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Portrait

Novak Djokovic : l’or et la manière

Novak Djokovic Olympics Gold Medal
Novak Djokovic © Capture d'écran Olympics

En décrochant la première place aux Jeux olympiques de Paris, le tennisman serbe s’arroge le seul titre qui lui manquait encore. Retour sur la carrière hors-norme d’un résident monégasque dont les opinions font autant parler que les exploits sportifs.

Un match pour l’Histoire. Dimanche 4 août, au terme de deux sets plus serrés que jamais (7-6, 7-6) et face à un Carlos Alcaraz à son meilleur, Novak Djokovic a décroché la médaille d’or olympique. Le seul, l’unique trophée qui manquait encore au palmarès du tennisman serbe qui, à 37 ans, était le plus vieux joueur à atteindre une finale olympique.

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En montant sur la plus haute marche du podium des Jeux olympiques de Paris 2024, Novak Djokovic a réussi l’impossible, devenant probablement le plus grand joueur de tennis de tous les temps. Une légende. Un monument. La conclusion, en or, d’une carrière hors-norme, patiemment bâtie depuis son enfance en ex-Yougoslavie.

Dominer le tennis mondial : un rêve d’enfant devenu réalité

S’imposer comme le meilleur joueur de tennis au monde : pour le petit Novak, alors âgé de 7 ans seulement et déjà interviewé par la télévision serbe, l’objectif est clair. Limpide même. Tout juste le gamin concède-t-il, au cours de la même émission, demeurer fair play et mettre un point d’honneur à ne jamais, l’assure-t-il, s’emporter contre un adversaire qui s’avèrerait supérieur à lui. Avant de repartir à la charge : le tennis, pour l’enfant de Belgrade, est un devoir avant d’être un jeu. Il se hissera au sommet de la discipline. Rien, ni personne, ne se mettra en travers de son chemin vers les sommets du tennis mondial.

C’est que le tout jeune Novak a une raquette dans les mains depuis ses 4 ans. Né le 22 mai 1987 à Belgrade, il est le premier fils du couple de skieurs serbes Srđan et Dijana Djokovic, qui se reconvertissent plus tard dans la restauration. Issu d’un milieu plutôt modeste, Novak fait ses premiers pas sur les cours en compagnie de ses deux jeunes frères, Marko et Đorđe. En 2003, le jeune prodige intègre, à 16 ans, le circuit professionnel. Et, dès l’année suivante, il parvient à se hisser en demi-finales junior (simple et double) de l’Open d’Australie. La fusée Djokovic est lancée. Pour ne plus s’arrêter.

A partir du début des années 2010, les victoires s’enchaînent, les records tombent, et les qualificatifs commencent à manquer. Première place mondiale au classement ATP en 2011. Première place encore en 2012, année au terme de laquelle Djokovic est sacré meilleur sportif de l’année par plusieurs organismes. En 2013, Djoko remporte son troisième Open d’Australie consécutif, ainsi que son troisième Masters.

Trois ans plus tard, à Paris, le tennisman s’impose pour la première fois sur la terre battue de Roland-Garros. En 2024, Novak Djokovic compte à son palmarès pas moins de 24 titres de Grand Chelem, tout en détenant le record mondial de titres au Masters.

Possédant l’un des palmarès les plus complets de l’ère Open, le Serbe est légitimement considéré, aux côtés de Roger Federer et de Rafael Nadal, comme l’un des meilleurs joueurs de tennis de tous les temps. Une légende vivante de la balle jaune.

Une légende qui doit, comme celle de beaucoup de sportifs d’exception, tant à la persévérance du sportif qu’au soutien, indéfectible, de son entourage. A commencer par celui de l’épouse de Novak Djokovic, Jelena. Rencontrée sur les bancs d’un lycée de Belgrade en 2003, Jelena accompagne désormais son champion de mari dans tous ses déplacements. C’est donc logiquement qu’en 2014 celui-ci a épousé sa première supportrice, au Monténégro.

La famille au premier rang

« Quand je l’ai vue pour la première fois marcher vers moi (…) dans sa robe de mariée, j’ai pensé qu’elle ressemblait à un ange », se souviendra le tennisman, non sans reconnaître les difficultés posées à son couple par son statut de superstar du tennis.

Alors que la relation entre Novak et Jelena pâtissait de la distance entre les époux, le joueur a fini par admettre qu’il était « inévitable que nous devions partager ce voyage ensemble, que Jelena devait endurer cette vie, sinon nous ne pouvions pas rester ensemble ». Celle qui est directrice, depuis 2007, de la Fondation Novak Djokovic forme donc avec son mari un couple solide, qui résiste aux années comme à la pression sportive et médiatique.

