Le Conseil national vote le Budget primitif 2023 à la majorité
Si quinze élus ont fait part de leur satisfaction alors que s’achève leur mandat, sept autres ont voté contre ce budget et en ont expliqué les raisons.
Le jeudi 15 décembre dernier, le Conseil National a procédé, comme chaque année, au vote du Budget primitif de l’Etat pour l’exercice 2023. Un budget adopté à quinze voix pour et sept voix contre, sans abstention.
L’occasion également pour les élus de dresser un rapide bilan de l’année écoulée et – plus largement – de leur mandat, sur le point de prendre fin. Les élus qui ne comptent pas se présenter aux prochaines élections en ont profité pour faire leurs adieux à l’ensemble du personnel du Conseil National.
Ce Budget primitif, dont les recettes sont estimées à 2,03 milliards d’euros et les dépenses à 2,02 milliards d’euros, a été refusé par sept élus : Fabrice Notari, Daniel Boeri, Nathalie Amoratti-Blanc, Thomas Brezzo, Guillaume Rose, Karen Aliprendi et Marie-Noëlle Gibelli.
La qualité de vie des Monégasques et résidents au centre des préoccupations
Tous ont expliqué leur choix dans l’Hémicycle. « Les promesses, c’est bien, mais les tenir, c’est encore mieux », regrette Thomas Brezzo, qui déplore les conditions d’urgence dans lesquelles les élus ont été parfois contraints de travailler, pour étudier et voter certains textes d’importance. « Monsieur le Ministre, j’attire solennellement l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’anticiper ces échéances », plaide-t-il.
Même amertume pour Nathalie Amoratti-Blanc : « Les conditions dans lesquelles le Conseil National a été dans l’obligation de travailler ces derniers mois n’est pas tolérable. Pour moi, ne pas avoir pris la peine d’associer en amont le Conseil National à la prévision du travail législatif à accomplir en vue d’un vote, c’est nous prendre pour des greffiers de l’exécutifs gouvernemental, et cela ça ne passe pas. »
Le budget doit trouver la marque de l’avenir et non s’en tenir au seul court terme
Daniel Boeri
Pour Guillaume Rose, ce vote est motivé, entre autres, par la fin prochaine du test de gratuité des bus en Principauté. « Vous avez le pouvoir de faire arrêter ce test de bus, mais vous n’aurez jamais celui de faire croire à notre population que ce test était un échec. Cet échec c’est avant tout le vôtre. Celui d’un état d’esprit qui, lui, n’a rien à voir avec la bienveillance », insiste l’élu.
Des propos corroborés par Karen Aliprendi, qui témoigne de « l’exaspération grandissante des Monégasques et des résidents face à la dégradation continue des conditions de circulation et face à l’augmentation des nuisances de toutes natures » et qui se dit « déçue du bilan relatif à la qualité de vie et plus précisément relatif à la mobilité. »
Pour Marie-Noëlle Gibelli, Daniel Boeri et Fabrice Notari, ce sont leurs inquiétudes pour l’avenir qui justifient ce vote. « A ce jour, les moyens mis en œuvre pour loger nos aînés en Principauté ne sont pas à la hauteur des enjeux, et ne me mettent pas en disposition d’un vote favorable pour ce budget », explique Marie-Noëlle Gibelli, qui pointe notamment du doigt la livraison d’un nouvel EHPAD « dont ni le lieu d’implantation ni la date de démarrage des travaux n’ont été actés. »
Fabrice Notari, pour sa part, se dit inquiet à l’idée d’un trop grand rapprochement entre Monaco et l’Union Européenne. « Ce sont nos spécificités qui font notre force, alerte-t-il. Pourquoi une population de 450 millions d’Européens devrait avoir peur d’une population de 9 600 Monégasques ? Pourquoi devrions-nous alors plier et ne pas conserver nos lignes rouges ? (…) Il n’est pas nécessaire de déjà envisager des dispositifs qui pourraient nous conduire, comme l’on dit, « en donnant un doigt à se faire bouffer le bras » dans quelques années, avec un effet mécanique vers ce que nous ne souhaitons pas : l’abandon progressif de nos spécificités qui font notre force, notre identité, notre modèle social et notre attractivité pour nous conduire à n’être plus qu’une petite ville de province insipide. »
Enfin, pour Daniel Boeri, « le budget doit trouver la marque de l’avenir et non s’en tenir au seul court terme. (…) Une crise économique mondiale approche : simultanément, la dette des Etats, la hausse des taux d’intérêt, l’inflation et la récession mondiale qui arrive risquent de bousculer l’ordre établi depuis 2008. (…) Or, dans ce contexte, le gouvernement « poursuit » et « maintient » sa politique. »
De grandes satisfactions au cours de ce mandat
Malgré les difficultés pointées par ces élus, la majorité de l’Hémicycle s’est prononcée en faveur de ce budget. A commencer par Balthazar Seydoux, Vice-Président du Conseil National et Président de la Commission des Finances et de l’Economie.
