Vanessa von Zitzewitz, la photographe qui a immortalisé Michael Schumacher et la Princesse Charlène
Résidente en Principauté, Vanessa von Zitzewitz vient d’exposer ses clichés du pilote allemand chez Sotheby’s Monaco. Portrait d’une photographe qui a toujours vécu son art avec passion et intensité.
« Ce regard, tellement concentré et profond… C’est avec cette photo qu’on a ouvert l’expo. » Dans la prestigieuse galerie Sotheby’s de Monaco, 28 photographies en noir et blanc ont récemment orné les murs, pour suivre le célèbre pilote Michael Schumacher. Derrière l’objectif, la photographe allemande Vanessa von Zitzewitz, nous a offert une visite privée, ponctuée d’anecdotes et de commentaires.
Car chaque cliché a une histoire bien particulière. « Cette photo est très graphique, on ne voit pas l’homme, c’est presque une machine… Celle-là, je l’aime énormément. Je l’ai appelée « Bye Bye Barcelona », il a presque un côté Flamenco avec sa main… Celle-ci est incroyable, parce qu’où que vous vous placiez, le regard de Michael vous suit… Celle-ci, avec le téléphone à l’ancienne, c’est celle avec quoi tout a commencé. Rien n’est recadré : on réfléchit au cadrage d’abord… J’adore celle-là parce qu’elle est prise à Monaco. Schumacher est ancré comme une sculpture, comme un roc. C’est lui. C’est vraiment lui », détaille-t-elle, les yeux brillants.
Et tout ce travail, Vanessa l’atteste, ne fait pas seulement honneur au pilote. « Avec cette expo, on a rendu hommage à une personne, une figure emblématique pour nous. Mais on a rendu aussi hommage à toute cette époque, où j’ai eu la grande chance de pouvoir le rencontrer et le photographier dans des circonstances très privilégiées. Par exemple, la photo où les mécaniciens remettent de l’essence et changent les pneus pendant la course. J’ai photographié ça avec un 50mm, en négatif. Je me trouvais là, entre les mécaniciens. Il n’y avait ni agrandissement ni rapprochement. J’étais dans cette folie, dans le bruit, l’agitation… Aujourd’hui, on ne pourrait plus le faire », affirme-t-elle.
Et c’est justement toute cette adrénaline qui stimule Vanessa dans son travail et lui permet de réaliser des clichés uniques !
« J’ai eu l’extraordinaire chance de photographier le professeur Dor, qui travaillait à l’époque au Centre Cardio-Thoracique de la Principauté. C’était LE ponte des professeurs, et je devais le photographier pour un livre sur Monaco. Je ne voulais pas le photographier dans son bureau, mais plutôt dans une salle d’opération. Il m’a dit : « écoutez, c’est parfait. Dans une demi-heure j’ai une transplantation cardiaque, vous venez avec moi ! » Je me suis retrouvée désinfectée, habillée, avec les médecins qui ont scié le thorax, les écarteurs, la totale ! J’ai toujours vécu mes séances photos à fond la caisse et ça m’attire encore aujourd’hui. Je ne veux pas juste photographier, rester derrière mon appareil. Je veux entrer dans le monde de la personne », explique-t-elle.
De Lisa Presley à la Princesse Charlène
Et dès le début de sa carrière, Vanessa von Zitzewitz a eu l’occasion d’immortaliser un très grand nombre de célébrités. De Mick Jagger à Pavarotti, en passant par Lisa Presley, alors qu’elle n’avait que 22 ans… Vanessa a enchaîné les séances. « C’est incroyable, et en même temps, c’est un stress qui vous marque à vie, raconte-t-elle en riant. Beaucoup de personnalités m’ont marquée : à chaque fois, ça a été une grande leçon d’humilité. Plus ces gens étaient connus, plus ils étaient à l’heure, et plus ils étaient respectueux. Ça m’a donné une petite claque, parce qu’on se dit que les très, très grands n’ont pas besoin de faire le show. »
Parmi toutes ces rencontres extraordinaires, l’une de celles qui ont le plus marqué Vanessa a été réalisée avec la Princesse Charlène. « J’ai été contactée pour faire une série de portraits avec la Princesse, dévoile-t-elle. J’étais très honorée d’avoir cette occasion. Nous avons eu trois jours de travail ensemble, au Palais, à l’extérieur, avec la piscine, avec la tiare… Tout s’est très bien passé. J’avais carte blanche, avec son accord, bien entendu, et j’ai eu l’idée de transformer sa robe Dior en sorte de tutu de danseuse. La Princesse a été formidable, tellement professionnelle ! Elle a tellement joué le jeu, c’était incroyable. J’ai pris une photo où elle est sur les rochers, devant le Musée Océanographique, avec sa robe longue. Elle ressemble à une sirène qui sort de l’eau. C’est mon cliché préféré. J’aimerais beaucoup travailler à nouveau avec elle. »
Et si vous suivez la Princesse Charlène sur Instagram, alors vous avez déjà vu l’une des images issues de cette séance, puisque la Princesse en a justement choisi une pour photo de profil. De quoi honorer Vanessa, qui vit à Monaco depuis son enfance, et se sent ainsi très liée à la Principauté.
