Récit

Un homme devant la justice pour avoir agressé sexuellement une vendeuse à Monaco

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Les faits se sont déroulés en juillet dernier - © Paul Charoy / Monaco Tribune

La victime travaillait depuis trois jours seulement dans l’enseigne.

Le discernement de Monsieur était-il suffisamment altéré pour être pénalement relaxé ? Telle est la question qui était au cœur de l’audience de ce mardi 19 décembre au sein du Palais de Justice de Monaco.

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A la barre, se présente un homme de nationalité italienne, père d’une fille et sans emploi. Il comparaît pour avoir, le 5 juillet dernier, commis une agression sexuelle envers une vendeuse dans une enseigne monégasque de prêt-à-porter.

Venu ce jour-là afin d’acheter une robe pour sa compagne, le prévenu est accueilli par la victime, qui est seule dans le magasin, où elle ne travaille que depuis trois jours. Selon le dossier, l’homme demande à son interlocutrice s’il peut lui montrer quelques photos de sa compagne, afin qu’elle puisse le conseiller sur la taille de la robe.

La victime accepte, et c’est alors que le prévenu « se colle à elle pour lui montrer la photo. » Toujours selon le dossier, le prévenu demande ensuite s’il peut montrer un cliché sur lequel sa compagne serait moins habillée, afin d’apprécier davantage ses dimensions.

« Mais la photo représente une femme en string, accroupie, manifestement en train de pratiquer une fellation », détaille le Président. Le prévenu aurait alors imposé à la victime d’autres photos et vidéos, notamment de son sexe, tout en proférant des commentaires déplacés. Malgré les protestations de la vendeuse, l’homme aurait alors touché les fesses de la victime, puis aurait tenté de lui toucher le sexe.

« Elle vous repousse à plusieurs reprises et se dit terrorisée, poursuit le Président. Une collègue, qui n’était pas censée être là, est alors arrivée et Madame a pu lui faire signe. Toutes deux se sont rendues aux toilettes, et la collègue a pu prévenir le manager du magasin. Ce dernier a fait appeler Monsieur, pour lui demander de venir le voir immédiatement. »

Des troubles du comportement et une érotomanie

Mais la version du prévenu, elle, diffère totalement. « Vous avez indiqué dans votre récit que Madame vous aurait révélé qu’elle n’avait pas assez de relations sexuelles avec son mari et elle vous aurait demandé des conseils pour l’exciter. Elle vous aurait ensuite dit : « vous n’allez pas me laisser comme ça ? » »

Un résumé des faits que le prévenu confirme, dénonçant même un coup monté à son encontre, afin de lui soutirer de l’argent. « La garde à vue a été très troublante pour moi, je n’ai pas compris… Elle m’a dit que c’était bien de voir un homme se soucier de sa femme, puis elle m’a montré des vidéos sexy. Et malheureusement, je l’assume, j’ai cru à une complicité entre nous. J’ai caressé ses fesses comme on caresse un chat. Je n’ai pas ressenti de malaise de son côté. Si elle n’avait pas voulu, si elle avait dit « stop », j’aurais arrêté. Je n’ai ni la force physique, ni la force psychologique pour agresser quelqu’un ! »

« Vous pensez que ça arrive souvent qu’une vendeuse approche un client qu’elle ne connaît pas pour lui parler de sa vie sexuelle ? », interroge le Président. « Non, justement, ça m’a surpris. Ça a déclenché mon délire », répond le mis en cause.

L’homme évoque également sa « détresse » et « sa maladie. » Comme l’a expliqué son avocat, le prévenu présente en effet des troubles du comportement et une érotomanie. En cause : une dépression nerveuse majeure et deux ans d’internement psychiatrique accompagnés de traitements lourds. « On ne sort pas indemne d’un tel traitement, ça laisse de lourdes séquelles », appuie la Défense.