Rappelant les grandes avancées au cours des cinq années précédentes, en matière de logement, mais également de suivi lors de la pandémie de Covid-19, l’élu s’est réjouit de constater une certaine unité entre les élus de tous bords, face aux différents défis : « la situation économique et énergétique n’est pas encore stabilisée, l’inflation est toujours là, et donc les projections économiques pour 2023 nécessitent la plus grande attention. Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai ce Budget primitif 2023. »
En matière de logement, les actions concrètes sont bien là
Franck Lobono
« Le Gouvernement ne doit pas prendre mon vote pour un blanc-seing, tempère-t-il néanmoins. Nos débats de ces derniers jours ont mis en lumière de nombreux sujets sur lesquels nous ne sommes pas en phase. Sur des questions telles que la mobilité, la charge législative, l’Europe et plus largement l’avenir de nos compatriotes. »
D’autres élus ont loué les avancées dues aux accords trouvés entre le Conseil National et le Gouvernement, comme Corinne Bertani : « je vais voter ce budget pour souligner l’accompagnement exemplaire de nos commerces et de nos acteurs économiques de la part de l’Etat, dans l’unité des institutions indispensable entre le Gouvernement et le Conseil National. »
De même, Marc Mourou a félicité les deux instances politiques pour la prise d’importantes décisions, telles que la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé ou le recrutement de deux pédopsychiatres supplémentaires au centre Plati. « Le Conseil National réitère son souhait de voir se construire au plus vite un EHPAD supplémentaire, pour continuer de prendre en compte le vieillissement de la population monégasque », ajoute-t-il.
Franck Lobono, Président de la Commission du Logement, a fait part de sa satisfaction : « en matière de logement, les actions concrètes sont bien là et très symboliquement le premier bail dans la nouvelle Tour Elsa a été signé il y a trois jours ! »
Marine Grisoul, Présidente de la Commission de l’Education, de la Jeunesse et des Sports, a salué la création du Conseil National des Jeunes, des bourses d’étude et du MC Summer Concert, tout en espérant « la création d’une piste de Roller pérenne dont nous attendons la confirmation qu’elle perdurera au-delà de la période hivernale. »
Jean-Louis Grinda a également motivé son vote, car « le Ministre d’Etat a donné publiquement une suite favorable à ma demande fortement exprimée lors de la Séance Publique du 30 novembre dernier, à savoir le renforcement des équipes de juriste de la Direction des Affaires judiciaires et du Conseil national. C’est un geste fort qui nous permettra de mieux travailler qualitativement des deux côtés de la place de la Visitation. Nos textes doivent être irréprochables et clairs. »
Quels sont les grands axes pour 2023 ?
En amont du vote, Brigitte Boccone-Pagès, Présidente du Conseil National, a rappelé tout le travail accompli par les élus et le Gouvernement au cours des cinq dernières années. « Le bilan de cette mandature est tout simplement historique, se réjouit-elle. Le besoin d’anticipation est de plus en plus fort, car le monde va de plus en plus vite. (…) Le temps des études est terminé, maintenant il faut décider. »
Remerciant tour à tour les élus pour leur travail acharné, la Présidente a une nouvelle fois assuré au Ministre d’Etat que le Gouvernement pourra « compter sur le Conseil National pour prendre ses responsabilités et étudier [avec lui] à l’avenir, toutes les réformes structurelles qui seront nécessaires au renforcement et à la pérennisation de notre modèle économique et social avancé. »
La séance s’est achevée par les remerciements du Ministre d’Etat, et ses vœux pour les fêtes de fin d’année. Pierre Dartout a par la suite fait part de ses impressions auprès de Monaco Info. « Le budget a été largement voté, avec seulement quelques voix contre. Je considère que c’est un vote très positif. (…) Avec le Conseil National, nous ne sommes pas toujours d’accord sur les moyens, mais je crois nous sommes toujours d’accord sur les objectifs. Bien entendu, le chemin est parfois complexe, difficile, et c’est là où nous pouvons avoir quelques divergences. »
Le Ministre d’Etat a fait ensuite un point sur « les grands chantiers pour 2023. » Sur la table, donc : la poursuite du Plan National Logement, la mobilité – un problème « très complexe » – au sein de la Principauté ou pour y accéder depuis l’extérieur et la lutte contre l’inflation, en particulier en matière énergétique.