Des travailleurs sans-papiers condamnés à Monaco
Six hommes d’origine comorienne travaillaient dans différents restaurants de la Principauté avec un permis de travail qu’ils avaient obtenu grâce à de faux documents d’identité.
« Ma seule intention était de travailler », s’explique l’un des prévenus à la barre. Sur les six hommes jugés dans ce dossier, seuls deux étaient présents à l’audience devant le tribunal correctionnel de Monaco mardi 15 novembre 2022. Ces étrangers âgés d’environ 30 ans ont travaillé, pour la plupart, entre 2021 et 2022 à Monaco en se servant de faux documents d’identité ou en usurpant l’identité d’autrui.
Le message selon lequel on trouve du travail relativement facilement à Monaco circulait
Florestan Bellinzona, Président du tribunal
Grâce à leur salaire de plongeurs, d’aides-cuisiniers ou de commis de salle, ils envoyaient de l’argent à leurs familles restées aux Comores. Avec le reste, ils survivaient dans un appartement beausoleillois « dans des conditions de vie quasi sordides » pour reprendre les termes du Procureur, où ils dormaient dans des lits superposés. Tous les prévenus n’avaient, jusqu’alors, aucune mention à leurs casiers judiciaires monégasque et français.
Un contrôle de police inopiné
Le subterfuge aurait pu durer encore longtemps si l’un d’entre eux ne s’était pas retrouvé face à la police lors d’un contrôle inopiné sur la voie publique le 9 septembre dernier. En effet, les agents se sont rapidement rendu compte que la photo du passeport présenté ne correspondait pas à l’homme qu’ils avaient devant eux. La perquisition qui suivra au domicile qu’il occupait boulevard de la Turbie à Beausoleil fera tomber les autres hommes du logement.
Aujourd’hui, l’un ne travaille plus et a entamé des démarches pour régulariser sa situation, et l’autre fait des extras en France. « Il a régularisé sa situation en France et veut se régulariser à Monaco pour continuer à travailler », soutient son avocat Me Grégoire Gamerdinger. « L’Etat n’entend pas s’acharner sur le sort de ces individus, indique de son côté Me Hervé Campana. Il se considère tout de même victime car sa confiance a été trahie, et cette situation entache l’image sécuritaire de la Principauté. » Pour le préjudice moral donc, la partie civile réclame 1 euro symbolique.
Quant aux employeurs, aucun ne s’est constitué partie civile. Le Parquet a d’ailleurs fait part des ses interrogations concernant leur responsabilité.
De la prison avec sursis
Selon le Procureur, « ces hommes sont victimes d’un réseau et du lieu où ils sont nés, et leur volonté de trouver une vie meilleure est manifeste ». Le Ministère Public souligne aussi qu’ils n’ont pas contesté les faits. Malgré tout cela, les infractions sont bien constituées, et les explications des prévenus sur la manière dont les documents leur ont été délivrés reste floue. Puisqu’une amende « ne serait pas appropriée », le Parquet requiert entre 10 jours et un mois de prison avec sursis et la confiscation de l’argent trouvé dans l’appartement lors de la perquisition, ainsi que les documents administratifs.
Après délibération, le tribunal décide de suivre les réquisitions du Procureur et les coupables sont condamnés à 10 jours de prison avec sursis. Il fait également droit à la demande de la partie civile concernant l’euro symbolique ainsi qu’à celle de l’avocat de la Défense de ne pas mentionner la condamnation au casier judiciaire de son client, afin qu’elle ne soit pas « un obstacle à son avenir ».