Circulation entre Monaco et la Côte d’Azur : comment fluidifier le trafic aux heures de pointe ?
Augmentation de la fréquence des trains, construction d’une bretelle sur l’A8, création d’un métro, mise en place d’une navette maritime… Le point sur les projets en cours et à venir pour rendre le trajet plus agréable pour les usagers.
En train, en bus, ou en voiture… Chaque jour, des dizaines de milliers de personnes se rendent à Monaco depuis la Côte d’Azur. Mais touristes comme salariés se heurtent à une même difficulté : le transport, marqué par un véritable effet de saturation aux heures de pointe. Voilà pourquoi la Principauté, la région Sud et les communes travaillent de concert pour fluidifier au mieux le trafic.
Améliorer l’offre de trains et de bus : le grand projet de la région Sud
Chaque matin, entre 7 heures et 9 heures matin, et chaque soir, de 17 heures à 19 heures, les quais des gares de la Côte d’Azur se noircissent de monde. Chaque jour, ce sont 50 à 60 000 usagers qui montent dans l’un des 150 trains assurant les liaisons sur cette partie de la région Sud.
Même si, selon le rapport Territoire Azuréen : ambitions 2040 de l’Institut Montaigne, « l’augmentation de la longueur des rames et de la fréquence des trains qui relient Nice à Vintimille en passant par Monaco n’[a] pas permis de réduire sensiblement le trafic [routier] », ce mode de transport, rapide, écologique et économique semble particulièrement plébiscité par les salariés de la Principauté.
Une situation dont se réjouit Jean-Pierre Serrus, Vice-Président en charge des transports et de la mobilité durable pour la région Sud, qui a fait le point avec nous sur les grands changements à venir pour le réseau ZOU.
Des trains plus fréquents
A l’heure actuelle, et avec les travaux en cours à hauteur de Beaulieu-sur-Mer, la ligne de TER entre Nice et Menton, qui passe donc par Monaco, enregistre une fréquence d’un train toutes les quinze minutes, mais seulement aux heures de pointe. Cette fréquence s’étend à une demi-heure le reste de la journée. Une situation qui devrait évoluer à compter de janvier 2025.
« Nous allons, grâce à l’arrivée de SNCF Sud Azur, avoir une augmentation du trafic sur la ligne TER, ce qui nous permettra d’avoir une fréquence d’un train toutes les 15 minutes tout au long de la journée et pas uniquement aux heures de pointe », commente Jean-Pierre Serrus.
Cette contractualisation avec SNCF Sud Azur devrait donner naissance à un nouveau site de maintenance à partir de 2025 et, de fait, à des améliorations sur la ligne. Mais Jean-Pierre Serrus reste prudent : depuis la fin de la période Covid, la demande pour les trains ne cesse de croître, en particulier aux heures de pointe. L’affluence restera donc très certainement importante aux horaires les plus sollicités, même si l’augmentation de la fréquence sur le reste de la journée pourrait permettre de désengorger quelque peu les wagons.
Des tarifs personnalisés
Autre nouveauté, qui sera mise en place à partir de janvier 2023 : la nouvelle gamme tarifaire de la région. « Cette grille poursuit trois objectifs prioritaires, explique Jean-Pierre Serrus. Favoriser ceux qui s’abonnent, proposer des tarifs solidaires et inciter les usagers à voyager en groupe. Nous avons préféré proposer ces réductions importantes à ceux qui prennent le train régulièrement, plutôt qu’en occasionnel, pour répondre notamment aux objectifs d’écoresponsabilité. »
Concrètement, cette nouvelle grille prévoit « la meilleure tarification possible pour ceux qui prennent des abonnements », avec la possibilité de choisir entre plusieurs options, qui s’adressent tant aux salariés qui se rendent quotidiennement à Monaco qu’à ceux qui ont des journées en télétravail et qui n’ont pas besoin de prendre le train tous les jours.
Viennent ensuite les tarifs solidaires, qui seront proposés en fonction des quotients familiaux et qui prévoient jusqu’à 90% de réduction pour inciter les usagers à laisser leur voiture au garage.
Enfin, pour les trajets plus occasionnels, la région espère inciter les voyageurs à se déplacer… en groupe ! « Si on voyage à trois sur un même trajet, on aura une réduction de 30% sur les trois billets, et sans abonnement. Si on voyage à quatre, la réduction sera de 40%. A partir de cinq personnes, elle sera de 50% », résume Jean-Pierre Serrus, qui précise que la région doit également faire face à l’inflation.
« Nous aussi, nous payons des carburants et des salaires, mais nous continuons à privilégier l’effort budgétaire de la région vers les transports, pour proposer les tarifs les plus attractifs possible. » Et pour cause : si, en région Sud, les coûts du ferroviaire représentent environ 600 millions d’euros par an, les recettes, elles, ne rapportent que 120 millions. Les 480 millions restants sont donc financés par la région.
