Portrait

Jean-Paul Commin : l’homme aux milles vies, artisan discret du rayonnement culturel européen

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© Monaco Tribune / Théo Briand

De journaliste à directeur d’Universal Music et directeur général adjoint de France Télévisions Distribution, Jean-Paul Commin est un travailleur de l’ombre et pourtant véritable star dans son milieu.

Rares sont ceux à pouvoir se targuer d’avoir rencontré et travaillé avec Madonna, Serge Gainsbourg, Prince, Elton John, Bob Marley, Yves Montand, Johnny Hallyday, Gérard Depardieu et bien d’autres. Jean-Paul Commin est assurément l’une de ces personnes et la Principauté a la chance de le compter comme l’un de ses résidents.

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Mais comment en arrive-t-on à croiser tout ce beau monde ? A force de travail diront certains, Jean-Paul Commin, lui, est plus modeste. Même s’il reconnaît s’être donné les moyens, il estime avoir eu de la chance. « C’est un privilège que j’ai eu », explique-t-il, « certes je l’ai un peu forcé en devenant journaliste mais il le fallait pour pouvoir pousser les portes des maisons de disques. » Parce que oui, avant d’être directeur général d’une maison de disques et producteur de cinéma, Jean-Paul était avant tout journaliste spécialisé dans la musique et plus particulièrement dans le rock, un genre en plein essor à ses débuts en 1971.

« Je suis assez admiratif de tous ceux qui réussissent aujourd’hui parce qu’ils ont le mérite de devoir faire avec un contexte, ne serait-ce qu’économique, qui est quand même moins favorable que le nôtre. Les choses étaient plus faciles. Je pense qu’en ces années-là, rien n’était impossible. Il y avait une euphorie sur le marché du travail, j’avais l’impression de pouvoir pousser les murs. Aujourd’hui, je suis plus lucide, c’est un peu triste mais je trouve que les difficultés sont beaucoup plus complexes. »

Une industrie musicale très liée à la Côte d’Azur

Lorsque la plus grosse maison de disques, Phonogram/Polygram, aujourd’hui connue comme Universal Music, approche Jean-Paul Commin pour travailler avec eux, le jeune homme se dit « pourquoi pas ! » et se lance alors dans une aventure qui va le mener au sommet. Pendant 10 ans, il gravit les échelons jusqu’à devenir directeur général de la société. En 1987, il rejoint WEA Music, faisant partie de la grande famille Warner, à la tête de la direction international et marketing.

Pendant toutes ses années, Jean-Paul Commin est très souvent amené à côtoyer la Côte d’Azur et Monaco. A l’époque, la French Riviera est en pleine effervescence et est le lieu de rencontre de toutes les stars, les évènements et les concerts s’enchaînent. RMC joue un rôle prépondérant dans le paysage musical français à l’heure où le paysage radiophonique n’était pas aussi divers qu’aujourd’hui. Le Nice Jazz Festival et le MIDEM participent également à la renommée de la Côte d’Azur en matière de musique et Jean-Paul Commin se lie petit à petit avec la Principauté jusqu’à y rencontrer son épouse. « Ces années musique m’ont amené à être souvent ici et à apprécier la qualité de la vie à Monaco mais aussi à Nice et à Cannes. »

Jean-Paul Commin ne manque pas d’anecdotes survenues tout au long de sa carrière. Pendant notre interview, il nous raconte encore avec plaisir la fois où Madonna a rencontré dans les loges Yves Montand, l’amant de son idole Marilyn Monroe, après un concert au stade Charles-Ehrmann auquel avait d’ailleurs assisté le Prince Albert II. Une rencontre empreinte de fascination et de gêne. « Le dialogue était relativement limité. Elle devait se dire « il a vraiment connu mon idole » et lui devait se dire « comme elle ressemble à celle que j’ai connu ». » 

Après la musique, le cinéma

En 1990, un an après l’obtention de son statut de résident Monégasque, Jean-Paul Commin commence une nouvelle aventure et contribue à participer au succès des cassettes VHS. « Le marché de la vidéo était en train d’exploser. Les vidéos cassettes devenaient un véritable phénomène. Ça me rappelait beaucoup ce que j’avais connu avec les années disques. »Un temps que les moins de 30 ans ne peuvent hélas pas connaître.

