A la fois gemmologue et créatrice de bijoux : Charlotte B. nous invite à découvrir son scintillant univers
La jeune résidente monégasque a lancé sa marque il y a tout juste deux ans. Aujourd’hui, elle est exposée dans la prestigieuse galerie Sotheby’s.
« Romantique et rock’n roll. » Voici Charlotte Barbotin, alias Charlotte B. Une jeune femme pétillante, souriante et dynamique, qui a décidé de se lancer dans la grande et belle aventure de la gemmologie et de la création de bijoux. C’est seule, mais pleine de motivation, qu’elle a fondé sa start-up à Monaco, il y a à peine deux ans : Charlotte B. Jewelry.
Après un début de carrière au sein de marques de luxe, comme Louis Vuitton à New-York et Prada à Paris, cette jeune résidente monégasque de 37 ans a complété son impressionnant CV par des études en management du luxe.
« J’ai grandi dans le concept store de ma mère, qui était designer de vêtements, et qui m’a transmis le goût de la création et des belles choses. Depuis toute petite, j’ai toujours été attirée par les bijoux de ma maman. Cela m’a donné envie d’étudier ce merveilleux monde des pierres précieuses. J’ai suivi un cursus de gemmologue et je suis maintenant diplômée de l’Institut National de Gemmologie à Paris et de la Federation Européenne d’éducation en Gemmologie (FEEG).
J’ai tout de suite voulu parcourir le monde dans les endroits les plus insolites, pour aller à la recherche de pierres qui ont toutes une histoire. Pour moi, il a toujours été important de ressentir l’énergie de chaque pierre que je choisis. On ne peut pas ressentir toutes ces émotions dans les salons douillets des marchands en Europe. J’aime aller directement dans les mines et privilégier le contact humain avec tout ce monde qui s’affaire autour de ces endroits remplis d’histoire et de culture. Je choisis des pierres pour lesquelles je ressens quelque chose de fort et qui arrivent à me séduire. Une pierre est avant tout une émotion. »
Des voyages « à la Indiana Jones », où la jeune femme découvre aussi l’art de la négociation. « Lors de mon premier voyage au Sri-Lanka, j’ai surtout observé. Je n’osais pas, je ne voulais pas me précipiter. Je me disais toujours que la pierre suivante serait encore plus belle. » Et pour cause : il existe plusieurs mines et marchés parsemés à travers tout le pays, qu’il faut parcourir « et pas toujours dans des conditions idéales. »
« C’est ensuite à moi de prendre ma loupe, mes outils d’inspectrice, pour observer la pierre, puis on me propose un prix, explique-t-elle. Je vois ce qui me plaît, ce qui ne me plaît pas, je cite tous les défauts de la pierre que je constate… »
Plus de 6 000 pierres observées
« Lors de mes voyages j’examine, entre 5 000 et 6 000 pierres qui me sont offertes soit par des marchands, soit par les propriétaires des mines, poursuit Charlotte. Une fois qu’une pierre m’attire, je dois, à l’aide de mes outils de gemmologue (loupe, réfractomètre, lampe UV…) définir la qualité et la valeur de la pierre. »
Et lorsque Charlotte sélectionne une pierre, le bal des négociations débute : « mon offre va dépendre de la couleur, la taille, la coupe, les proportions et si elle a été traitée. Certaines sont chauffées pour accentuer sa couleur. Par exemple, certains rubis ont une teinte de bleu, et on les chauffe pour enlever le bleu. On le note sur certaines inclusions. Une pierre chauffée n’a pas la même valeur qu’une pierre entièrement naturelle. Avec l’expérience, j’ai appris à déchiffrer la bonne teinte des pierres que je rapporte, car la lumière en Europe est bien différente de celle des pays d’origine. La luminosité des pierres sera donc différente d’un pays à un autre. »
Pour Charlotte, ces voyages sont toujours des aventures, car le milieu est essentiellement masculin et avec des coutumes locales bien différentes : « en tant que femme, j’ai dû souvent affronter quelques coups de bluff. Lors de mon premier voyage, je n’étais qu’avec des collègues masculins. Personne ne me calculait. On ne me présentait aucune pierre. A un moment donné, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose pour me faire remarquer. J’ai pris une pierre, j’ai proposé un prix et je me suis lancée. J’ai acheté des petites pierres de pavage, pour leur faire comprendre que j’étais là. Ça a fait un effet domino : les autres prenaient trop de temps, alors les marchands sont tous venus vers moi », raconte-t-elle en riant.
