Travailleurs français à Monaco : quels impôts ?
Salariés ou indépendants, on fait le point.
Alors que les habitants des Alpes-Maritimes ont jusqu’au 21 mai (papier) et au 23 mai (en ligne sur impot.gouv.fr) prochains pour remplir et envoyer leur déclaration de revenus aux impôts, ces derniers sont de plus en plus nombreux, chaque année, à travailler et toucher un salaire à Monaco. En 2023, selon l’Observatoire de l’Emploi de l’IMSEE, ils étaient ainsi plus de 35 000 salariés dans le secteur privé.
Depuis la convention fiscale franco-monégasque établie en 1963, les contribuables français, qu’ils soient domiciliés dans l’Hexagone ou en Principauté, sont soumis aux règles françaises et ne peuvent donc pas bénéficier du régime fiscal privilégié d’exonération d’impôt sur le revenu, celui-ci n’étant applicable qu’aux résidents de nationalité monégasque ou étrangère (hors nationalité française).
C’est ce que nous confirme Me David Haikel, avocat basé à Nice et ancien inspecteur des impôts. « Pour les ressortissants français, seuls ceux pouvant justifier de cinq ans de résidence à Monaco au 31/10/1962 peuvent bénéficier du régime fiscal de faveur monégasque », rappelle-t-il.
Salariés français à Monaco : une subtilité à connaître
Alors, les salariés français à Monaco doivent-ils effectuer exactement les mêmes démarches que leurs homologues travaillant en France ? Pas tout à fait. Me Haikel précise qu’il existe quelques légères différences auxquelles les salariés de la Principauté doivent prêter attention.
« Les salariés français travaillant à Monaco qui sont domiciliés en France, et qui sont pris en charge par un régime de sécurité sociale en France, doivent s’acquitter des prélèvements sociaux (CSG-CRDS) au taux total de 9,7 % applicable sur 98,25 % de la rémunération brute perçue, si le montant ne dépasse pas 175 968 euros, ou 100 % au-delà. Le taux pour les pensions de retraites est de 10 % en raison de la CASA [contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ndlr] qu’il convient d’ajouter. A ce titre, il est important que ces salariés déclarent spontanément ces rémunérations aux cases appropriées des imprimés 2042 et 2047 et procèdent eux-mêmes aux versements des acomptes nécessaires. Toutefois, si ces salariés sont pris en charge uniquement par la sécurité sociale monégasque, ils ne sont pas soumis à ces prélèvements sociaux », explique-t-il.
Qu’en est-il des auto-entrepreneurs ?
Pour ce qui concerne les auto-entrepreneurs français, en règle générale, ces derniers sont également imposables à l’impôt sur le revenu en France, compte tenu du statut particulier de ce type d’entreprise qui n’existe pas à Monaco (sauf dans le cas où ils ne disposeraient que d’un unique établissement stable situé en Principauté.)
Ils sont donc, en principe, soumis aux règles de droit commun régissant l’auto-entreprise en France (régime micro fiscal, micro BIC ou micro BNC). « En revanche, pour les entreprises ou les sociétés ayant un réel établissement stable à Monaco (et non pas en France, comme c’est le cas par exemple des entreprises monégasques du bâtiment, dont la durée des chantiers en France dépasserait 12 mois et qui disposent par ailleurs de moyens humains et matériels en France), l’impôt sur les bénéfices monégasque (33 %) ne s’applique que si ces entreprises réalisent plus de 25 % de leur chiffre d’affaires en dehors de la Principauté, ou si l’activité à Monaco consiste à percevoir des revenus sur des brevets ou des droits de propriété littéraire ou artistique », précise Me Haikel.
Dans les deux cas – salarié ou auto-entrepreneur – les règles françaises en matière de réductions d’impôts (par exemple, en cas d’enfants rattachés au foyer fiscal) s’appliquent aussi à Monaco. De même, en cas d’impayé ou de fraude, là encore, la législation française entre en vigueur.
Pour rappel, la fraude fiscale est passible de 500 000 euros d’amende et de cinq d’emprisonnement. Les retards de paiement, quant à eux, vous exposent à une pénalité de 10% de l’impôt dû.
Je possède un bien immobilier à Monaco, que dois-je déclarer ?
Dernier volet à connaître : s’il n’existe pas d’impôts locaux ou sur la fortune immobilière (IFI) à Monaco, les Français domiciliés fiscalement à Monaco sont redevables de l’IFI dans les mêmes conditions que les personnes domiciliées en France, à savoir sur l’ensemble de leur patrimoine immobilier, que celui-ci soit situé en France et/ou à Monaco.
A noter que les Français domiciliés à Monaco devront s’acquitter de la taxe d’habitation sur leur résidence secondaire située en France et sont tenus à compter de la déclaration 2024, au même titre que tout résident fiscal français, de déposer une déclaration d’occupation et de loyer de leurs biens détenus en France.
Succession, donation : quelles sont les règles ?
En ce qui concerne les droits de succession, la convention de 1950 répartit le droit d’imposer les successions entre Monaco et la France en se référant principalement à la situation géographique des biens transmis, sans tenir compte du domicile fiscal du donataire ou de l’héritier (sauf pour les actions, parts sociales, obligations et créances qui sont imposables dans l’État où le défunt avait son domicile à la date de son décès, quel que soit le lieu du domicile de ses héritiers.)
Pour les donations, et en l’absence de convention fiscale conclue avec Monaco, c’est le Code Général des Impôts qui fixe les critères permettant de déterminer si un don est imposable en France.
Si le donateur est domicilié en France, tous les biens transmis, possédés directement ou indirectement, situés en France et à Monaco, sont imposables en France. En revanche, si le donateur est domicilié à Monaco, le régime des droits de mutation à titre gratuit dépend du domicile fiscal du bénéficiaire de la transmission :
– si le bénéficiaire n’a pas son domicile fiscal en France au jour de la mutation ou ne l’a pas eu pendant au moins six ans au cours des dix années précédant celle-ci, les droits de mutation à titre gratuits ne sont dus qu’à raison des biens situés en France
– si le bénéficiaire a son domicile fiscal en France au jour de la mutation, sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit les biens situés en France et à Monaco. Cette dernière disposition ne s’applique cependant que si le bénéficiaire a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six ans au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.
« Le taux d’imposition dépend du degré de parenté entre le défunt (ou le donateur) et son héritier (ou le bénéficiaire de la donation). Lorsqu’il y a filiation directe (entre les parents et les enfants ou entre époux), il n’y a pas d’imposition. Entre frères et sœurs, le taux d’imposition s’élève à 8%, puis 10% entre oncles/tantes et neveux/nièces, et enfin 13% entres autres collatéraux. Le taux s’appliquant entre personnes non parentes est de 16% », détaille Me Haikel.
Bien entendu, toutes les règles évoquées sont générales et ne prennent pas en compte les cas particuliers. Mais en cas de doute, le mieux reste encore, selon Me Haikel, de consulter un avocat fiscaliste : « par exemple, il existe des dérogations pour les ressortissants de nationalité française mariés avec une personne de nationalité monégasque ou étrangère. En effet, dans ce cas de figure, seuls sont concernés par une imposition en France les revenus du conjoint de nationalité française. Une déclaration concernant ces seuls revenus devra donc être déposée par le foyer au service des résidents de Monaco du centre des finances publiques de Menton. »
Par Camille Esteve, l’article paru initialement en mai 2023