Récit

Anniversaire cauchemardesque : quatre jeunes Polonais condamnés à de la prison ferme pour trafic de drogue

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Les quatre jeunes étaient partis fêter un anniversaire à Barcelone © Monaco Tribune

Ils ne sont restés que 10 minutes en Principauté.

C’est un anniversaire dont se souviendront longtemps le groupe d’amis. Le 8 octobre, quatres jeunes hommes, partis de Pologne en voiture pour rejoindre Barcelone, puis poursuivre leur voyage en avion au Caire pour fêter l’anniversaire de l’un des co-prévenus, ont fait une halte dans le sud de la France pour déjeuner dans un restaurant tchèque. Dix minutes après être entrés à Monaco, leur voiture est arrêtée et un contrôle de police effectué. Les quatres amis préciseront, lors de l’audience, qu’ils n’avaient nullement l’intention de s’arrêter à Monaco et pensaient encore être en France.

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Le début de leur calvaire commence. Dans leur voiture et sur eux sont retrouvés plusieurs dizaines de milliers d’euros en espèces mais aussi quelques grammes de diverses drogues : 3-CMC, cocaïne.

Il n’en faut pas plus pour les inculper de détention de capitaux ou revenus d’origines illicites, de trafic, cession, achat, vente et distribution de stupéfiants, de fraudes à l’impôt, à la TVA, de travail dissimulé et d’association de malfaiteurs. Ils sont de suite entendus un par un par la police et placés en détention provisoire.

Véritables trafiquants ou simples jeunes consommateurs ?

Tout laisse penser que les jeunes se livrent en effet à un trafic de drogues : plastifieuse, tests de cocaïne, détecteur de mouchard, bombes de mousse polyuréthane. Les objets retrouvés dans la voiture ne sont pas communs mais les accusés ont réponse à tout.

Le détecteur ? Un objet courant pour quiconque travaille dans la mécanique automobile, ce qui est le cas pour deux d’entre eux. La « plastifieuse » ? Le propriétaire de la voiture part souvent cueillir les champignons en forêt et il les mets sous vide après leur récolte. Les bombes de mousse polyuréthane ? Le groupe les amenaient au frère du propriétaire de la voiture qui rénovent une maison en Espagne. Cette mousse est pourtant couramment utilisée pour transporter de la drogue et bloquer le repérage des chiens. Pour autant, dans la voiture, nulle trace de mousse et les bombes sont pleines hormis une qui a explosée lors de l’inspection policière.

Les explications laissent dubitative la substitut du procureur mais les objets ne présentent aucune trace de drogue. Le chien renifleur ne marque qu’à peu d’endroits la voiture. Ni le capot, ni le coffre, ni la partie inférieure de la voiture ont ou ont contenu de la drogue. Seul le vide-poche de la portière avant-gauche est marquée, un endroit habituel pour les consommateurs réguliers qu’avoue être le propriétaire de la voiture.

Un train de vie incohérent avec leur travail ? 

Autre question cruciale : d’où vient tout cet argent liquide et pourquoi se déplacer avec plusieurs dizaines de milliers d’euros ? Chacun transportait avec lui entre 7 000 € et 22 000 €. L’un des prévenus l’affirme : « ces sommes d’argent proviennent de l’achat de voitures en mauvais état et de la vente de voitures retapées. Tout est officiel et traçable sur les comptes bancaires. Nous voulions seulement célébrer l’anniversaire et acheter des vêtements de luxe. »

Oui mais voilà, les policiers se sont heurtés à la difficulté d’expertiser les téléphones portables des accusés. Ils ont refusé à 27 reprises de donner leur code de déverrouillage. Malgré leurs refus, les enquêteurs ont tout de même réussi à extraire plusieurs éléments dont les relevés de comptes sur 5 ans, dont seul le mois de septembre a été versé au dossier, ce que déplorera l’un des trois avocats des co-prévenus puisque l’empêchant, de fait, de prouver la bonne foi de son client. 

Parmi les éléments issus des téléphones, de nombreuses photos et vidéos de drogue, des amis dans des villas avec des rails de poudre blanche mais aussi la preuve de l’achat de billets d’avion easyJet à destination du Caire, corroborant leur version.

Tous travaillent officiellement et font des petits boulots au noir à côté. Deux sont électromécaniciens, un est électricien et le dernier designer web. Ils vivent tous chez leurs parents et n’ont qu’une légère participation à verser à leurs parents. « Ce sont des jeunes hommes, sans charge, qui ont seulement envie de profiter », explique l’un des avocats. L’un des accusés plaidera : « On voulait juste profiter du voyage et découvrir ce qu’on ne voit pas dans notre village de Pologne. »

« Ils ont des Iphone facilement traçables, pas de balance, pas de sachets, pas de téléphones prépayés… Si c’est une association de malfaiteurs, ils sont très mal organisés », plaide une de leurs avocats.

La Pologne : un autre monde 

La principale difficulté dans cette affaire est le manque de preuves, de documents officiels et d’éléments justifiant les déclarations des prévenus. Il faut dire que les quatre jeunes n’ont guère eu beaucoup de temps pour rassembler, depuis leur prison, les documents nécessaires pour se justifier en Pologne.

A cela s’ajoute, un système polonais différent de celui français ou monégasque où les paiements en cash sont légion, la défiance envers les banques importante et l’absence de bulletins de salaire omniprésent. Deux contrats de travail sont arrivés en cours d’audience, empêchant de facto leur authentification. Les traductions en français des autres documents polonais n’ont pas été transmises au contradictoire, selon les avocats des accusés. 

Deux d’entre eux, les plus âgés, se sont déjà fait arrêtés en Suisse il y a quelques mois avec sur eux 50 000 €. L’enquête et le procès sont en cours.

Après six heures d’audience et une heure de délibération, le couperet tombe. Pour une halte non voulue en Principauté, les deux accusés les plus âgés ont été jugés coupables et ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Les deux autres ont reçu une peine de 9 mois de prison ferme. En revanche, les quatres ont été relaxés pour le chef d’inculpation d’importation de stupéfiants. La totalité des saisies leur est confisquée.