« Monaco a un côté extraordinaire, que les gens de l’extérieur ne connaissent pas, affirme la photographe. Un côté village. C’est le Monaco précieux, loin du faste de la Place du Casino. Et j’ai aussi eu une grande chance : le Prince est venu à l’ouverture de l’exposition, avec d’autres personnalités politiques. Ça a été un cadeau formidable de sa part. Le Souverain a regardé chaque photo, a fait des commentaires sur le grain du noir et blanc… Et puis, c’était drôle, parce que le pilote Mika Häkkinen était là aussi. C’était le grand rival de Schumacher à l’époque, et on expose justement une photo où Schumacher pointe son gant sur un écran qui affiche le temps que Mika avait fait lors d’une course. Le Souverain a appelé Mika et lui a demandé : « mais qu’est-ce que c’est que ce temps que tu as fait, là ? » »
L’émotion au cœur de chaque cliché
La photographe a également témoigné son amour pour la Principauté en réalisant un livre consacré au bicentenaire des Carabiniers du Prince. Un ouvrage dévoilé par le Souverain lors de la fête du Prince, il y a quelques années, et qui rejoint la collection des livres photo réalisés par Vanessa.
Certains sur des sujets plus difficiles que d’autres. « J’ai publié un livre que j’ai appelé Slaughterhouse Angels : les Anges de l’Abattoir. Pendant six ans, j’ai passé deux mois par an en Thaïlande, dans un orphelinat, à vivre avec des enfants atteints du sida. A l’époque, on mourrait encore du VIH aux alentours de 15 ans. C’était lourd, très lourd. Grâce au livre, j’ai pu récolter un demi-million de dollars et je les ai reversés à l’orphelinat », raconte-t-elle, une pointe d’émotion dans la voix.
L’émotion, justement. C’est elle qui guide Vanessa dans ses séances photos. D’où le choix quasi-permanent du noir et blanc. « Dans les photos en noir et blanc, le sujet est beaucoup plus important. Si j’avais fait l’exposition de Schumacher et Ferrari en couleurs, on ne verrait que du rouge partout. On ne verrait pas son regard. La couleur distrait du sujet, et de l’émotion que j’essaie de capter. Aujourd’hui, on a peu d’émotions positives. Le monde est violent. Alors, j’espère qu’à travers mes photos, je pourrai amener quelques secondes positives à ceux qui les regardent », confie-t-elle.
La photographie : un art à défendre
Au vu de cet impressionnant palmarès, difficile d’imaginer que Vanessa von Zitzewitz ne se prédestinait pas, à l’origine, à une carrière de photographe. Pourtant, c’est par pur hasard qu’elle est tombée dans le huitième art, alors qu’elle étudiait l’art graphique au sein de l’université américaine Parsons School of Design. « Les cours de photo étaient obligatoires, et pour être honnête, je n’étais pas très enthousiaste. Mais très vite, le professeur m’a dit que j’avais un œil qui voyait ce que les autres ne voyaient pas. Et un an plus tard, je publiais mon premier livre. Je n’avais que 22/23 ans et c’était un très gros projet pour Cartier. Ça a été un concours de circonstances, en fait. J’ai eu la chance d’avoir ce professeur. Je pense qu’on est tous doués pour quelque chose, et qu’on le découvre plus ou moins tôt. »
Profondément passionnée par son art, Vanessa regrette de l’avoir vu évoluer « dans le mauvais sens. » « A l’époque, on respirait le travail. Aujourd’hui, quand vous voyez toutes ces personnes qui disent sur Instagram qu’elles sont photographes, ça me fait sourire. Moi, j’ai trempé mes mains dans les produits, j’ai développé mes films, mes photos… Je sais ce que c’est d’utiliser un appareil photo ; eux se contentent d’appuyer sur un bouton. Le public ne comprend pas toujours à quel point il y a une différence entre des photos réfléchies, travaillées, imprimées d’une certaine façon, et qui ont du coup un certain prix, et les photos prises au téléphone. La vraie photographie reste un produit de première classe. Ce métier, je l’ai appris avec mes mains, ma sueur et mes produits chimiques. »
La photographe n’hésite pas, cependant, à partager quelques conseils à tous ceux et celles qui voudraient se lancer dans la photographie. « Il faut qu’ils réfléchissent à un sujet qui les passionne. Mon livre sur les chevaux, je n’aurais pas pu le faire si je n’avais pas été cavalière, par exemple. Pour vraiment entrer dans un sujet et en montrer le revers, pour proposer un travail intéressant, il faut être passionné par ce qu’on photographie. C’est primordial », martèle Vanessa.
Et lorsqu’on lui demande « quelle célébrité rêvez-vous de photographier ? », la réponse est sans appel, mais malheureusement impossible : « Romy Schneider. J’aurais tellement voulu la photographier. C’est la plus belle femme qui ait jamais existé, et je crois que je ne me serais jamais lassée, si j’avais pu travailler avec elle. Je suis fan à 100% de Romy Schneider. »
Malgré ce regret, et après toutes ces années, la passion ne l’a jamais quittée. Et Vanessa von Zitzewitz ne souhaite qu’une chose : continuer à vivre ses séances photo – et sa vie – « à fond la caisse ».