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Récit

Beausoleil : Le Maire Gérard Spinelli comparaîtra devant la justice en septembre

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Gérard Spinelli reste à ce jour présumé innocent - © Ville de Beausoleil

L’édile avait déjà été poursuivi dans le cadre d’un autre dossier il y a six ans, mais avait été relaxé.

Gérard Spinelli est-il coupable d’avoir organisé des soirées privées aux frais du contribuable ? Telle est la question que la justice devra trancher à l’automne prochain.

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Après une perquisition au sein de la mairie de Beausoleil en mai par la police judiciaire, et un premier placement en garde à vue, le maire de Beausoleil était en effet, comme le rapportent nos confrères de Nice-Matin, déféré devant le Procureur de la République de Nice le 16 juin dernier. Ressorti libre du Palais de Justice, après avoir versé une caution de 50 000 euros pour obtenir un contrôle judiciaire allégé, il devra toutefois comparaître devant le Tribunal correctionnel le 25 septembre 2023.

Présumé innocent, l’édile, réélu depuis 2008 à la tête de la Ville, est poursuivi pour « complicité d’abus de confiance », « détournement de fonds publics par personne ayant un mandat électif » et « favoritisme ». Les faits, selon Le Figaro, remontent à 2017 et 2018 et quatre autres personnes sont poursuivies dans ce dossier. Mais à quoi le Parquet fait donc référence, précisément ?

Un dîner aux frais d’une association

D’après France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur, il est d’abord reproché au maire de Beausoleil « d’avoir contribué à utiliser une association à des fins qui ne seraient pas conformes à son objet social. » Il est ici question d’un dîner organisé au Café de Paris, en avril 2017, pour fêter le nouvel an thaïlandais, le pays d’origine de l’épouse de l’élu. Problème : l’addition a été réglée par l’association beausoleilloise des amis d’Alba (ABAA).

Une association – dont la page Facebook a depuis été supprimée – censée favoriser la culture italienne dans la commune… et qui avait déjà suscité de nombreux désaccords au sein de l’opposition. Un article de Monaco-Matin, publié en 2017, justement, relate un conflit exprimé en séance de Conseil municipal. La majorité prévoyait en effet d’allouer 70 000 euros pour l’année 2017 à l’association.

Une somme nettement supérieure aux 1 000 euros accordés à In/Tension Théâtre pour ses représentations, aux 2 000 euros versés au collège Bellevue pour un séjour à la montagne de 20 enfants ou aux 600 euros prévus pour les membres de la Légion d’honneur. Sans compter la dette de la ville, estimée à l’époque à 7 millions d’euros.

L’opposition avait ainsi dénoncé une somme « colossale » et une participation de l’association dans « beaucoup d’actions qui n’ont rien à voir avec Alba [comme la course des escaliers, les festivités de fin d’année ou le festival des héros de la télé]. »

« Cette aide n’a pas vocation à être versée de façon permanente. Je m’interroge sur les liens entre la mairie, l’association et son dirigeant », avait pointé Jean-Jacques Guitard, de la liste « Rassemblement Bleu Marine ». Ce dernier s’était même procuré le bilan comptable 2015 et avait souligné qu’en 2014, la subvention accordée était de 90 000 euros, mais que 45 000 d’entre eux manquaient à l’appel. « Nous n’avons aucune facture, aucun relevé bancaire », avait-il fait savoir.

Des soupçons immédiatement réfutés par Gérard Spinelli, qui avait alors convenu que « le titre de l’association n’est pas bon. L’ABAA intervient dans toutes les manifestations phares où Beausoleil est en lien avec l’Italie. La culture italienne est inhérente à la ville. 70 000 euros, c’est une somme qui correspond principalement à des factures d’animations. Le financement de la fête de la truffe blanche est très important. Je n’ai pas de problème sur l’utilisation de l’argent. »

L’anniversaire de Mme Spinelli, payé par le contribuable ?

Pour ce qui concerne le favoritisme et le détournement de fonds publics, la justice reproche à Gérard Spinelli un certain nombre de « frais de bouche » qui ne respecteraient pas le Code des Marchés Publics. Ingénieur conseil de profession, l’édile aurait été sollicité par la Ville en tant qu’auto-entrepreneur, mais n’aurait pas, selon la justice, fait appel à la concurrence.

