Le Budget primitif 2024 est adopté
16 voix « pour », cinq voix « contre », deux abstentions.
Ce jeudi 21 décembre marquait la fin des débats et, surtout, le vote du Budget primitif pour l’exercice 2024. « Nous revenons de loin, a introduit Franck Julien, Président de la Commission des Finances et de l’Économie Nationale et rapporteur du texte. Après le vote du Budget rectificatif, le spectre des divergences entre le Gouvernement et le Conseil national laissait présager une impasse pour le Budget primitif 2024. Heureusement, notre agilité collective nous a permis d’éviter le blocage. Nous avons mis l’accent sur nos différends pour dégager des consensus sur des enjeux sensibles, tels que le logement des Monégasques, la mobilité, le projet du Centre Commercial de Fontvieille, la gestion des déchets et de manière plus globale, la politique d’Equipement Public à Monaco. C’est grâce à un dialogue franc, direct et constructif que des avancées ont émergé. »
Rappelant le besoin du « pas l’un vers l’autre », Franck Julien, qui a voté pour le texte, a cependant pointé quelques questions en suspens, « notamment concernant la livraison de 50 logements domaniaux à l’horizon 2026 – 2027 et le Centre Commercial de Fontvieille. La proposition du Ministre d’État d’élaborer un premier Budget rectificatif à la session du printemps 2024 est un geste significatif en direction du Conseil national, offrant une occasion de suivre attentivement les promesses formulées pour ce Budget primitif. »
Et si 16 élus ont voté en faveur du texte, certains ont tout de même voulu avertir le Gouvernement. Comme Maryse Battaglia, Présidente de la Commission du Logement, qui a affirmé « qu’il n’est pas question de laisser se réinstaller une pénurie de logements pour nos compatriotes. Aussi, nous aurons bien une opération domaniale intermédiaire qu’il faudra lancer courant 2024 et livrable au mieux en 2027, début 2028, d’une cinquantaine de logements. Une opération qui vient ainsi compléter et ajuster avec nécessité le plan national pour le logement des Monégasques. »
Une attente du Budget rectificatif 2024
Cinq Conseillers nationaux, en revanche, ont voté « contre », à l’instar de Jean-Louis Grinda, Vice-Président de l’Hémicycle : « Le Conseil national avait demandé le dépôt d’un nouveau primitif. Il ne l’a pas obtenu. Par contre, et c’est un fait notable, le Gouvernement nous a annoncé le dépôt d’un premier rectificatif au printemps prochain. C’est une excellente chose en soi mais, bien évidemment, tout dépendra de ce que l’Exécutif y mettra. Le Conseil national attend que ce nouveau document budgétaire réponde clairement aux problématiques largement exprimées par les élus lors de nos récents échanges : mobilité, Centre Commercial de Fontvieille, Centre de traitement et de valorisation des déchets, logement des monégasques, mise en conformité du Plan Triennal d’équipement, etc. (…) Après les intentions, il faut les actes ! Et en attendant ces actes au printemps prochain, je ne voterai donc pas ce Budget primitif. (…) Le vote du Conseil national est concerté et coordonné. Il traduira une espérance que vous ne pourrez décevoir. Mon vote négatif est donc à prendre comme un acte de vigilance non dénué d’espoir, après tout, c’est Noël. »
Attente aussi du côté de Corinne Bertani, Vice-Présidente pour le commerce et l’Attractivité : « en 2020, ce devait être un symbole de la relance économique, avec un démarrage des travaux prévus au niveau de l’optimisation des parkings, pour décembre 2021. Depuis, le programme a dérapé par accumulation de directives, changements de direction et reports dans les principaux arbitrages. Quelles que soient les responsabilités, et je ne vise personne, le résultat est là : rien n’a débuté, le projet a failli être remis intégralement en question au profit de l’hypothèse d’un coup de peinture. (…) J’ai appris en six ans qu’il valait mieux être comme saint Thomas dans cet hémicycle. Aussi, j’espère voter en faveur du premier Budget rectificatif du printemps prochain obtenu par notre Président de la Commission des Finances, car j’espère y trouver les inscriptions budgétaires correspondantes à un délai acceptable de rénovation de ce Centre commercial qui se meurt, nous le constatons tous les jours. Dans cette attente je voterai contre ce projet de loi de Budget, pour rester en cohérence avec cette ligne de défense d’un projet essentiel pour notre attractivité. »
« Un Etat Cahuzac »
Deux élus ont pour leur part fait le choix de l’abstention. Tout d’abord Fabrice Notari, Président de la Commission des Relations Extérieures, invoquant le contexte politique des discussions du Budget rectificatif 2023. « Voter « pour » serait donner un blanc-seing à ces promesses et les croire irrémédiablement réalisées pour le printemps, ce que je ne crois malheureusement pas possible pour plusieurs d’entre elles. Voter « contre » serait montrer aussi une défiance exagérée en la bonne volonté affichée par le Gouvernement durant nos dernières discussions. Je vais donc m’abstenir avec l’espoir que je pourrai enfin voter « pour », avec grand enthousiasme cette fois, ce premier Budget rectificatif 2024 du printemps », a-t-il déclaré.
