Mr OneTeas, l’engagement artistique au service des causes
C’est dans la petite commune de Dolceacqua de la province d’Imperia, à quelques kilomètres au nord de Vintimille, que Mr OneTeas installe son nouvel atelier. Rencontre.
Anthony « Mr OneTeas » Alberti nous accueille sous le soleil, armé de son habituelle sympathie et franchise. Nous aurons le droit à une visite privée de l’atelier mais les photos, elles, y sont encore interdites. Plus que quelques semaines de travaux et il sera opérationnel. Nom de code : Il deposito. Un projet commencé en décembre 2021, avec la volonté de voir plus grand. Un bel espace pour créer, exposer ses oeuvres et celles d’autres passionnés.
Une étape de plus bientôt franchie par celui dont la première expérience de graff en Principauté remonte à 2010, lorsque deux de ses amis y installent leur restaurant, « Le virage ». Pendant les travaux, Anthony Alberti leur propose de peindre une palissade blanche, installée à l’occasion du chantier. « Je me suis retrouvé sur le Port de Monaco, à faire du graffiti sur une palissade de chantier qui devait faire 30 mètres. Les gens se demandaient ce que je faisais », sourit l’artiste d’origine italienne, qui était encore agent immobilier à l’époque.
Lui qui peint sur son temps libre depuis 2005 quittera son travail en 2011 pour se consacrer à sa passion. La même année, Mr OneTeas organise sa première exposition. Un franc succès puisque 23 tableaux sur 25 seront vendus. Le début d’une épopée artistique, du petit territoire de la Principauté à l’international, où l’artiste envoie régulièrement ses oeuvres.
Dans une oeuvre participative, on crée une rencontre
L’un de ses derniers projets en date, la réalisation d’une oeuvre commune pour célébrer le 8 mars en Principauté, journée internationale des droits des femmes. Sur un support d’une centaine de petits tableaux, Mr OneTeas a dessiné le visage d’Alice Milliat, figure du combat pour la reconnaissance du sport féminin, au niveau international notamment. Nantaise d’origine, la nageuse, hockeyeuse et rameuse avait participé aux premières olympiades féminines en 1921, à Monaco.
Symbole fort que l’artiste italien associera à des centaines de « petites mains », celles des enfants de la Principauté. Ce sont eux, élèves de CE1, en plus de la Famille Princière, qui constitueront le fond du tableau, à l’aide de bombes de peinture et de pochoirs sur lesquels sont écrits « respect », « égalité », ou encore « victoire ».
« Dans une oeuvre participative, on crée une rencontre. Si j’avais fait une oeuvre qui avait simplement été placée dans une école, il n’y aurait pas eu cette rencontre. Faire peindre des enfants sur cette thématique, c’est les sensibiliser et les éduquer par rapport à ces valeurs. Ce sont eux les futurs adultes et j’ai toujours aimé le concept de transmission », développe Anthony Alberti, chez qui cette notion de « rencontre » vaut de l’or.
Démocratiser le graffiti à Monaco
Les rencontres des uns et des autres mais aussi la rencontre de difficultés. À Monaco notamment, où il réside depuis plus de 20 ans. « Au départ, je me suis heurté à quelques a priori et au fil des années, j’ai gagné en crédibilité », admet le peintre avant d’ajouter « je suis ravi parce que le Prince a toujours été d’un grand soutien. » C’est en outsider que Mr OneTeas s’immisce dans la vie de la Principauté, escorté de son art.
Lui-même ne connaît pas « d’autres gens qui font ça » sur ce petit bout de territoire. Alors oui, il y a bien l’artiste new-yorkais Crash dans les années 80, venu peindre les jardinières du Yacht Club et les dizaines d’autres des décennies plus tard, mais invités sur des événements où participe Anthony Alberti. Ce dernier admet, modestement, avoir « peut-être démocratisé le graff » sur le Rocher. Il en est d’ailleurs reconnaissant, reconnaissant de l’accueil reçu par ses oeuvres chez le public et les institutions monégasques.
J’irai toujours vers les choses qui m’intéressent
« Je suis content d’avoir trouvé ce moyen de communiquer et d’échanger avec les gens. Il est adaptable à toutes les causes que l’on souhaiterait défendre », poursuit celui dont les causes défendues continuent de se multiplier. Enfants malades droit des femmes, don du sang, droit de l’enfance… « Je travaille avec des associations qui défendent des causes qui me sont chères (…) J’irai toujours vers les choses qui m’intéressent ».
Et les domaines varient. À la fin du mois de juin, ce sera une oeuvre collective pour la protection des cétacés qui sera dévoilée à Monaco. En partenariat avec l’AME (Aire Marine Educative), Mr OneTeas a, de nouveau, commencé à faire peindre les enfants de la Principauté pour cette future campagne de sensibilisation. « (Enfants comme adultes) Les gens ne sont pas des spectateurs, ce sont des acteurs. Je pense qu’on est beaucoup plus sensible et intéressé à une cause quand on la pratique. »
Engagé, impliqué, aventurier
L’engagement du créateur est ancré depuis que les bombes de peinture ont atterri entre ses mains. En 2014, il placarde les rues de New-York d’affiches à l’encontre de la firme américaine McDonald’s. Des centaines d’affiches où sont incriminés les burgers et les produits qu’utilise la marque de restauration rapide. The Wack Donald’s Project n’est pas passé inaperçu. Et pour cause. « J’ai décidé de détourner l’image du clown et celle de personnages enfantins comme Blanche-Neige, habillée comme Ronald McDonald, qui croque dans un burger empoisonné ». L’artiste sera bientôt de retour à New York, mais pour une exposition en galerie cette fois-ci, une seconde se profilant à Las Vegas. Rendez-vous en 2024.
Cette année 2023 sera aussi dense. Au projet avec l’AME se joindra celui de Upaint auquel participera Mr OneTeas, comme depuis sa création, et plusieurs artistes internationaux autour d’un thème commun, sa première sculpture devrait voir le jour, en plus de la présence de ses oeuvres au-delà des frontières françaises, monégasques ou italiennes. Un programme ou plutôt une ébauche de programme puisqu’Anthony Alberti est régulièrement sollicité. Le mot est faible, la sonnerie récurrente de son téléphone peut en témoigner.
Même la petite commune de Dolceacqua devrait garder une trace de la présence de l’artiste sur son territoire. Deux mois après y avoir installé les fondations de son nouvel atelier, Mr OneTeas apprend que la ville italienne qu’il a choisie fêtera en 2023 ses 500 ans de jumelage avec Monaco. Le 3 novembre, il participera à la fête locale bien que l’aspect de sa participation soit encore secret. Voilà, une simple coïncidence selon ses dires. Et on y croit. Mr OneTeas est de ceux qui ne refusent jamais une opportunité et qui, en parallèle, n’ont pas peur de pousser les portes entrouvertes. À raison. Chez lui, le terme « impossible » se lit en deux mots.