Les témoignages s’accordent d’ailleurs à dire qu’au moment des faits, le prévenu avait « de la bave au coin de la bouche » et agissait « comme un enfant pris en faute. » Un comportement qui, selon les experts qui l’ont examiné, atteste que son discernement était altéré, mais non aboli, et que le prévenu était donc responsable pénalement de ses actes.

De très lourdes conséquences pour la victime

« J’ai honte, avoue le prévenu. J’ai fait une bêtise à cause de mon état psychologique. » « Alors, ce n’est plus un complot pour vous soutirer de l’argent ? », questionne le Président. « Je n’ai pas compris pourquoi elle a dit ça. Il fallait qu’elle assume sa responsabilité. On était proches, on rigolait… Je ne lui aurais jamais fait de mal. »

« La victime a déclaré qu’elle était tétanisée et qu’elle ne savait pas comment réagir, indique le Président. C’était son troisième jour de travail, elle voulait rester professionnelle et ne pas perdre son emploi. D’après ses déclarations, elle a prétendu que des caméras étaient en train de filmer, puis elle est entrée dans votre jeu pour que vous la laissiez tranquille. »

« C’est hallucinant ! 90% de ce récit est une pure invention, réfute le prévenu. Je crois qu’elle a eu une vie difficile et qu’elle me fait payer ses précédents… Agresser quelqu’un sexuellement, c’est affreux, c’est contraire à ma nature. C’était juste une bêtise, une petite blague… »

Des termes qui font bondir la partie civile. « Ma cliente avait l’intention de venir à l’audience pour affronter son agresseur. Finalement, elle n’en a pas eu la force, et tant mieux ! Car qualifier une agression sexuelle de « petite blague » est insupportable ! Monsieur n’a aucun scrupule, il se place en victime et minimise les faits qui lui sont reprochés et qui ont été caractérisés. Depuis l’agression, ma cliente fait l’objet d’un suivi psychiatrique et est traitée par psychotropes. Elle est victime de troubles du sommeil, d’angoisses répétées. Elle ne sort plus, ne prend plus le train, ne supporte plus que son mari la voie nue… Elle n’a pas pu conserver son travail et a été obligée, à 50 ans, de se reconvertir complètement professionnellement. »

« Il y a deux réalités : la nôtre et la sienne »

« Il s’agit d’une agression sexuelle primaire, appuie le Procureur. Et il est indécent de parler de malentendu. Madame a pleuré deux fois en déposant plainte, un psychiatre a constaté son stress, son syndrome d’isolement, un risque de passage à l’acte… Et on a l’indécence de dire qu’elle accuse faussement Monsieur pour lui soutirer de l’argent ? Heureusement que la collègue de Madame est arrivée à l’issue de l’agression et a pu témoigner, notamment des mains de la victime qui tremblaient. Comment dire que c’est un complot ? »

Le Procureur va toutefois tenir compte de l’altération du discernement du prévenu pour ses réquisitions : 10 mois de prison avec sursis et deux ans d’obligation de soins.

La Défense, elle, plaide la relaxe pénale : « il y a deux réalités : la nôtre et la sienne. Ce n’est pas un manque de remords de sa part, c’est une pathologie ! Il est dans une réalité parallèle quand il se remémore les faits. Mon client était intimement persuadé qu’elle voulait qu’il se passe quelque chose. Et quand cette réalité empiète sur la nôtre, oui, ça fait des victimes… L’expert a demandé une obligation de soins, pas à cause d’une dangerosité pour les autres, mais d’une dangerosité pour lui-même. On ne peut pas condamner Monsieur, alors qu’il n’a pas compris ce qu’il était en train de faire. Tous les témoignages s’accordent à dire qu’il agissait comme un enfant. Je ne demande ni sursis, ni amende, mais une obligation de soins. »

Le tribunal a tout de même reconnu le prévenu coupable des faits reprochés. Sans accéder à la demande de la Défense, les juges se sont toutefois montrés plus cléments que le Procureur en condamnant l’accusé à sept mois de prison avec sursis et trois ans d’obligation de soins.