« L’enquête porte sur des faits remontant à 2018. Le parquet de Nice considère que certaines règles formelles auraient dû être appliquées plus strictement en application du Code des Marchés Publics. Aucun enrichissement personnel ni prise d’intérêt personnel ne me sont reprochés. Depuis 2018, je demande à mes services de faire preuve d’une rigueur accrue dans l’application des règles parfois complexes de passation des marchés. Je renouvelle, aujourd’hui, avec plus de force encore cette demande auprès de chacun des services concernés », nous a déclaré Gérard Spinelli.

En parallèle, l’édile est aussi suspecté d’avoir organisé, en 2018, une réception au prestigieux Hôtel de Paris, palace bien connu de Monte-Carlo, où l’anniversaire de l’épouse de Gérard Spinelli aurait été célébré avec des fonds publics. Et cette même année, Gérard Spinelli aurait également donné, aux frais du contribuable, une soirée pour fêter sa relaxe.

Des soupçons de corruption pour la Tour Odéon

Car ce n’est pas la première fois que l’édile doit faire face à la justice. En 2017, Gérard Spinelli comparaissait devant le tribunal correctionnel de Marseille, après six ans d’instruction, selon France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur. En cause : la construction de la célèbre Tour Odéon, plus haut gratte-ciel de Monaco, établie à la frontière entre la Principauté et Beausoleil.

L’édile était alors poursuivi pour « corruption passive » et avait passé, en 2009, 24 jours en détention. D’après 20 Minutes, Gérard Spinelli était soupçonné d’avoir perçu des pots-de-vin de la part des promoteurs Paolo et Claudio Marzocco, également poursuivis, via Ange-Roméo Alberti, qui aurait servi d’intermédiaire dans cette affaire.

Plusieurs dizaines de milliers d’euros auraient ainsi été versées à Gérard Spinelli pour qu’il facilite ou s’abstienne d’entraver le bon déroulement du chantier. Et pour cause : vue bouchée, soleil caché… les riverains de Beausoleil étaient nombreux à s’opposer à la construction de cette immense tour de 170 mètres et 49 étages, comme le rapporte Monaco-Matin.

Si trois ans de prison avec sursis avaient alors été requis contre Gérard Spinelli, l’édile avait été finalement relaxé en première instance. Une relaxe confirmée l’année suivante par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, malgré les réquisitions du Procureur à son encontre : deux ans de prison, dont six mois ferme. « C’est la fin d’un cauchemar de neuf ans. Depuis le début de cette affaire, le dossier est vide », avait alors réagi Me François-Xavier Vincensini, avocat de Gérard Spinelli.

Cette affaire n’avait d’ailleurs pas empêché Gérard Spinelli de remporter haut la main les élections municipales de 2020, avec 70,96% des voix.

La défense reste ferme

Et aujourd’hui, Me Vincensini défend à nouveau son client. Contacté par nos soins, ce dernier atteste qu’ « il s’agit de faits très anciens qui remontent aux années 2017 et 2018. Aucun enrichissement personnel ni prise d’intérêts personnels ne sont reprochés au maire. Simplement, certaines règles particulièrement complexes relatives à la commande publique (…) auraient, selon les enquêteurs, pu être mieux respectées. Cela concerne deux petits marchés de moins de 10 000 euros. Il n’y a eu aucune volonté délibérée des services de la mairie, et encore moins du maire, de contourner ou d’éluder les règles applicables. (…)

Reste l’affaire du gâteau, à savoir un fraisier, qui a été servi à l’issue d’un repas officiel regroupant différentes personnalités en lien avec la commune. Le caractère officiel de ce repas n’est pas contesté. La question est donc de savoir si ce gâteau doit être rattaché au repas officiel qui a été servi, ce qui semble relever de l’évidence, puisque le repas devait nécessairement se clôturer par un dessert. Ou bien si ce gâteau doit se rattacher à un événement privé, à savoir l’anniversaire de l’épouse du maire, puisqu’effectivement le jour de l’organisation de ce repas officiel tombait la veille de l’anniversaire de Madame Spinelli. Cette concordance de date est source d’une ambiguïté certes regrettable, mais il convient de rappeler que le débat porte sur un fraisier (…) Ce qui est évident, c’est qu’à l’avenir ce genre d’ambiguïté ne se reproduira plus pour éviter toute difficulté d’interprétation. »