Novak et Jelena ont ainsi donné naissance à deux enfants : Stefan, né en 2014, et Tara, qui a vu le jour en 2017. Si la seconde est encore un peu jeune pour prendre conscience de la popularité de son père, Stefan le suit et l’encourage désormais dans la plupart de ses matchs – un soutien sur lequel dit beaucoup compter le premier intéressé, qui a confié être particulièrement heureux de pouvoir jouer et gagner devant ses enfants. Un papa star qui n’est pas tous les jours facile à suivre.

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Connu pour ses accès d’humeur, Novak peut, de son propre aveu, déployer une « énergie dynamique qui se transforme parfois en un rugissement ou une explosion ». Un caractère bien – trop ? – trempé, qui fait parfois plus parler de Djokovic que ses performances sportives elles-mêmes.

Des convictions chevillées au corps…

Car, quand Djoko fait la Une, ce n’est pas toujours pour de « bonnes » raisons. Armé de convictions aussi fortes que ses coups droits, le joueur n’hésite pas à partager son opinion. Et qu’à cela ne tienne si celle-ci heurte la pensée dominante.

Novak en a fait les frais pendant la crise sanitaire, lui qui s’est résolument opposé à la vaccination contre la Covid-19 – ou plus exactement à l’obligation vaccinale – et n’a pas hésité à le faire savoir. Au point de provoquer une mini-crise diplomatique internationale et un tollé mondial, à la hauteur du personnage.

En janvier 2022, Djokovic débarque en effet à l’aéroport de Melbourne, où il doit participer à l’Open d’Australie. Problème : le joueur refuse de révéler son statut vaccinal, une information pourtant obligatoire pour espérer participer au tournoi. Appréhendé par les autorités à sa descente d’avion, le numéro 1 mondial de tennis est placé à l’isolement, son visa annulé avant que la justice australienne ne décide, sous la pression de citoyens excédés par ce deux poids, deux mesures, d’expulser Novak Djokovic du territoire.

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Privé de compétition pour des raisons « politiques », le tennisman est alors érigé en héraut des antivax du monde entier. « Novak est devenu le symbole et le leader du monde libre », osera déclarer son père, Srdjan Djokovic, qui comparera même les mésaventures de son fils à la crucifixion de Jésus-Christ. Endossant la cause de la lutte contre « Big Pharma », Novak est célébré comme un héro par les uns, et conspué par les autres.

Abondamment relayée et commentée par les médias du monde entier, la tragicomédie australienne de Djokovic laissera des cicatrices. Près de deux ans plus tard, l’épisode semblait toujours douloureux pour le joueur : « le monde entier était contre moi », a déploré Novak dans un entretien accordé en décembre dernier, regrettant d’avoir été désigné « comme un super-méchant mondial ».

Un statut qui ne l’empêchera pas de signer, l’année suivante, son grand retour à l’Open d’Australie, qu’il remporte le 23 janvier. Ni de s’imposer, quelques semaines plus tard, au terme du tournoi de Roland-Garros, ravissant à nouveau le titre de numéro 1 mondial à Rafael Nadal.

Toujours fidèle à lui-même

Djokovic et son épouse investissent, à la même époque, dans une entreprise danoise spécialisée dans les biotechnologies, dans l’espoir de trouver un traitement alternatif contre la Covid-19. Toujours en 2020, le joueur fait un don d’un million d’euros à la Serbie, afin de fournir des équipements médicaux à des hôpitaux et d’aider son pays natal à surmonter la pandémie de Covid-19.

Comme une manière de dire, au monde entier, que sur les cours comme en coulisses, Djoko trace son chemin, celui qu’il estime être le bon, que cela plaise ou non. Se moquer du qu’en-dira-t-on : une philosophie que la star décline dans bien d’autres domaines. Alimentation, argent, religion, et même diplomatie, Djoko a un avis tranché sur tout, ou presque.

Reconnu comme un ambassadeur du sans-gluten, Novak Djokovic surprend ainsi ses fans en annonçant, en 2016, qu’il est devenu végétarien. Et même végan – à l’exception, tout de même, du poisson ; un régime peu habituel pour un sportif de son niveau.

En 2018 cette fois, le multimillionnaire plaide publiquement en faveur d’une augmentation des rétributions des joueurs de tennis, pas suffisamment élevées selon lui.

Au même moment, Djokovic annonce son intention de créer, en rupture avec le système ATP, « son » syndicat de joueurs professionnels ; chose faite en 2020, avec le lancement de la Professional Tennis Players Association (PTPA), qui fédère lors de sa création une soixantaine de joueurs.

Monaco, là où Djoko se sent « comme à la maison »

Résident monégasque depuis 2007, Novak Djokovic n’est d’ailleurs pas le seul tennisman à avoir élu domicile en Principauté, imité en cela par les pointures des cours que sont Daniil Medvedev, Holger Rune ou encore Stefanos Tsitsipas.

