Accord entre Monaco et l’UE : quelles conséquences pour la Principauté ?
Après huit années de négociations avec la Commission européenne, les discussions pourraient se concrétiser d’ici à la fin de l’année.
Confiée à un cabinet spécialisé, une étude prospective analysant les conséquences économiques, juridiques et politiques, pour la Principauté, d’un accord entre Monaco et l’Union européenne a été présentée aux élus du Conseil National puis à la presse mardi 25 juillet dernier. Cette étude, « objective et indépendante », clarifie d’emblée le Ministre d’État Pierre Dartout, présente également les impacts d’un non-accord à court, moyen et long terme, ce qui permettra au Gouvernement de se positionner en faveur ou non, d’un rapprochement plus étroit avec l’UE.
Faciliter les exportations
Si la Principauté constitue un État tiers à l’UE, l’État monégasque a toutefois établi des relations permanentes avec elle, notamment en accréditant un Ambassadeur à Bruxelles, et en intégrant la zone euro et le territoire douanier communautaire.
Désormais depuis 2015, un nouveau cadre de relations est envisagé. Monaco s’est en effet engagé dans des négociations afin d’obtenir un accord qui lui permette une participation plus large au marché intérieur de l’UE, notamment par la suppression des obstacles qui peuvent actuellement entraver les exportations de certaines entreprises monégasques vers les États membres. Ainsi, l’accord bénéficierait à certains secteurs comme le commerce de gros, l’industrie manufacturière ou encore le transport et la pharmacie. Réunis, ces secteurs favorablement impactés représentent 20% de l’économie, et induiraient la baisse des prix de certains services pour les consommateurs.
Cet accord permettrait également « la diversification de l’économie monégasque, dans les domaines de haute technologie par exemple », ajoute Pierre Sellal, senior counsel au sein du cabinet August-Debouzy, un des cabinets mandatés pour réaliser cette étude prospective, avant de préciser que les avantages n’apparaîtront qu’après quelques années.
Les « lignes rouges » établies par Monaco
Problème : Monaco n’est pas un territoire comme les autres, et comporte de nombreuses particularités territoriales, démographique et économique. Il est aussi caractérisé, comme l’a rappelé Pierre Sellal, par « un niveau de prospérité exceptionnel ». L’accord, s’il devait être conclu, devra donc être équilibré, et par-dessus tout respecter les intérêts essentiels de Monaco. En considérant la volonté du Souverain, le Gouvernement a donc établi des « lignes rouges », afin de protéger le modèle économique et social monégasque.
D’un autre côté, « l’UE a du mal à admettre les situations particulières, reconnaît l’expert dans les questions européennes. La machine européenne est habitée par les quatre libertés [la libre circulation des biens, la libre circulation des capitaux, la libre circulation des services et la libre circulation des personnes, NDLR] et si un pays veut participer pleinement au marché intérieur européen, il doit en accepter les règles. »
Or, certaines des lignes rouges, notamment celles fondées sur le principe de discrimination entre les nationaux et les autres nationalités pour le logement ou l’emploi, sont en contradiction avec les principes du droit européen. Ainsi, sur un certain nombre de points, « il faudra trouver des solutions concrètes permettant de faire l’équilibre entre les exigences de l’UE et celles des Monégasques et résidents », reconnaît Pierre Dartout, en assurant que des propositions seront présentées le 14 septembre prochain lors d’une rencontre organisée entre Maros Sefcovic, Vice-Président de la Commission européenne, Isabelle Berro-Amadeï, Ministre des Relations Extérieures et Isabelle Costa, Haut Commissaire aux Affaires européennes à Bruxelles.
Les secteurs affectés
Le « coût » pour la Principauté sera donc plus ou moins important selon les négociations, mais certains pans de l’économie devront nécessairement s’adapter. Les professionnels comme les architectes ou les avocats, devront par exemple supporter une concurrence externe qui apparaîtra sur le marché monégasque. Les secteurs déstabilisés à court terme dont les professions réglementées, représentent 40% de l’économie. À noter aussi que certains secteurs ne seraient ni impactés positivement ni négativement, c’est le cas de l’hôtellerie, du commerce de détail ou encore de la finance.
Sur le court terme, « nous constaterons un choc économique qui se traduira par un ralentissement de la croissance économique, mais pas d’une récession », insiste les créateurs de l’étude tout en indiquant que la deuxième période serait caractérisée par un rebond « dont l’accord d’association serait le catalyseur ».
Dans le cas où la relation entre Monaco et l’Europe reste inchangée, « la Principauté continuera d’avoir besoin d’être très fortement alignée sur le droit européen et son évolution. Ainsi, penser qu’en l’absence d’accord d’association, la principauté recouvrerait une totale autonomie, serait une profonde erreur », rétabli Pierre Sellal. Et au Ministère d’État de paraphraser Mario Draghi : « Il n’y a pas de souveraineté dans la solitude ».
Le Conseil National se dit « sceptique »
Si le Gouvernement décide de ratifier cet accord, il lui faudra obligatoirement le feu vert du Conseil National. Et à l’issue de la Commission Plénière d’Étude (CPE), les Conseillers Nationaux sont toujours aussi sceptiques et l’ont fait savoir dans un communiqué diffusé le jour même.
D’abord parce qu’ils redoutent ce choc économique à court terme, et expliquent que « la non-conclusion d’un accord permettrait d’éviter les bouleversements juridiques ainsi que les coûts économiques d’un accord. » Les élus s’interrogent également sur la méthodologie de l’étude qui ne leur a pas été expliquée et ajoutent :
« Entre hypothèses et approximations (…), l’Assemblée a constaté avec surprise que la question de l’impact sur la Constitution monégasque n’a pas été étudiée, notamment en termes de priorité nationale. De même, à la question posée de l’avenir des monopoles, il a été répondu : « nous n’avons pas ouvert la question des monopoles ». Enfin, les questions liées au domaine social ou à la fiscalité ne font pas partie des paramètres pris en compte. » Le Conseil National fait savoir qu’il a également diligenté sa propre étude d’impact qui sera disponible à la rentrée prochaine. La perspective d’un accord fin 2023 comme affiché par l’UE semble, à ce jour, compliquée.
Cette nouvelle phase de négociations s’articule autour de plusieurs points clés, notamment la préservation de l’identité et de l’autonomie monégasque face aux exigences de l’UE en matière de libre circulation et d’intégration économique. N’hésitez pas à suivre les infos de l’UE sur le site d’actu Argent au quotidien.
Plus d’infos…
Les deux documents présentés par les cabinets mandatés sont consultables sur le site du Gouvernement Princier.