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Récit

Affaire Rybolovlev-Bouvier : La justice suisse met un terme à sa procédure pénale contre Dmitri Rybolovlev

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Dmitri Rybolovlev / Photo DR

La justice fédérale suisse a innocenté Dmitri Rybolovlev, propriétaire de l’AS Monaco. La décision, annoncée cette semaine par ses avocats et largement couvertе par les médias internationaux, met un point final au volet suisse de l’affaire qui avait débuté en 2017.

La procédure pénale contre le propriétaire de l’AS Monaco et son avocate Me Bersheda a été ouverte en 2017 par le Ministère public de la Confédération suisse (MPC). Comme le rappellent dans leur communiqué Me Sandrine Giroud et Me Benoît Mauron, les avocats de M. Rybolovlev, leur client était soupçonné de supposés « actes exécutés sans droit pour un État étranger » selon l’article 271 du Code pénal suisse pour avoir prétendument fait venir un citoyen suisse à Monaco afin qu’il y soit appréhendé par la police de la Principauté.

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L’affaire vient d’être classée définitivement et comme le souligne la principale agence de presse suisse ATS, « aucun élément ne justifie qu’elle soit poursuivie ».

Rappel de faits

L’affaire Rybolovlev-Bouvier trouve ses racines dans un conflit commercial autour de la vente d’une collection prestigieuse d’œuvres d’art, comprenant notamment le célèbre « Salvator Mundi » attribué à Léonard de Vinci, ainsi que des chefs-d’œuvre de Picasso, Modigliani, Van Gogh…

Comme le rapporte Artnet, M. Rybolovlev a porté plainte en 2015 contre M. Bouvier l’accusant d’avoir surfacturé les œuvres à hauteur d’environ un milliard de dollars et abusé de sa position pour réaliser des marges exorbitantes. Il a alors dénoncé des pratiques qu’il considérait comme frauduleuses, entraînant une série de procédures judiciaires dans plusieurs pays, notamment en Suisse, à Monaco, à Singapour et aux Etats-Unis, souligne Bloomberg, une des plus grandes agences de presse économique au monde.

Les accusations de manipulation

De son côté, M. Bouvier a fait une dénonciation contre M. Rybolovlev en 2017, l’accusant d’avoir orchestré un stratagème pour le faire arrêter à Monaco sous des prétextes fallacieux. Les accusations reposaient sur des éléments collectés par le biais du téléphone portable de l’avocate de M. Rybolovlev, Tetiana Bersheda. Comme l’indique l’AFP« sur demande du juge d’instruction Édouard Levrault, magistrat français alors détaché à Monaco, un expert en informatique y avait récupéré des milliers de messages pourtant effacés ».

Selon les avocats de M. Bouvier, ces éléments témoignaient d’un plan concerté de la part de M. Rybolovlev pour « piéger » le marchand d’art.

Pourtant, les avocats de M. Rybolovlev ont toujours contesté ces allégations, les qualifiant de « sans fondement ». Effectivement, dans son ordonnance de classement que Monaco Tribune a pu consulter, le Ministère public souligne que « la défense a présenté une version plausible mettant en doute la réalisation de l’infraction ». « La justice suisse a ainsi reconnu l’absence de preuves contre notre client », concluent dans son communiqué les avocats du résident monégasque.

M. Bouvier a été arrêté à Monaco le 25 février 2015, mais la procédure pénale engagée contre lui dans la Principauté a été annulée en 2019, une décision qui a été confirmée par la justice monégasque un an plus tard.

Le jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme

La décision du Ministère public de la Confédération de classer la procédure s’appuie sur des éléments cruciaux. Dans son ordonnance, le MPC a indiqué que les preuves dérivées de l’exploitation du téléphone de Mme Bersheda étaient désormais inexploitables.

Comme le souligne ARTnews, un média américain spécialisé dans le domaine de l’art, cette conclusion fait suite à un jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a statué en juin 2024 que la récupération de ces données était illégale.

Effectivement, le MPC rappelle que  la Cour européenne des droits de l’Homme a constaté la violation de l’art. 8 CEDH et a considéré en substance que “les investigations entreprises par le juge d’instruction sur le téléphone portable [de Me Bersheda] et la récupération massive, et sans sélection, de données personnelles, y compris celles qui avaient été préalablement effacées par l’intéressée, ont, d’une part, dépassé le cadre de la saisine portant uniquement sur des faits d’atteinte à la vie privée, et d’autre part, n’ont pas été assorties de garanties respectueuses de la qualité d’avocate et du secret professionnel de la requérante”.

En conséquence, le MPC a reconsidéré la validité de l’ensemble de la procédure. La dénonciation de M. Bouvier ne repose plus « sur aucun élément de preuve », indique l’ordonnance du MPC.

Les avocats de M. Rybolovlev se sont réjouis de cette décision dans leur communiqué, soulignant qu’elle restituait « les principes fondamentaux du droit ». Ils ont déclaré que « cette décision met un terme définitif à l’affaire et établit l’innocence de notre client, comme il n’a eu de cesse de le soutenir ».

Les conseils de Tetiana Bersheda, Mes Benjamin Borsodi et Charles Goumaz, ont déclaré dans le quotidien suisse de référence Le Temps : « Me Tetiana Bersheda se réjouit de pouvoir tourner cette page après la restauration des principes fondamentaux de droit par les juges de la CEDH, elle peut désormais se consacrer pleinement à son activité d’avocate ».

Vers la fin du volet monégasque

Malgré le classement de la procédure en Suisse, le volet monégasque dit « Monacogate » demeure en cours, comme le rappelle La Tribune de Genève. Dmitri Rybolovlev fait face à des accusations de trafic d’influence et de corruption, qui sont contestées.

Contacté par Monaco Tribune, l’ avocat parisien du propriétaire de l’AS Monaco, Me Martin Reynaud, qui intervient également avec l’avocat monégasque, Me Thomas Giaccardi, a souligné que la validité de ces accusations repose uniquement sur des preuves jugées illicites par la CEDH.

Me Reynaud espère que le jugement de la CEDH aura un impact similaire dans le cadre monégasque : « Vu la grande clarté et la sévérité de l’arrêt condamnant Monaco en juin 2024 pour avoir exploité de manière illicite le téléphone de l’avocate de Monsieur Rybolovlev, nous espérons que le dénouement procédural sera le même à Monaco qu’en Suisse : la fin des poursuites » explique-t-il. 

« En effet, la procédure monégasque repose exclusivement sur cette exploitation illicite par le précédent juge d’instruction. Ce qui impose d’y mettre fin, sans plus attendre – et sans même examiner les très nombreux arguments de défense de Monsieur Rybolovlev sur le fond du dossier. Car les faits sont pleinement contestés par ailleurs », ajoute-t-il.