L’Association Antoine Alléno et la Ville de Nice unissent leurs forces et signent un partenariat pour lutter contre les homicides routiers
Face à l’augmentation dramatique des homicides routiers, le maire de Nice M. Christian Estrosi a pris des mesures décisives pour enrayer le fléau. Une convention de partenariat avec l’Association Antoine Alléno, fondée par le chef Yannick Alléno après la mort de son fils Antoine, vient d’être signée ce vendredi 13 septembre. Elle vise à promouvoir la sécurité routière, soutenir les victimes et mettre en place des solutions concrètes sur le territoire.
Antoine Alléno, Jérémie Boulon, Éric Comyn, Rachid Djeloul… Tous ces noms racontent des histoires tragiques, des vies ôtées par des conducteurs irresponsables, transformant la route en scène de violence et de crimes. Ces drames laissent des familles anéanties, à l’image du témoignage poignant de Nicolas, frère de Jérémie Boulon, sapeur-pompier de Nice mortellement fauché en scooter par une voiture qui avait brûlé un feu rouge en juin dernier :
« Mon frère a été fracassé par une voiture sur la Promenade des Anglais. Le corps a fini 60 mètres plus loin, le scooter à 80. Deux mois et demi après sa mort, personne de la justice ne nous a parlé. Nous sommes seuls face à la douleur et l’injustice.
Le traitement de ces affaires, d’un point de vue judiciaire et prise en compte des familles, est pire que catastrophique. Dans le cas de mon frère, ce sont des circonstances aggravantes multipliées, malgré cela le coupable est remis en liberté avec des conditions associées, qui sont dérisoires. Quand on doit compter 15 jours et qu’on peut partir en vacances, il n’y a aucune contrainte.
Le Parquet n’a même pas fait appel, alors qu’il est censé nous représenter. À la douleur de la perte, du manque, s’ajoute un sentiment de mépris vis à vis de nous. Nous avons l’impression que nos victimes sont traités comme de vulgaires chiens écrasés, alors qu’il y a des être-humains derrière.
Nous soutenons donc deux combats, celui de la prise en compte des familles dans ce processus du traitement de ces homicides, puis ce sentiment d’injustice. Il y a l’accident involontaire qui malheureusement peut arriver, mais avec autant de fautes : griller des feux rouges, vitesse à plus de 120km/h au lieu de 50, consommation de protoxyde d’azote, délit de fuite, il faut quoi pour aller en prison ? », raconte-t-il.
Ces témoignages, empreints de tristesse et d’indignation, font écho à une réalité alarmante : chaque jour, deux jeunes de moins de 24 ans perdent la vie sur les routes en France. L’année dernière, le constat était sans appel : 718 décès ont été déplorés. Le père d’Antoine Alléno exprime la douleur d’une perte qu’il ne peut oublier :
« Quand un enfant s’en va, il laisse derrière lui au moins cinq personnes dans une douleur indescriptible. Ce sont donc 3 500 personnes par an qui souffrent pour la vie. On devrait collectivement s’intéresser à ça, quand ces jeunes partent ils ont parfois des frères et sœurs, ils commencent leur vie amoureuse. Personne ne va voir les proches de ces gamins. Pourtant ils souffrent. Il y a énormément de cas de décrochage scolaire et les parents sont encrés dans une tristesse absolue ».
« Nous avons pris perpétuité »
Ce vendredi 13 septembre, l’association a invité les familles des victimes à participer à l’œuvre d’art collective « ALIVE » de l’artiste JR, un collage de 3 000 portraits sur le pont de l’Alma à Paris. Cette fresque commémorative, symbolisant la mémoire des jeunes fauchés sur les routes ainsi que le combat des co-victimes, est un projet central de l’Association Antoine Alléno. Elle permettra à ces familles de se recueillir, mais également de dénoncer une société qui, trop souvent, oublie les victimes de ces tragédies de la route.
Au-delà des lois, c’est aussi un combat humain que mènent les familles de victimes. Jennifer, veuve de Jérémie Boulon, exprime la souffrance permanente des proches : « Cette œuvre va montrer que nous, nous sommes encore là. Nous, nous avons pris perpétuité. C’est un combat qui va durer toute la vie ».