Des bus bientôt écoresponsables
Autre volet géré par la région : les bus ZOU, et en particulier la ligne 100, qui permet de compléter l’offre de la ligne de TER avec des trajets de commune à commune entre Nice et Menton. Chaque année, ce sont deux millions de passagers qui empruntent cette ligne, comme l’indique la Conseillère-Ministre pour l’Équipement, l’Environnement et l’Urbanisme, Céline Caron-Dagioni dans les colonnes de Monaco Hebdo.
Reconnaissant les avantages de ces bus, Jean-Pierre Serrus nous confie que la région prévoit non seulement de maintenir les lignes d’autocar, mais aussi de procéder à un renouvellement, pour décarboner l’ensemble des bus ZOU sur les lignes Express régionales, et ce à compter de 2023. Des bus roulant à l’électrique ou au biogaz seront donc prochainement mis en service, augmentant au passage le nombre de départs journaliers (126 contre 115 actuellement).
Pour rappel, en raison de travaux du côté de Roquebrune-Cap-Martin, la ligne 100 est actuellement divisée en deux lignes distinctes : la 607 (Nice-Monaco) et la 608 (Menton-Monaco).
La ligne 100 reviendra à la normale en avril 2024, comme nous le confirme Jean-Pierre Serrus, qui se réjouit d’ailleurs des excellentes relations entre la région et la Principauté, cette dernière finançant le développement de la ligne à hauteur de 580 000 euros par an.
Des mesures certes prévues pour améliorer le confort des voyageurs déjà adeptes des transports en commun, mais pour aussi inciter les automobilistes à opter pour cette solution alternative. Car le trafic, extrêmement dense à hauteur de la Moyenne Corniche, est un problème soulevé régulièrement par les usagers.
En parallèle de l’amélioration du réseau ZOU, l’année 2023 devrait être parsemée de nouveautés censées alléger le trafic automobile aux abords et en Principauté.
Une bretelle en retard mais bel et bien là
Elle est attendue de pied ferme par les automobilistes. Initialement prévue pour 2022, la bretelle d’autoroute reliant l’A8 au réseau départemental entre la Turbie et Beausoleil devrait être inaugurée au premier trimestre 2023. Un projet de 6 millions d’euros financé par Vinci Autoroutes, la Principauté de Monaco et le département des Alpes-Maritimes. Ce futur tronçon pourrait accueillir jusqu’à 3 000 véhicules par jour : de quoi soulager les voies d’entrées de la Principauté. Les travaux, commencés en 2021, ont été ralentis pour des raisons de sécurité.
La trémie de la Moyenne Corniche, c’est oui
Au début du mois d’octobre, une première « victoire » pour les automobilistes a été observée, du côté de la Moyenne Corniche : une trémie y sera créée. Le 8 octobre, sur Monaco Info, Jean-Luc Puyo, Directeur de l’Aménagement Urbain présentait ce projet.
« La trémie dont on parle sera une voie souterraine qui passera sous le croisement (au niveau) de Cap-d’Ail, l’intersection qui descend vers Cap-d’Ail et la route nationale qui va jusqu’au tunnel de l’autoroute (Tunnel A500, ndlr). »
L’objectif de cette trémie sera de fluidifier la circulation en « sens montant ». Comprenez le soulagement des queues de véhicules qui se forment dans le tunnel Rainier III.
Nouveaux parkings, nouveaux tarifs
Une fois la Principauté atteinte, la question du parking se pose rapidement. Le site internet Monaco Parkings recense près de 40 parkings situés à Monaco, régulièrement saturés. Leur taux de remplissage s’affiche en temps réel, en plus de leurs caractéristiques. Les mêmes tarifs s’appliquent à tous, à l’exception des petits parkings et de ceux situés à l’entrée de Monaco.
Régime général : 2h : 7€ ; 3h : 11€ ; 5h : 16€90 ; 10h : 20€90.
Parkings de moins de 60 places : 2h : 9€ ; 3h : 13€ ; 5h : 19€40 ; 10h : 34€60
Parkings à l’entrée de ville : 2h : 4€ ; 3h : 6,20€ ; 5h : 8,60€ ; 10h : 11,40€
Ces parkings au tarif réduit sont le parking Saint-Antoine, situé à Cap d’Ail, et le futur parking d’entrée de ville ouest. Ce dernier est actuellement en chantier et comptabilisera 1 820 places de stationnement, sur quinze niveaux souterrains.
Dans les colonnes de Nice-Matin, en mars dernier, la Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme, Céline Caron-Diagoni, évoquait le projet : « On réfléchit à une offre de transport (…) il y aura des abonnements incitatifs couplés avec le bus pour les salariés et transfrontaliers ». On y apprend également que le parking devrait être prêt à l’été 2023. L’entrée Ouest de la Principauté, empruntée par de nombreux salariés, pourrait s’en retrouver allégée.