On m’a fait remarquer que mes collections ne suivaient pas toujours une même ligne conductrice. Bien sûr ! Mais une femme n’est pas juste simple : elle est complexe, avec des multitudes de facettes.
Au final, sur les 6 000 pierres observées par Charlotte, seulement 40 sont reparties avec elle. Des pierres choisies selon la tendance du marché, mais aussi et surtout pour leur forme, ou la façon dont elles ont été taillées. « Parfois, je vois de très belles pierres, mais qui sont mal taillées, regrette la jeune femme. Si une pierre est mal taillée, on a une perte de couleur. La luminosité de la pierre ne sera pas optimale. »
Des points très importants pour Charlotte, qui voit toujours plus loin que la simple pierre. La jeune femme n’est pas uniquement gemmologue : elle est également créatrice de bijoux.
« Je veux donner une vie aux pierres que je rapporte et une continuité à leur histoire. Histoire qui dépendra de chaque cliente qui choisira mon bijou. On m’a fait remarquer que mes collections ne suivaient pas toujours une même ligne conductrice. Bien sûr ! Mais une femme n’est pas juste simple : elle est complexe, avec des multitudes de facettes.(…) Je ne fais pas des bijoux industriels, mais des collections limitées et intemporelles, je peux me permettre de choisir des pierres qui me parlent, pour lesquelles j’ai un coup de cœur. Toutes les pierres ont une histoire », précise-t-elle.
Des histoires que l’on retrouve dans les superbes collections de bijoux que Charlotte crée dans son atelier, et qu’elle expose en ce moment au sein de la prestigieuse maison Sotheby’s, à Monaco.
Des bijoux selon l’humeur
Sur fond de Vivaldi ou de Mozart, les yeux brillants d’excitation, Charlotte nous entraîne de vitrine en vitrine, pour nous présenter ses créations : « cette collection, je l’ai baptisée « La Notte », parce qu’elle me fait penser au magnifique ciel étoilé que j’ai vu un soir en Argentine… Ce collier, je l’ai conçu en pensant à l’une de mes robes, pour laquelle je n’arrivais pas à trouver de bijou assorti… Cette émeraude, je l’ai achetée en Ethiopie, c’est assez rare… Ce rubis rouge cerise, j’ai eu un coup de cœur pour lui, alors que je ne suis pas très rubis à l’origine… Le sautoir « Versailles » est inspiré de mon amour pour les jardins à la française : j’imagine bien deux amants fous qui courent, se rattrapent autour d’une fontaine et l’homme arrache le collier… »
Si les pierres, les formes et les lubies de Charlotte se succèdent, l’élégance et la délicatesse restent intactes. « J’avais envie de créer des bijoux simples à mettre, mais toujours élégants. On peut avoir envie d’être romantique un jour, rock’n roll le lendemain… mais on veut toujours rester glamour. Je souhaite que mes bijoux provoquent des émotions, qu’on s’amuse avec et qu’on puisse les vivre à tout moment », résume-t-elle.
Une exposition à découvrir jusqu’à fin janvier
Et lorsqu’elle regarde en arrière, Charlotte peine à prendre pleinement conscience du chemin parcouru. La jeune femme a d’ailleurs eu beaucoup de mal à réaliser que Sotheby’s lui proposait d’exposer ses créations.
« Au début, je ne me suis pas rendu compte, je n’ai pas réagi, confie-t-elle en riant. Dans la vie d’un entrepreneur, il y a beaucoup de montagnes à grimper. C’est une grande maison, je devais être à la hauteur. Comme c’est ma première exposition, je ne devais pas me tromper. (…) On avait fixé une date, j’avais deux mois pour créer toutes mes pièces. »
Un challenge de taille, mais Charlotte l’a relevé. La jeune femme a même proposé des ateliers hebdomadaires aux clients de la galerie, pour leur montrer les facettes du métier de gemmologue. Ses bijoux disponibles à la commande, quant à eux, resteront chez Sotheby’s jusqu’à la fin du mois de janvier.
Après cela, Charlotte repartira en vadrouille, « à la recherche de nouveaux trésors. » « Voyager peut donner plein d’idées. Peut-être y aura-t-il de nouvelles créations », glisse-t-elle.
Les rêves et projets se succèdent… « En créant, on se permet de rêver », conclut-elle. Quelques ambitions restent encore secrètes pour l’instant et nul doute que le résultat sera brillant. A l’image des pierres, certes, mais aussi, de la créatrice.