Une urgence nationale
Le témoignage de Yannick Alléno est particulièrement bouleversant. Il rappelle qu’au-delà du deuil, les familles sont quasiment toutes confrontées à une « violence administrative » insoutenable :
« Pas plus tard qu’hier j’ai rencontré une famille, il s’appelait Antoine lui aussi, parti un mois avant le mien, il y a deux ans. Aujourd’hui, la famille n’a toujours pas vu le juge d’instruction. Je peux aussi vous parler des parents de Margot, qui ont mis trois semaines à récupérer le corps de leur enfant à la morgue. Elle avait été tapée par un véhicule au Pont-Neuf un dimanche soir, comme Antoine. Il faut respecter la mémoire des familles et se donner les moyens de voir ça avec beaucoup d’humanité ».
Pour le président de l’association, il est également crucial que les constructeurs automobiles et les start-ups s’engagent dans la recherche de solutions innovantes pour réduire les accidents mortels. Lors du prochain salon VivaTech, l’Association Antoine Alléno espère voir émerger de nouvelles technologies permettant d’arrêter à distance des véhicules, une avancée qui pourrait sauver des vies :
« J’ai déjà vu de beaux dossiers avec des idées dont personne n’a encore pensé. Les constructeurs font un travail remarquable pour la sécurité embarquée mais aujourd’hui il est temps de regarder la sécurité autour des véhicules ».
Nice, pionnière dans la lutte contre les homicides routiers
Sous l’impulsion de l’Association Antoine Alléno et de la Ville de Nice, un plan ambitieux reposant sur trois axes vient d’être lancé : améliorer la sécurité routière, renforcer le soutien aux victimes et déployer de nouveaux outils de prévention sur le territoire.
Christian Estrosi, maire de Nice, ne cache pas son exaspération face à l’inaction des autorités nationales : « J’ai formulé sept demandes d’installation de radars à la préfecture depuis 2022, toujours sans réponse. Ça n’a que trop duré. La Ville de Nice va donc les installer elle-même. Charge par la suite au Préfet des Alpes-Maritimes de les faire raccorder au réseau du Ministère de l’intérieur.
Je demande au gouvernement de prendre ce fléau à bras-le-corps. Il faut en faire la grande cause nationale de la fin du quinquennat ».
L’objectif du maire est clair : faire de Nice la première grande ville de France en matière de lutte contre les violences routières. Yannick Alléno soutient également une loi sur l’homicide routier, espérant une adoption rapide par l’Assemblée Nationale :
« Nous avons de l’espoir que cela évolue, que la loi d’homicide routier soit enfin adoptée. Heureusement, le Premier ministre a rappelé que c’est un sujet qui va arriver rapidement dans les votes à l’Assemblée Nationale.
Rendez-vous compte, le refus d’obtempérer n’était pas une circonstance aggravante, alors qu’il y en a 27 000 par an en France. Toutes les 20 minutes il y a quelqu’un qui refuse de se soumettre à l’autorité de l’État. Encore cette nuit il y a eu un drame, il y a vraiment urgence ».
Ce partenariat entre la Ville de Nice et l’Association Antoine Alléno est un pas de plus vers une prise de conscience nationale. L’enjeu est d’impliquer toutes les sphères de la société pour que ces drames cessent d’être des faits divers. Yannick Alléno conclut cette journée avec un message d’espoir, appelant à une mobilisation générale.
À propos de l’Association Antoine Alléno
L’Association Antoine Alléno a été fondée en septembre 2022 après la tragique disparition d’Antoine Alléno, mortellement percuté à 24 ans par un conducteur en fuite. Face à l’horreur de ce drame, sa famille a choisi de transformer sa douleur en une force pour prévenir ces actes et venir en aide aux victimes de moins de 25 ans et à leurs proches.
Aujourd’hui, l’association mène des actions concrètes pour sensibiliser à la sécurité routière et accompagner ceux qui vivent avec l’insupportable absence d’un être cher.