On vous dévoile les secrets des peintures du Casino de Monte-Carlo
Monaco Tribune vous propose de faire le tour de cet établissement unique au monde et de vous en révéler les anecdotes.
Il s’agit de l’un des lieux touristiques les plus emblématiques de la Principauté. Le Casino de Monte-Carlo, joyau de la Société des Bains de Mer et de son héritage, impressionne tant par sa façade Belle-Epoque que par l’élégance et le raffinement de ses salons de jeux.
Mais à l’intérieur, quelques regards semblent observer joueurs et touristes. De grandes toiles colorées agrémentent les murs et les plafonds de ce somptueux édifice. Derrière les pinceaux, différents artistes, ayant officié entre 1863 et 1910. Les styles et influences se côtoient sans fausse note, car toutes les œuvres sont reliées par un même fil conducteur : la figure de la femme.
Charlotte Lubert, responsable Patrimoine de la SBM, nous invite à faire le tour du propriétaire et à découvrir les secrets qui se cachent derrière les peintures du Casino.
La majestueuse Salle Europe et le mystérieux Salon Rose
Notre visite commence dans l’ambiance feutrée de la Salle Europe, agrémentée d’un bar lounge et des premières tables de jeux. « Chaque pièce, sauf la Salle Médecin, compte plusieurs peintres. Ici, par exemple, nous avons Paul Steck, Pedro Ribera, Georges Picard et Félix-Hippolyte Lucas », nous indique Charlotte Lubert. Tous ces artistes français, médaillés pour leur œuvre, ont été soigneusement sélectionnés par Marie Blanc, femme reconnue pour son goût pour l’art et le raffinement à l’échelle internationale.
Chacune des huit toiles représente la femme, mais pas seulement. Toutes constituent également une allégorie de la nature. « De chaque côté de l’entrée, Steck a peint la Récolte des Oranges et la Promenade en Mer. (…) Ces peintures sont de 1898, date de la dernière rénovation de la Salle », explique Charlotte Lubert.
En face, L’Automne et Le Printemps (1889) de Georges Picard, accueillent les visiteurs qui souhaitent accéder aux autres salles du Casino.
Du côté du bar lounge, près du prestigieux restaurant Le Train Bleu, Félix-Hippolyte Lucas nous propose une promenade tantôt dans les Alpes, tantôt au bord de mer.
En levant les yeux, nous remarquons deux autres œuvres du peintre qui se répondent de part et d’autre de l’imposante verrière : l’une est une allégorie de la peinture, l’autre de la musique. En observant bien la toile au-dessus du bar, vous pourrez apercevoir un médaillon, où l’on distingue la figure de l’architecte Henri Schmit, Directeur général des travaux d’architecture de la SBM à la fin du XIXe siècle.
Et, de l’autre côté, pour décorer l’entrée du Salon Rose, nous découvrons enfin les œuvres de Ribera : la Bataille de fleurs et Sur les terrasses. « Ici, la femme est plutôt à la Pompadour, ce qui est assez amusant pour l’époque. Nous sommes tout de même à la Belle-Epoque, sous Napoléon III », commente la responsable Patrimoine.
Et c’est justement au Salon Rose, restaurant aux allures de charmant petit boudoir, que nous poursuivons notre visite. Construit en 1903, il servait initialement de fumoir. Voilà pourquoi le grand plafond se pare de teintes brunes, afin de masquer les volutes de fumée. Mais ce plafond renferme un autre secret plutôt… insolite !
« Nous connaissons tous La Joconde, avec son regard mystérieux qui nous suit lorsque nous nous déplaçons, introduit Charlotte Lubert. Eh bien, nous avons ici notre Joconde à nous. »
S’agirait-il du regard innocent du petit ange que nous apercevons, ou de celui, plus lascif, des Fumeuses, peintes par l’Italien Massimiliano Gallelli ? La réponse se trouve ailleurs. Et plus précisément du côté des fesses de l’angelot qui nous tourne le dos. « Où que vous vous trouviez dans la pièce, les fesses sont orientées dans votre direction », révèle notre interlocutrice.
Une fois les vérifications d’usage achevées, nous voici de retour dans la Salle Europe, où nous constatons tout autour les œils-de-bœuf, aujourd’hui condamnés, qui servaient de discrets postes d’observation. « Aujourd’hui, nous avons des caméras de surveillance, mais à l’époque, Camille Blanc [le fils de François Blanc, créateur de la SBM, ndlr] adorait s’y cacher pour regarder ce qu’il se passait. Il surveillait les employés et les joueurs, et pouvait voir sans être vu », nous raconte Charlotte Lubert dans un sourire.
