Récit

Blanchiment d’argent : trois jeunes de Paris et Marseille condamnés à de lourdes peines à Monaco

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La prison de Monaco, où séjourneront les trois condamnés, se trouvent à l'extrémité du Rocher près du Musée Océanographique © Monaco Tribune

Un jugement qui rappelle la volonté de la Principauté à sortir de la liste grise. 

Ce mardi 9 juillet, ce sont deux jeunes hommes qui ont comparu devant la barre au lieu de trois comme prévu. Le dernier étant en fuite de sa prison de Villefranche sur Saône. Il a tout de même tenu à se faire représenter par son avocat. Il craignait de se faire arrêter s’il se présentait à l’audience à Monaco.

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Le 20 janvier 2023, Jules*, Hugo* et Ryan*, trois amis, débarquent à Monaco. Leur objectif, faire une virée en Principauté, déposer de l’argent en banque voire s’offrir une montre Rolex. Mais voilà, les jeunes hommes ne se doutaient pas qu’ils allaient rapidement se retrouver dans le viseur des autorités monégasques.

Pendant qu’ils étaient à Monaco, ils ont l’idée d’aller chez Rolex pour s’acheter une montre. Jules pensait qu’à Monaco il n’y avait pas de liste d’attente contrairement à Paris. Il aurait pris contact par mail il y a deux ans et quelques mois avec la boutique monégasque ce qu’elle réfute. Et pourtant les mails apportés par le prévenu l’attestent bel et bien. « A Paris c’est sur liste, à Monaco ce n’est pas sur liste », explique à la barre Jules. 

Pour le procureur, c’est clair : « ça fait deux ans qu’il veut s’acheter une Rolex, ça fait deux ans qu’il a beaucoup d’argent dont il veut se débarrasser »

C’est le plus naturellement possible et sans rien avoir à se reprocher que les trois amis demandent à des policiers monégasques où se trouve la Société Générale pour y déposer de l’argent. De là, les policiers décident de contrôler leur identité puis de les interpeller après avoir découvert qu’ils ont sur eux 23 445€ en liquide, répartis entre eux pour ne pas dépasser le plafond autorisé de 10 000€ par personne en vigueur en Principauté. Le procureur dira qu’ils ont du flair. L’avocate de deux des prévenus sous-entendra un contrôle au faciès.

Une provenance de l’argent inconnue

Face aux juges, les justifications des prévenus peinent à convaincre sur la provenance de leur argent. Jules explique avoir économisé l’argent toute sa vie, tandis que Hugo évoque des gains au casino et Ryan se présente comme intermédiaire dans la vente de voitures en Algérie.

Habitué des casinos, Hugo explique à la barre avoir gagné à Paris et avoir l’habitude d’y jouer. Cependant, il est dans l’impossibilité d’apporter une attestation de gain allant dans son sens. Selon lui, le casino n’apporte pas de telles attestations, ce que conforte son avocate en ajoutant que c’est bien normal qu’il ne soit pas en capacité de fournir des attestations plusieurs mois après les gains. Auquel cas, cela « aiderait au blanchiment d’argent. »

Pour Jules, qui détient de loin la plus grosse somme, il explique l’avoir économisé tout au long de sa vie professionnelle : « je travaille depuis 17 ans, j’ai 32 ans. » Pourtant, son restaurant, avant de faire faillite, a presque tout du long été déficitaire. Il se versait cependant 1200€ par mois de salaire. Le juge lui fait alors remarquer le décalage entre sa rémunération et la volonté d’acheter une Rolex. Le prévenu soutient que ce sont les économies de son travail.

Des échanges de message suspicieux

Tout l’enjeu du procès réside dans le fait de savoir d’où vient l’argent. Pour en savoir plus, les téléphones des trois prévenus ont été expertisés. Les messages les plus intéressants proviennent du téléphone de Jules, l’ancien gestionnaire de restaurant. Celui-ci après cette virée à Monaco a échangé de nombreux messages avec son associé et comptable qui s’est inquiété : « Tu as fait de la merde. On est baisé » écrivait-il. Dans un autre message, il indiquait qu’ils n’avaient « pas de thunes, on est à découvert » et craignait « de se retrouver avec des contrôles dans tous les sens. »

Jules aurait également envoyé d’autres messages qui font clairement penser qu’il vendait de la drogue. « Je lui ai fait passer un échantillon. » a-t-il écrit. A la barre, Jules se justifie en disant : « c’est du baratin, je suis fasciné par ça. J’aime bien mais je ne le pratique pas. Je ne touche pas à ça ! C’est pour l’image. »

Lors de sa réquisition le procureur explique que « beaucoup de choses démontrent qu’il y a eu un trafic de stupéfiants à travers les messages ». D’ailleurs, « à l’heure où la Principauté essaye de se laver de l’image d’endroit où l’on blanchit de l’argent sale », il requiert une peine sévère à leur encontre

Des casiers judiciaires qui les trahissent

Jules explique ensuite n’avoir jamais fait de garde à vue récemment. Il rappelle seulement un vol survenu il y a plus de 17 ans. Malheureusement, le juge lui rappelle qu’il a déjà été interpellé en 2017 pour consommation de drogue en France, ce qui met à mal toute sa défense.

Hugo, lui, a été condamné pour trafic de stupéfiants en 2018 et à deux ans de prison pour un go fast effectué en novembre 2023 entre Marseille et Paris avec à bord 4 kg de cocaïne. Il est aujourd’hui en liberté conditionnelle pour effectuer une formation de conducteur de trains industriels. 

Avec neuf mentions à son casier judiciaire entre vol et conduite sans permis, Ryan est de loin celui qui a le plus d’ennuis avec la justice. Il était associé à Hugo lors du go fast mais Ryan purge toujours sa peine de prison à Villefranche d’où il s’est échappé.

Finalement, les trois jeunes hommes ont été jugés coupables. Hugo a été condamné à six mois de prison ferme, Jules à quatre mois, et Ryan à huit mois. Leurs téléphones et les 23 445 € ont été confisqués.

*Les prénoms ont été modifiés