîners organisés par de grands noms de la cuisine, comme Hélène Darroze ou Christophe Bacquié, jusqu’à un dîner caritatif organisé à Monaco pour les amateurs de vin, les initiatives se sont multipliées.

« On a tué notre enfant »

Au cours de l’interview, le JDD a également questionné les parents et le frère d’Antoine sur la réponse judiciaire attendue face au chauffard. « Je m’interdis de penser à lui, de prononcer son nom », déclare Isabelle. «On a pris perpète. Maintenant, il faut vivre avec et transformer ça », ajoute Thomas.

Le chef Alléno, quant à lui, veut, pour l’instant, « mettre [son] énergie dans une dynamique positive afin que personne ne vive ce qu’[ils ont] vécu. » Mais il précise : « je ne suis pas sûr que j’aie envie de considérer ce qui s’est passé le 8 mai comme un accident. Pour moi, c’est un crime. On a tué notre enfant. »

L’auteur des faits est toujours en détention provisoire. En attendant le procès et la création officielle de l’association, les proches d’Antoine Alléno se concentrent également sur ce grand projet, né pendant le premier confinement : le restaurant Burger Père & Fils, à Paris, qu’Antoine avait créé avec son père et dont il avait pris la tête.

Une plaque commémorative doit d’ailleurs être dévoilée à Beaupassage, dans le septième arrondissement, ce mardi. « Un mémorial en son honneur, comme il en faudrait pour tous les enfants qui disparaissent dans ces conditions tragiques », commente Yannick Alléno.

Après le drame, la brigade est d’ailleurs « restée soudée, précise Thomas. Pas un seul n’est parti. » Anissa, seconde d’Antoine et passagère du scooter, blessée après la collision, en est devenue cheffe. « Elle m’a dit : « donnez-moi le drapeau, je m’en occupe » », explique Yannick Alléno.

Le chef, Isabelle et Thomas ont clôturé l’interview par quelques mots pour définir leur fils et frère disparu. « Antoine voulait prouver qu’il avait sa place dans le milieu. Un été, il a fait un stage qui s’est très mal passé. (…) Il avait tenu bon, il était allé jusqu’au bout », témoigne sa maman.

« Il était très fier de notre nom mais ne l’a jamais utilisé comme un passe-droit. Au contraire, il voulait exister et être reconnu par son prénom. Il a toujours été dans le don de lui-même. (…) Antoine était un bon gars, bosseur est généreux : le soir du drame, il se trouvait là parce qu’il raccompagnait chez elle Anissa, sa seconde. Comme chaque soir après le service, même si ce n’était pas son chemin et que ça rallongeait son trajet », ajoute Thomas.

« C’était un grand généreux. Si un plongeur avait besoin de 200 euros, il les lui donnait de sa poche », complète son père.