Les poteries de Monaco : un héritage à nul autre pareil
Fabriquées en Principauté ou sur la Côte d’Azur, ces poteries font pleinement partie du patrimoine de la Société des Bains de Mer (SBM).
Vienne, 1873. La capitale autrichienne accueille la prestigieuse Exposition Universelle à laquelle participe, pour la première fois en tant que nation, la Principauté de Monaco.
« Au milieu de ce parc immense, il existe un charmant pavillon, relate, à l’époque, René de Pont-Jest pour Le Figaro. Là, dans un petit jardin de onze à douze cents mètre carrés, on a d’abord groupé cette délicieuse flore tropicale qui est une des richesses de Monaco : aloès gigantesques, orangers mandarins, néfliers du Japon, pervenches de Madagascar (…) Ce sont ensuite mille objets d’art qui témoignent du bon goût et du talent des artistes monégasques, coffrets en bois précieux, rehaussés de mosaïques en ivoire, jardinières ornées de bronzes dorées, une ravissante coupe en agate (…) et surtout, une superbe collection de poteries artistiques. »
Cette « superbe collection de poteries », et une fois n’est pas coutume, c’est à Marie Blanc que Monaco la doit. Deux ans avant l’Exposition Universelle, l’épouse de François Blanc crée en effet la Société Industrielle et artistique.
Un laboratoire de chimie, pour la pharmacie et la parfumerie, est ainsi installé à la Condamine, dans l’ancien hôtel des Etrangers, et est dirigé par M. Lalande, chimiste. On y fabrique de la pâte pectorale de caroubes, des essences d’eucalyptus, de l’eau de fleurs d’orangers, de l’eau dite de « Cologne », une liqueur « La Gallia », à l’huile de café et au quinquina, ainsi que diverses poudres et pommades. Fioles d’extrait d’olivier et teintures balsamiques sont également fabriquées.
Mais Marie Blanc ne s’arrête pas là : une poterie artistique est installée en haut des jardins du Casino, entre Monaco et la France, dans l’ancienne propriété de Léon de Sigaldi. Le sol procure aux artisans la matière première : l’argile.
Le succès de la Poterie de Monaco
Manque de chance, cependant : à l’heure de l’Exposition Universelle, les locaux monégasques ne sont pas encore prêts et Marie Blanc n’est que peu satisfaite des pièces de l’artisanat local. Aussi, les poteries qui sont présentées à l’Exposition proviennent en réalité de l’atelier du couple Fischer, à Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées, avec qui Marie Blanc s’associe.
Le Pavillon de Monaco fait néanmoins sensation. Le jury décerne trois médailles aux poteries et manifeste son désir de venir sur place visiter cette poterie d’art et féliciter les créateurs. Des commandes sont même enregistrées pour des visiteurs et des musées d’Allemagne et de Russie. Le projet se concrétise : Charles Fischer réalise les plans de la Poterie monégasque et en devient directeur.
Il faudra tout de même attendre le mois de février 1874 pour que le premier four de la Poterie artistique de Monaco ne soit allumé. En sortent alors colonnes, vases et potiches colorés. « Le bleu de la Méditerranée, ou bleu de Monaco, a inspiré les céramistes. Mais les poteries ont été déclinées en d’autres couleurs. En vert, par exemple », nous explique Charlotte Lubert, responsable Patrimoine de la SBM.
Et le succès est au rendez-vous : le couple Fischer dirige la Poterie avec talent. Marquées par une estampille reconnaissable, les poteries figurent même au concours régional de Nice, comme en témoigne le Journal de Monaco n°825 du 14 avril 1874.
« Le local situé dans l’ancienne propriété de Sigaldi, au milieu d’une véritable forêt d’oliviers et de citronniers, offre un aspect des plus pittoresques. C’est un bâtiment long dont une extrémité est affectée aux manipulations artistiques et dont l’autre partie est occupée par les fours. Il est vraiment curieux de voir avec quelle facilité et avec quel Art, un informe morceau d’argile est transformé en vase coquet ou en corbeilles chargées de fleurs », décrit le document.
Face à une telle réussite, Marie Blanc agrandit les lieux, en achetant des terrains au Duc de Valmy. Une école de dessin, un atelier de tabletterie, un magasin de vente des produits fabriqués par la société industrielle et artistique, une ferme laitière et horticole et des lieux d’accueil et d’expositions pour les artistes résidents complètent le dispositif.
Des poteries encore présentes dans les jardins de particuliers
Mais en 1892, l’activité de la Société Industrielle et artistique cesse, selon la volonté des héritiers de Marie Blanc. En 1907, cependant, une nouvelle Poterie, construite sur le quai, sous l’avenue de Monte-Carlo, voit le jour et est inaugurée par le Prince Albert Ier. Elle est alors dirigée par Eugène Baudin et produit des poteries jusqu’en 1924, date à laquelle elle ferme ses portes.
Aujourd’hui, il ne reste malheureusement pas grand-chose de toutes ces productions. « On trouve encore beaucoup de poteries dans les jardins de particuliers monégasques », précise Charlotte Lubert.
L’Hôtel Hermitage, quant à lui, compte encore quelques œuvres, vendues avec l’établissement en 1928. Bien que ces dernières ne proviennent pas de la Poterie de Monaco, mais de celle de la dynastie Massier de Vallauris – dynastie très étroitement liée à Monaco – elles constituent, des mots de la SBM, « des pièces d’une valeur patrimoniale pour l’Histoire de la céramique. »