Même son de cloche pour Jade Aureglia, Vice-Présidente pour l’urbanisme durable et les grands travaux, qui estime que jusqu’au printemps prochain, les engagement du Gouvernement resteront des promesses, et que « certains sujets, tels que la mobilité, le Centre Commercial de Fontvieille ou encore le triennal, reste en suspens ou à soutenir. »
Si les motivations de vote se sont déroulées dans un climat apaisé, la prise de parole de Christine Pasquier-Ciulla, Présidente de la Commission des Droits de la Famille et de l’Egalité, et qui a voté contre le texte, a suscité quelques réactions au sein du Gouvernement. « Nous devrions être tous responsables devant la Loi. Or la Loi, le Budget Primitif 2024 ne la respecte pas. Il ne la respecte pas car chaque opération du Programme Triennal d’Equipement Public n’est pas accompagnée d’un échéancier des travaux. Il ne la respecte pas, car les opérations dont les travaux n’ont pas été entrepris dans le délai d’un an à compter de la date prévue pour leur mise à exécution n’ont pas été supprimés. Or, en votant le Budget, nous adoptons le Programme Triennal d’Equipement Public, et ce programme valide des dépenses d’investissement colossales. (…) Nous exigeons pourtant bien des Monégasques et des résidents qu’ils les respectent, nos lois. Alors, à titre personnel je refuse de faire partie d’une sorte d’Etat « Cahuzac » qui imposerait le respect des lois aux autres sans les respecter lui-même ! »
« Etat « Cahuzac », ce n’est pas normal de dire ça ! », a aussitôt réagi – hors micro – le Ministre d’Etat. Pierre Dartout a par la suite pris la parole : « je prends acte, avec beaucoup d’esprit positif de ce que j’ai entendu. Des sources de satisfaction, mais aussi des critiques, et les deux sont nécessaires à un dialogue de qualité dans une institution comme la vôtre, qui est l’expression d’un système démocratique. (…) En revanche, ce que je ne peux pas accepter, ce sont les mots « Gouvernement Cahuzac. » Cette expression, qui est lourde d’insinuations, ne me paraît pas à la hauteur des débats que nous avons eus et ne correspond, en ce qui me concerne, ni à mes valeurs, ni à la déontologie que je me suis toujours efforcé de respecter. (…) Je vous exprime à la fois ma satisfaction par avance, mais aussi ma déception d’avoir entendu ces mots. »
De son côté, et juste avant cette intervention, la Présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès, a tenu à remercier le Gouvernement : « Enfin ! Le Gouvernement a entendu le Conseil national. Enfin ! Nous avons pu échanger de manière constructive, en confiance, dans le respect mutuel de nos prérogatives institutionnelles, pour que les sujets que nous avons évoqués à l’occasion de ces séances budgétaires puissent avancer dans le consensus entre le Gouvernement et le Conseil national. (…) En 2024, certains de mes collègues l’ont déjà dit, beaucoup d’échéances importantes se profilent. Il est donc indispensable que notre partenariat institutionnel change de dimension. Dès la prochaine session de printemps, il nous faudra travailler de manière transparente et efficace pour transformer l’essai de ce Budget primitif 2024. (…) Alors, Monsieur le Ministre, le Conseil national va voter en faveur de cette loi de Budget. Mais vous le constatez, notre vigilance et les attentes des élus sont fortes et légitimes. C’est pourquoi je vous demande solennellement, vous qui êtes un grand fan de rugby, de transformer l’essai lors du prochain Budget rectificatif, non pas pour corriger le tir, mais pour faire en sorte, ensemble, que grâce à nos deux Institutions, les grands gagnants de 2024 soient les Monégasques, les résidents et les salariés de la Principauté. »
Rendez-vous, donc, au printemps prochain.
Votes :
- Pour : Brigitte Boccone-Pagès, Franck Julien, Maryse Battaglia, Mathilde Le Clerc, Franck Lobono, Thomas Brezzo, Guillaume Rose, Nathalie Amoratti-Blanc, Karen Aliprendi, Nicolas Croesi, Régis Bergonzi, Philippe Brunner, Béatrice Fresko-Rolfo, Marie-Noëlle Gibelli, Mikaël Palmaro et Balthazar Seydoux
- Contre : Corinne Bertani, Christophe Brico, Jean-Louis Grinda, Roland Mouflard et Christine Pasquier-Ciulla
- Absentions : Jade Aureglia et Fabrice Notari
Marine Grisoul était absente lors de cette Séance publique.