Récit

Dmitri Rybolovlev n’a pas remporté son procès contre la maison Sotheby’s

Sothebys NYC _ Wikipedia
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Mais cette procédure « a permis de mettre en lumière le manque de transparence qui entache le marché de l’art. »

Après près d’un mois de procès, le verdict est tombé. Le milliardaire russe et propriétaire de l’AS Monaco, Dmitri Rybolovlev, n’a pas obtenu gain de cause dans sa bataille juridique contre la maison de vente aux enchères Sotheby’s, qu’il accusait de complicité dans une affaire d’escroquerie.

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Pour rappel, Yves Bouvier, le marchand d’art suisse et ami de Dmitri Rybolovlev, lui avait servi d’intermédiaire lors de l’achat de tableaux de maîtres. Mais en 2015 le propriétaire de l’AS Monaco a accusé Yves Bouvier de l’avoir escroqué de près d’un milliard de francs suisses, après l’achat de 38 œuvres d’art. 12 d’entre elles auraient été acquises lors de ventes privées organisées par Sotheby’s, et quatre étaient au cœur du litige new-yorkais : un Magritte, un Klimt, un Modigliani et un Léonard de Vinci.

La maison Sotheby’s était ainsi accusée d’avoir aidé Yves Bouvier à surfacturer plusieurs œuvres d’art et d’avoir dissimulé des informations qui auraient permis à Dmitri Rybolovlev de savoir qu’Yves Bouvier était le véritable propriétaire des œuvres qu’il achetait.

Un nom a été particulièrement invoqué au cours de cette bataille juridique, comme le rapporte le New York Times : celui de Sam Valette, vice-président de Sotheby’s, chargé des ventes privées. C’est lui qui aurait, selon l’accusation, travaillé directement avec Yves Bouvier, dans le but d’escroquer Dmitri Rybolovlev.

« [Sotheby’s] est une entreprise qui a permis à un cupide manager subalterne de gravir les échelons sans jamais devoir rendre de comptesElle a choisi de vendre sa réputation, sa marque, la confiance que nous avons tous envers ce genre d’entreprises, pour faire du profit », aurait ainsi déclaré l’un des avocats du milliardaire, devant les dix membres du jury d’un tribunal fédéral new-yorkais.

Des accusations toujours réfutées par la maison de vente aux enchères. Sotheby’s a ainsi rétorqué, toujours selon le New York Times, que Sam Valette était un expert en art passionné, travailleur et honnête, souhaitant uniquement vendre les œuvres au meilleur prix à ses clients. Yves Bouvier n’aurait ainsi jamais bénéficié d’un quelconque traitement de faveur et aurait été traité comme n’importe quel autre client. « Au lieu de blâmer la maison de ventes, Rybolovlev ne peut s’en prendre qu’à lui-même », insistait la défense de Sotheby’s.

Lors du procès, les avocats de la maison de vente aux enchères et Sam Valette, qui a témoigné à New York, « ont dressé un tableau sombre des fraudes d’Yves Bouvier », comme l’a rapporté le magazine spécialisé Artnet. Mais les avocats de Sotheby’s ont toujours insisté sur le fait que la maison de vente aux enchères n’en portait nullement la responsabilité.

Et c’est justement sur ce point que le jury américain était tenu de se prononcer : Sam Valette était-il au courant de la démarche d’Yves Bouvier ? Et, surtout, l’a-t-il aidé en ce sens ? La question était complexe. Car le jury a pu constater, au cours de ce procès, la grande opacité du secteur.

Vers plus de transparence du marché de l’art ?

Après trois semaines d’audiences, pendant lesquelles les témoignages de professionnels de cette industrie se sont succédé, et cinq heures de délibérations, comme le rapporte The Wall Street Journal, le jury a estimé que les transactions effectuées par Sotheby’s ne pouvaient pas être considérées comme une fraude.

Une décision dont Sotheby’s n’a pu que se féliciter, soulignant « son respect des normes les plus élevées en matière d’intégrité, d’éthique et de professionnalisme dans tous les domaines du marché de l’art. »

« Ce fut une longue épreuve pour Sotheby’s, a ajouté l’avocat de la maison de ventes, selon The Wall Street JournalMais nous sommes soulagés d’avoir été innocentés. »

De son côté, l’un des avocats du milliardaire russe a déclaré : « Cette procédure a permis d’atteindre notre objectif, c’est-à-dire mettre en lumière le manque de transparence qui entache le marché de l’art. Cette opacité a rendu difficile l’établissement de la preuve dans un cas complexe de complicité de fraude. Le verdict ne fait que souligner la nécessité de mener des réformes en dehors des tribunaux. »

En effet, comme le précise Art News, malgré le verdict favorable pour Sotheby’s, plusieurs détails de son fonctionnement interne et de ses pratiques commerciales ont été mises à nu lors du procès, ce qui a offert un rare aperçu du monde secret des ventes privées des maisons de vente aux enchères qui, ces dernières années, représentent une grande partie des commissions de Sotheby’s et de leurs concurrents.