Lancer une nouvelle société d’édition et de distribution vidéo ? Aucune crainte pour Jean-Paul Commin. Il faut dire que la proposition venait de deux pontes de l’industrie du cinéma : Claude Berri, réalisateur et dirigeant de Pathé et Pierre Lescure, fondateur de Canal +.

« Vendre du disque, vendre de la vidéo, c’est vendre du bien culturel. C’est un peu la même logique et je trouvais intéressant de voir ce que l’on pouvait faire. » Avec l’ambition de pouvoir répondre aux grandes sociétés de distribution américaine, le directeur général de la nouvelle société N.M.V signe la distribution d’un premier film et pas des moindres : Cyrano de Bergerac avec en rôle-titre Gérard Depardieu. La stratégie n’était pas seulement de sortir les blockbusters mais également d’avoir un répertoire large et « d’ouvrir vers un genre qu’on devinait important qui était l’audiovisuel, avec par exemple, la captation de spectacles, de coupes d’Europe de football et de Tour de France. »

L’arrivée chez France Télévisions et la passion pour l’animation

Avec sa stratégie gagnante, Jean-Paul Commin franchit une nouvelle étape dans sa carrière et rejoint France Télévisions en 1999 et devient directeur général adjoint de France Télévisions Distribution deux ans plus tard. L’occasion de concilier ses deux passions : la musique et le cinéma en diffusant les programmes qu’il souhaite tout en explorant un nouveau domaine : l’animation. Le premier long-métrage d’animation qu’il produit n’est nul autre que Kirikou de Michel Ocelot, un pari audacieux et gagnant, tant le film a connu un succès éclatant.

L’animation, pour Jean-Paul Commin, n’est pas qu’un simple divertissement destiné aux enfants. C’est aussi et surtout le moyen de refléter la diversité culturelle européenne.

Un passeur et défenseur engagé du cinéma d’animation

Conscient des défis que représente la production de films d’animation, coûts élevés et temps de production longs, il s’engage activement pour soutenir ce genre. Il nous confie d’ailleurs être particulièrement fier « d’avoir consacré ces dernières années à l’essor, à l’organisation et au développement du cinéma d’animation européen. »

Lors de notre interview, Jean-Paul Commin nous a avoué avoir toujours « été intéressé par ce côté passeur. » Tout au long de sa carrière, il a eu à cœur de proposer une musique et du contenu audiovisuel éclectique. Jusqu’à il y a peu, il donnait volontiers des cours dans des écoles spécialisées dans l’animation comme à l’Université de Montpellier. « Ce n’est pas un devoir mais pas loin. »

La liste de ses engagements est longue. Jean-Paul Commin est membre du Bureau de l’Association des Exportateurs de Films, trésorier et membre fondateur de Europa International, membre de la Commission Cinéma du Syndicat des Producteurs de Films Animation et il a été conseiller et chargé de mission pour les Armateurs qui ont donné vie à Kirikou, Les Triplettes de Belleville, et Ernest et Célestine.

En parallèle, il s’implique activement en tant que sélectionneur, conseiller, et membre de jurys dans divers festivals d’animation à travers le monde. Il continue aujourd’hui à soutenir des projets cinématographiques, comme Josep en 2020 et They Shot the Piano Player en 2023 et d’autres à venir dans les prochaines années. En reconnaissance de sa contribution à la culture, Jean-Paul Commin a été fait Chevalier dans l’Ordre National du Mérite en 2008.

Évidemment, il est également très impliqué à Monaco, où il présente deux fois par an des films avec leurs réalisateurs à la Médiathèque de Monaco depuis presque une dizaine d’années. Il regrette toutefois le peu de place qui est laissée au cinéma d’auteur dans les programmations des cinémas de la Côte d’Azur. Mais l’ancien producteur travaille à installer une diversité notamment en collaborant avec l’Institut Audiovisuel pour insérer dans le programme « Tout l’art du cinéma » des films d’animation en faisant venir leur réalisateur. Le programme 2025 devrait être annoncé d’ici peu mais on sait d’ores et déjà qu’un réalisateur « s’étant particulièrement distingué dans la pratique de cet art » sera présent.

« J’ai beaucoup profité de toutes les rencontres que j’ai faites. J’en ai eu beaucoup dans mes vies professionnelles. »

Finalement, si l’animation française connaît un tel succès et un tel rayonnement dans le monde entier, Jean-Paul Commin n’y est peut-être pas pour rien.