Une alternative, le covoiturage
On ne présente plus Klaxit, l’application lancée il y a deux ans en Principauté, qui propose du covoiturage domicile-travail. À la fin de l’été, l’application ne comptait pas moins de 4 000 personnes inscrites. Avec plusieurs travailleurs au sein d’un même véhicule, le covoiturage permet de soulager quelques peu le trafic. Particulièrement entre Nice et Monaco, itinéraire qui représente 42% des 2 000 trajets par semaine enregistrés sur Klaxit.
En plus des importants changements urbains que nous avons évoqués plus tôt, le covoiturage vient s’inscrire dans un objectif commun : réduire le trafic en Principauté d’environ 20% (véhicules légers) par rapport à 2019.
Métro, tram, navette maritime…
Nouvelles pistes pour désengorger le trafic ferroviaire et routier : relier Nice et Monaco par d’autres moyens. Les autorités françaises et monégasques y réfléchissent depuis de nombreuses années et il semblerait que des solutions, plus respectueuses de l’environnement – et parfois très originales – soient à l’étude.
Et après la demande d’Emmanuel Macron, de proposer des RER dans 10 métropoles françaises, Christian Estrosi a relancé, lundi 28 novembre 2022, l’idée de créer un métro entre Nice et la Principauté. Dans un communiqué, le maire de Nice et président de la Métropole Nice-Côte d’Azur évoque « un projet de métro en partie enterré, entre la Métropole et Monaco, avec une ligne sur 9,5 km. »
Va-t-il réellement aboutir ? Là est toute la question. En effet, l’infrastructure a déjà été envisagée par Monaco avec Bouygues et Vinci en 2020. Les premières réflexions ont mené à un transport qui relierait « Nice Riquier à Monaco en passant normalement sous le terrain de la Brasca », indiquait le Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Equipement de l’époque, Marie-Pierre Gramaglia, à nos confrères d’ActuNice.
Si jusqu’à peu, ce projet de liaison directe et souterraine semblait être à l’arrêt, notamment en raison de son coût estimé à « un milliard d’euros, soit deux stades de football », selon Pierre Ippolito, président de l’Union pour l’entreprise (UPE) 06 dans les colonnes de 20 Minutes, il pourrait y avoir du changement prochainement.
Christian Estrosi a lancé, sur LCI, un appel à l’État pour financer ces projets le mardi 29 novembre dernier. S’il aboutit, il pourrait voir le jour d’ici 18 ans, selon l’étude de l’Institut Montaigne « territoire azuréen : ambitions 2040 ».
Une solution en mer pour 2026/2027
Autre projet de liaison entre Nice et Monaco à l’étude depuis longtemps : celui de navette maritime. Il a fait rêver de nombreux salariés qui s’imaginaient déjà, à l’annonce du projet, prendre le large de bon matin pour se rendre au travail. Mais depuis des années, tous les marchés sont revenus infructueux suite aux appels à concurrence, faute de solution technique.
D’après les industriels consultés par la Métropole, « la mise en service d’une offre de navettes régulières à hydrogène ou 100 % électrique intégrée aux transports publics ne serait opérationnelle qu’après 2026 », indique 20 Minutes, alors que les premières traversées de 35 minutes entre le port Lympia et celui de Cap d’Ail, près du quartier de Fontvieille, avaient été projetées à l’été 2021.
En attendant, la collectivité ne compte pas rester les bras croisés et souhaite trouver une solution en mer, même à court terme, et a fait référence à des embarcations équipées d’hydrofoils, sorte d’ailes sous-marines.
Un engin (encore en phase de développement) de la société américaine Regent Craf serait probablement choisi. « Un transport mi-bateau mi-avion à grande vitesse » qui circule à « plus de 200 km/h en vitesse de pointe et à 2,50 m au-dessus de l’eau » et qui mènerait les passagers à bon port en 20 minutes seulement. Christian Estrosi a conclu « un accord » avec cette entreprise « pour tester ce nouveau mode de transport depuis Nice » qui pourrait être opérationnel en 2027.
Le retour du tramway ?
La Métropole niçoise pense également à prolonger sa ligne de tramway vers Monaco. « Nous pouvons aussi envisager dans les années à venir une prolongation de la ligne 2 du tramway niçois en direction de la Principauté », confiait Christian Estrosi en mai dernier auprès de Nice-Presse, expliquant ne vouloir écarter « aucune possibilité ».
A noter que cette idée n’est pas si nouvelle que cela. Une ligne de tramway existait déjà il y a plus de 100 ans entre les deux villes, en 1903 précisément. Géré par la compagnie des Tramway de Nice et du Littoral (TNL), le tram ralliait la Principauté par le bord de mer en passant par Villefranche-sur-Mer, Beaulieu-sur-Mer, Eze et Cap d’Ail.
A partir de 1931 l’exploitation a pris fin, laissant place à la route.
Entre projets confirmés et idées suggérées, les possibilités sont donc nombreuses. Mais dans un cas comme dans l’autre, la patience sera de rigueur pour les salariés, dont les intérêts de praticité devront naturellement coïncider avec les enjeux financiers et environnementaux de la Principauté et des communes azuréennes.
Dossier écrit par Paul Charoy, Camille Esteve et Sarah Incari