Kamyar Moghadam : « Je suis un esthète qui rend la vie des gens plus belle »
Après une très belle carrière dans la mode et la cosmétique, Kamyar Moghadam créait, il y a quinze ans, la célèbre enseigne de design Fashion For Floors, qui s’apprête à devenir « Maison Moghadam ». Rencontre avec cet ultra-créatif à l’expertise reconnue au-delà des frontières de la Principauté et au parcours plus qu’inspirant.
Décorateur, architecte, entrepreneur… Lorsque l’on demande à Kamyar Moghadam de dévoiler son métier, difficile de n’en choisir qu’un. Alors, le créateur de Fashion For Floors résume en ces termes : « Je suis un esthète, qui rend la vie des gens plus belle. »
Effectivement. Avec son regard aiguisé et une « matériauthèque » extrêmement fournie – comptant 64 grandes marques comme partenaires privilégiées, 16 000 références de tissus, 12 000 références de revêtements muraux et 2 000 revêtements de sol – Kamyar Moghadam sait très exactement comment arranger un espace.
« C’est mon truc, confie-t-il humblement. C’est un terrain de jeu pour moi. Je rentre dans une pièce, je regarde, je demande ce que la personne veut faire et tout me semble très facile. Si vous me demandez de réparer un moteur, je suis nul. Mais les couleurs, les formes, les matières, les textures, le ressenti que ça va donner, la projection, c’est ultra-facile pour moi. Je ferme les yeux et je vois les images en 5D. Je me vois comme quelqu’un à qui vous pouvez confier n’importe quel espace, que je transforme en quelque chose de différent, qui va vous donner de la joie, de la puissance. »
Au plus près des célébrités
Et le meilleur exemple de ce talent rare se trouve à deux pas de Fashion For Floors, chez Eichholtz by Moghadam. Au fond du showroom, en sous-sol, se trouve un lieu caché. Un « night-club » à l’ambiance feutrée et tamisée, fréquenté notamment par le Souverain. Très prisé des célébrités de Monaco ou d’ailleurs, le club a même récemment accueilli Bono et The Edge pour leur anniversaire. « Jay-Z et Madonna ont vu le club en vidéo et vont sans doute venir aussi », ajoute Kamyar dans un sourire.
Et s’il conserve un air mystérieux au moment d’évoquer les stars qui font appel à lui pour leur décoration, Kamyar dévoile tout de même un nom : Shirley Bassey, sa toute première cliente à Monaco. Les yeux encore pleins d’étoiles à la seule évocation de ce souvenir, il raconte : « c’était mon icône, et seulement deux mois après mon arrivée, j’ai eu la chance, sous la houlette de mon père, de faire sa chambre. Elle était tellement contente du résultat qu’elle m’a dit « darling, I love you so much ! I wanna sing a song for you. »* Et elle m’a chanté trois chansons en négligé de soie, comme dans un film. Il n’y a qu’à Monaco que c’est possible. »
Une première commande pour le moins mémorable, qui a marqué le début de la belle carrière de Kamyar en Principauté. Un destin qu’il n’avait pas envisagé au moment de quitter son Allemagne natale pour entamer des études au sein de la prestigieuse Parsons School of Design à Paris.
« Je pensais m’orienter dans le business, ouvrir des magasins de façon générale. J’ai étudié le marketing stratégique et le design, ce qui m’a permis de rencontrer le monde de la mode et notamment Tom Ford, qui était dans ma classe. A l’époque, il était sur le point de devenir le directeur créatif de Gucci. Pour l’anecdote, l’immeuble qui abrite aujourd’hui Fashion For Floors est l’ancien immeuble de Maurizio Gucci, et ma maman y faisait son shopping. Je venais avec elle quand j’étais petit », se souvient Kamyar qui, quelques années plus tard, s’est donc lancé aux côtés de Tom Ford dans l’aventure Gucci.
De la mode au design
Une première incursion dans le monde de la mode, grâce à laquelle le jeune homme, qui parle couramment quatre langues, a pu multiplier par la suite les expériences créatives, notamment dans la cosmétique, chez, par exemple, John Frieda ou Christophe Robin, son meilleur ami aujourd’hui.
« J’ai travaillé pour beaucoup de marques, toujours en deuxième ou troisième position après le directeur créatif. (…) J’ai vécu une vie incroyable très, très tôt. A 23 ans, je volais déjà partout en jet privé. J’ai presque eu une vie plus trépidante à cette époque qu‘aujourd’hui. (…) J’ai beaucoup appris du monde du luxe, de l’esthétique, de la fabrication, de la finesse, de l’amour du détail… J’ai aiguisé mon goût, mon œil esthétique. Je vois le détail, je comprends les matières, le tissu, le textile : toutes ces choses qui font qu’aujourd’hui, je m’éclate. (…) Je savais que j’avais un côté créatif et la mode m’a permis de l’exprimer. J’aime rendre les choses sexy », précise-t-il.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le slogan de Fashion For Floors est, justement « Make your home sexy.** » Une ligne directrice prise et assumée malgré les réticences initiales du père de Kamyar, Alexander Moghadam, célèbre en Principauté pour ses tapis iraniens.