La résonnante Salle des Amériques et la discrète Salle Blanche
Dirigeons-nous maintenant vers la Salle des Amériques, conçue et réalisée par le célèbre Charles Garnier, qui surprend quelque peu par son allure plus moderne que les précédentes. Et pour cause : bien que construite en 1881, elle renferme essentiellement des copies des œuvres d’art qui y sont exposées, les originales ayant été malheureusement détruites dans les années 1960.
En 1969, la Salle accueille d’ailleurs le Bal des Têtes, pour fêter son inauguration sous sa nouvelle apparence. Y participent de grandes célébrités, invitées à se vêtir de chapeaux et masques extravagants. D’ailleurs, les masques sculptés au plafond représentent pour leur part les quatre saisons.
Une grande ferveur passée et présente, qui contraste avec l’élégante Salle Blanche, sur le côté.
Construite en 1903, cette salle lumineuse et épurée, surplombant la mer, n’a pas toujours accueilli les joueurs. A l’origine, c’est ici que les accompagnants et accompagnantes venaient se détendre, en attendant ceux qui préféraient les joies du tapis vert. Cet ancien salon de lecture est dominé par une immense toile où dansent trois femmes nues : les « Grâces Florentines », immortalisées par le peintre Paul Gervais.
En lieu et place des déesses de la mythologie grecque – Aglaé, Euphrosyne et Thalie – des « mondaines » de Monte-Carlo : Liane de Pougy, Émilienne d’Alençon et la très célèbre Belle Otéro.
« Le tableau a fait scandale à l’époque. On n’avait pas l’habitude de voir cette nudité », relate Charlotte Lubert. Et pour cause : les corps ni voilés ni dissimulés se révèlent entièrement, mais non sans grâce et féminité.
Les amusantes Salles Touzet et l’apaisante Salle Médecin
La visite se poursuit dans les Salles Touzet (du nom de leur architecte), ou Salles Jumelles, annoncées par une étrange figure en mosaïque de la maison Facchina dans le vestibule (autrefois vestibule de conversation) qui annonce la transition avec les salons privés.
Les deux salles Touzet, très richement décorées, sont parfaitement symétriques et semblent identiques… à quelques détails près.
A commencer par les verrières qui ornent le plafond, où les inscriptions « 1889 », date de la construction de la Salle, ne se reflètent pas. Ces verrières sont dues à la Maison Prestat et Cie de Paris et sont tout simplement inversées.
Toujours en levant les yeux vers le plafond, vous pourrez aussi découvrir six portraits féminins (trois de chaque côté) dans les vitraux. Bien que toutes ces femmes y aient l’air impassible, il semblerait qu’elles désignent, en réalité, différentes émotions.
Plus bas, les peintures ornent les murs et réitèrent leur appel à la nature. Des fleurs, des arbres, des rivières, mais aussi des paons, des oiseaux et des cygnes accompagnent les jeunes femmes sur les toiles des peintres Charles Monginot, Tony Faivre et Léon Hodebert.
Fait surprenant, l’un des murs comporte également… une horloge ! « En principe, il n’y a pas d’horloge dans les Casinos, puisque le but est que les joueurs perdent la notion du temps et jouent davantage. Mais ici, il y en a une, car, à l’époque, il ne fallait surtout pas que les joueurs ratent le dernier train pour rentrer chez eux », souligne Charlotte Lubert.
Et c’est justement le temps qui est à l’honneur dans la prestigieuse et dernière salle : la Salle Médecin, réservée aux plus grands joueurs du Casino. C’est également ici que se déroulent majoritairement les compétitions et tournois, tant pour les joueurs que pour les croupiers.
Réalisée en 1910, la Salle Médecin revêt la particularité d’être la seule pièce conçue par un architecte monégasque, qui lui a donné son nom.
Sur les murs, les œuvres d’un seul et unique peintre : Armand Segaud, qui illustre les différents moments de la journée : le matin, le midi, le soir et la nuit.
Les bas-reliefs, quant à eux, sont l’œuvre d’Emile Peynot. L’on y voit en miroir le dieu grec du Soleil, Hélios, conduisant son attelage de chevaux, et, de l’autre côté, sa sœur, Séléné, déesse de la Lune, à bord de son char conduit par des bœufs. Le plafond, où volent anges et jeunes filles a été réalisé également par Armand Segaud et nous invite à nous perdre dans ce paradis.
C’est sur cette dernière note poétique que s’achève notre visite du Casino de Monte-Carlo. Un lieu historique qui fait tant rêver ses joueurs que ses visiteurs.