Pour ce qui concerne le nouvel an thaïlandais, fêté quelques mois plus tôt, là encore la défense du maire est très claire, comme l’indique Nice-Matin : « cette manifestation, comme d’autres, avait pour but de valoriser l’image de Beausoleil et de faire du relationnel. Il n’y avait d’ailleurs que des officiels à la table. »

Me Vincensini ajoute enfin dans le quotidien local que son client est un « ingénieur conseil dont la compétence est reconnue par tout le monde, si bien qu’à son départ à la retraite, la Ville a continué à faire appel à ses services en tant qu’auto-entrepreneur. (…) Même s’il conteste tout caractère fautif [pour ne pas avoir fait appel à la concurrence, ndlr], le maire a immédiatement manifesté sa volonté d’appliquer avec la rigueur la plus absolue les règles de la commande publique afin d’éviter tout malentendu à l’avenir. »

Un ancien adversaire à l’origine des signalements

Derrière ces récentes dénonciations, un nom : Stéphane Manfredi. Ancien fonctionnaire en charge du Protocole, mis à pied par la Ville après des accusations de harcèlement sexuel de la part de ses collègues et une plainte pour viol (classée sans suite), ce dernier s’était présenté aux élections municipales de 2020 sous l’étiquette RN.

Stéphane Manfredi aurait donc, selon Nice-Matin, fait état des factures « compromettantes » de l’édile sortant. « C’est normal s’agissant de l’utilisation de deniers publics, c’est même automatique dès lors que des accusations sont portées », a commenté Me Vincensini, tout en niant les allégations portées par l’ancien fonctionnaire.

Le maire a également ajouté que le gâteau d’anniversaire de la discorde, sur lequel était inscrit le nom de Mme Spinelli, aurait été commandé par Stéphane Manfredi lui-même.

Ce dernier a également contacté Médiapart, alors que la campagne électorale de 2020 battait son plein. Le journal a publié un long article dans lequel Stéphane Manfredi s’exprime sous anonymat : « je n’ai pas confiance dans la justice locale. C’est pourquoi j’ai préféré déposer mon signalement à Paris. »

Le média révèle en effet que l’enquête a débuté le 26 août 2019, après un signalement auprès du Parquet national financier, effectué par Stéphane Manfredi. « Monsieur Gérard Spinelli utilise les moyens matériels, humains et financiers que la collectivité met à sa disposition pour satisfaire des besoins ou des intérêts particuliers, n’ayant aucun lien avec ses mandats. Une grande partie des moyens communaux sont utilisés à des fins privées, ils sont détournés volontairement et délibérément de leur objectif », peut-on lire sur le signalement.

Depuis la publication de l’article, dans lequel l’édile n’a pas souhaité s’exprimer, Stéphane Manfredi a reconnu être l’auteur du signalement et des déclarations, comme l’affirme Gérard Spinelli dans une grande interview accordée à Monaco Hebdo, un mois plus tard.

Désignant quelqu’un « à qui il a tendu la main en l’embauchant à la mairie en 2012, alors qu’il avait des problèmes personnels pour le moins complexes », Gérard Spinelli a également assumé pleinement la hausse des charges pour l’organisation des fêtes et des cérémonies de 47 % entre 2010 et 2016, pointée par la Chambre régionale des comptes, et mentionnée par Médiapart.

« Ces sommes permettent d’organiser plus d’une cinquantaine d’événements dans l’année, comme le festival du livre, le festival de musique de chambre, le carnaval… J’assume donc ce choix d’avoir engagé des dépenses de protocole correspondant à l’animation, aux fêtes et aux cérémonies », a-t-il déclaré, en ajoutant qu’il comptait porter plainte contre le journal et contre Stéphane Manfredi pour « diffusion de fausses nouvelles en vue de fausser un scrutin électoral. »

De nombreux Beausoleillois ont par ailleurs fait part de leur satisfaction sur les réseaux sociaux à l’annonce de la victoire de Gérard Spinelli, dénonçant « la calomnie » menée par l’opposition.

Trois ans plus tard, l’élu reste confiant pour la suite des événements, comme le révèle Nice-Matin : « c’est le jeu démocratique, leur a-t-il déclaré en mai dernier. Moi, j’ai essayé d’apporter aux enquêteurs qui m’ont interrogé des précisions qu’ils n’avaient pas. Je pense qu’ils m’ont entendu. »

Conclusion de l’épisode, donc, en septembre prochain.