La love story entre le joueur serbe et le Rocher ne date pas d’hier. Alors qu’il n’était âgé que d’à peine 17 ans, le jeune Novak passait déjà le plus clair de son temps en Principauté, où résidait son entraîneur et où se déroulent plusieurs tournois d’importance.

C’est donc tout naturellement que Djokovic décide, au début des années 2000, d’acquérir une résidence à Monte-Carlo. Et pas n’importe où : sur l’avenue Princesse Grace, l’une des rues les plus chères et huppées au monde.

Bien qu’il ait déménagé en Espagne en 2020, Djoko ne cache pas qu’il a fait de Monaco sa résidence de coeur : « mes enfants sont nés ici », rappelait-il récemment, « le Monte-Carlo Country Club est l’endroit où je passe le plus de temps à m’entraîner tout au long de l’année. Je me sens ici comme à la maison ».

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Aimer vivre à Monaco est une chose. Gagner à Monaco en est une autre. Contre toute attente, le Serbe n’a plus remporté le Rolex Monte-Carlo Masters depuis 2015, buttant, au mieux, sur plus fort que lui en quart de finale – et faisant même volontairement l’impasse sur le tournoi en avril dernier. « Monte-Carlo ne m’a pas beaucoup réussi ces dernières années », concède l’intéressé, qui avance comme explication « la pression supplémentaire liée au fait de jouer ‘’à la maison’’ devant (sa) famille et (ses) amis ».

A moins qu’il ne faille chercher du côté du rythme, éreintant, auquel s’astreint le champion, qui doit chaque année gérer la transition entre la saison se déroulant sur sol dur et celle sur terre battue, cette dernière surface imposant une plus longue et exigeante période d’adaptation.

En tout état de cause, c’est bien à Monaco que Novak Djokovic peaufine son tennis. Et à Monaco que s’échafaudent ses futures victoires ; plus précisément au Monte-Carlo Country Club. « C’est un club que je connais très bien », déclarait-il en 2023 : « de nombreux joueurs de haut niveau résident à Monaco et utilisent ce club comme base d’entraînement. Le club se transforme du tout au tout pendant les semaines du tournoi, mais c’est une sensation formidable de pouvoir dormir dans son propre lit après un match ».

Salle de musculation du Country Club, Thermes marins de Monte-Carlo… : en somme, « vous avez ce que vous voulez à Monaco, tout pour être relâché (…), tout ce qu’il faut pour être tranquille », reconnaissait le joueur dans une interview accordée au début des années 2010.

Un joueur engagé

Djoko aime Monaco, et Monaco le lui rend bien. A tel point qu’en 2012 le Prince Albert II lui a remis, en personne, la célèbre médaille en vermeil pour l’Education physique et les sports. Une distinction récompensant celles et ceux qui, par des performances remarquables, par une pratique continue et exemplaire ou par leur enseignement, contribuent au développement de l’éducation physique et des sports en Principauté.

Car Novak Djokovic n’a pas attendu d’être au firmament du tennis mondial pour témoigner de son engagement. Membre du club des « Champions de la paix », un collectif d’athlètes de haut niveau créé par l’organisation Peace and Sport – basée à Monaco –, le joueur met régulièrement sa célébrité au service des causes qui lui tiennent à coeur.

© Peace and Sport

Ainsi, en 2012, quand il assiste au siège des Nations unies à l’instauration de la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix. Ou, en 2015, quand il participe à une marche organisée à Monaco pour célébrer le 25e anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Ou encore quand il offre ses raquettes pour récolter des fonds, comme le 24 juin dernier à l’occasion de l’évènement « Cœur central » au Monte-Carlo Country Club, ou en 2021 en faveur de l’association de défense des océans « Ensemble pour Thalas ».

Ambassadeur de la Fondation Princesse Charlène, le tennisman dit aussi sa conviction selon laquelle « accompagner les enfants défavorisés grâce à une bonne éducation et au sport peut les aider à devenir des adultes responsables ».

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Aux JO de Paris, la plus belle des victoires

« Les enfants », poursuit Djoko, « peuvent réaliser leurs rêves en apprenant, en leur enseignant le travail acharné et les bonnes valeurs ». En revenir aux rêves d’enfant, toujours – jusqu’au bout : c’est dans les bras des siens, Stefan et Tara, que Djoko a laissé, dimanche 4 août, son émotion le déborder.

« Je ne pourrais pas être plus heureux, le sentiment que j’ai ressenti en remportant le match ne ressemble à aucun autre que j’ai connu dans ma carrière », a déclaré, ému aux larmes, le nouveau champion olympique : « il y a toujours des doutes, mais la foi et la conviction que je peux atteindre mes objectifs sont toujours plus fortes. J’étais clair sur le fait que c’était ma dernière chance de remporter une médaille d’or olympique et j’ai donc dû me concentrer autant que possible sur mon objectif. Rien ne pourra surpasser cette victoire ».