« Après Paris, je suis venu à Monaco pour aider mon père. Mais il n’a pas voulu que je l’aide, alors j’ai créé mon concept : Fashion For Floors. J’ai ouvert il y a à peu près 15 ans, tout seul, contre l’avis de mon père et sans l’aide de ma famille. Pour mon père, seuls les tapis persans étaient respectueux, contrairement aux tapis modernes. Il me disait même que j’étais un « vendeur de torchons » », raconte-t-il en riant.
Un grand projet au Mexique
Heureusement, Kamyar – qui se décrit comme « un 4X4 très sensible, mais pas fragile » – n’a pas abandonné pour autant. Et depuis 15 ans, le succès est tel qu’il a été choisi pour créer le célèbre tapis rouge déroulé à l’occasion du mariage du Prince Albert II et de la Princesse Charlène. Le décorateur a même été fait Chevalier de l’Ordre des Grimaldi, devenant ainsi la plus jeune personne à avoir reçu cette prestigieuse distinction en 700 ans.
Pas question pour autant de se reposer sur ses lauriers. Extrêmement motivé par tous les aspects d’un processus de fabrication, et débordant de créativité, Kamyar multiplie les projets. Il vient notamment d’investir dans une usine au Mexique, pour donner vie à sa toute nouvelle marque : Marbellous.
« C’est une marque destinée aux professionnels : ce sera la toute première collection d’arts de la table en pur onyx. Nous sommes les seuls au monde à le faire », se réjouit-il. Avec un lancement prévu pour janvier prochain, cette nouvelle marque monégasque sera créée grâce à la plus grande carrière d’onyx au monde. Car pour Kamyar, hors de question de faire les choses à moitié : « j’adore la « verticalité » du produit, c’est-à-dire, maîtriser entièrement le processus, de la conception jusqu’à la vente. La fabrication m’excite. Pour les tapis, c’est pareil : je vais en Himalaya, je regarde les troupeaux et je cherche la plus belle laine pour faire les plus beaux tapis au monde. (…) En fait, j’adore ce que je fais. Et l’argent que je gagne, je le dépense dans la société. J’ai un mode de vie très agréable, mais qui n’a pas changé de façon significative en dix ans. J’ai une voiture et un scooter défoncés, je m’habille simplement, je n’ai pas de Rolex… Et alors ? C’est tout ce que je fais qui me donne une joie énorme ! »
Fashion For Floors devient Maison Moghadam
Toutes ces différentes aventures ont d’ailleurs conduit Kamyar Moghadam à prendre une grande décision : changer le nom de Fashion For Floors, 15 ans après sa création. « Aujourd’hui Fashion For Floors ne représente plus notre réalité : on fait bien plus que cela, explique-t-il. Alors je me suis dit : « pourquoi ne pas utiliser le nom de ma famille qui est connu à Monaco depuis 50 ans ? » »
C’est donc un renouveau pour l’enseigne qui prend désormais le nom de « Maison Moghadam. » L’objectif : devenir une véritable marque de luxe, bien que la réputation de Kamyar ne soit plus à faire dans ce domaine. « Pour les papiers peints et les tissus, nous travaillons avec 64 marques qui font partie des plus grandes au monde. Nous avons la plus grande variété de tissus en Europe, voire au-delà. Certaines marques me consultent même avant de mettre un produit sur le marché. Je suis un très bon sélectionneur. (…) De manière générale, nous sommes les seuls à avoir autant de produits disponibles, et ça me permet d’être ultra-créatif et de proposer une simulation réelle au client », détaille-t-il.
Tout ce dynamisme et cette créativité le suivent d’ailleurs au quotidien. Lorsqu’il n’est pas au travail, Kamyar Moghadam s’adonne à ses passe-temps : la botanique et la cuisine. « Toutes mes maisons ont une végétation incroyable, j’adore la terre. Et j’adore cuisiner, que ce soit pour une personne ou pour trente », dévoile-t-il.
Et sans se départir de son indefectible sourire, Kamyar invite tous les curieux à se rendre dans ses magasins ou au club. « Vous êtes les bienvenus pour toucher et sentir les espaces que j’ai créés, même sans acheter », conclut-il en espérant que ceux qui franchiront son seuil comprendront, à leur tour, le plaisir de la matière.
*« Chéri, je t’adore. Je veux chanter pour toi. »
**« Rendez votre intérieur sexy. »