Récit

Un one-man show ou une leçon économique ? L’économie mondiale et les CGG décortiqués par Ludovic Subran

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L'économiste Ludovic Subran a délivré une leçon d'économie d'une rare pédagogie © Monaco Tribune / Théo Briand

Si vous pensiez que les conférences économiques étaient ennuyeuses, c’est probablement que vous n’avez jamais assisté à une conférence de Ludovic Subran. Le chef économiste du groupe Allianz également passé par la banque mondiale était de nouveau à Monaco, invité par le Monaco Economic Board (MEB), après son dernier passage en Principauté il y a deux ans.

Dans une conférence dynamique et passionnante, ponctuée de quelques saillies bien trouvées, Ludovic Subran a fait un état des lieux de l’économie mondiale actuelle et de ce qui l’attend avant de préciser ses propos sur ce pourquoi il avait été invité : « Les pays du Golfe, du pétrole au savoir. »

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Un monde en suspens

Si l’on devait retenir une chose de cet état des lieux sur l’économie mondiale, c’est que le monde d’aujourd’hui est en suspens et attend les élections américaines avec fébrilité. « Personne ne bouge jusqu’à ce que tout le monde bouge », résume l’économiste. Même le prix du pétrole ne réagit pas à la guerre qui se déroule en Moyen-Orient.

Ludovic Subran schématise : « Si c’est Harris, c’est ennuyeux. On continue sur la même lancée. Si c’est Trump, il y aura une augmentation des barrières douanières, une guerre commerciale avec la Chine, la déportation de 7 millions de latinos ce qui engendrera une perte sèche pour l’économie américaine » et in fine « de l’inflation. » Autrement dit, si c’est Trump à très court terme « c’est la fête », à moyen-terme « ce sont des crises à venir. » Il met en garde les entrepreneurs travaillant avec des entreprises endettées si jamais Trump venait à remporter les élections américaines.

Dans le reste du monde, de grandes économies sont en récession comme le Japon et l’Allemagne. La Chine est en déflation chronique. L’Italie au contraire « est revenue en excédent primaire » grâce à un export important. C’est le 4e exportateur mondial. « L’export ça marche. Il faut vraiment y croire », encourage l’économiste tout en déplorant l’effondrement lent de ce secteur en France. D’ailleurs à propos de la France, son constat est peu optimiste. Il prophétise : « l’austérité arrive les amis ! » à cause « des amateurs qui sont aux commandes. »

L’Europe souffre d’un déficit de compétitivité à cause du prix du gaz et de l’énergie supérieur au reste de la planète. « En Europe, on ne fait pas confiance à notre propre continent et on n’investit pas. On préfère protéger les marges pour les actionnaires parce qu’il n’y a pas de vision dans l’avenir. » Aux Etats-Unis et à présent dans les pays du Golfe, c’est le contraire. Ils investissent dans tous les secteurs et observent ce qui prend.

Les pays du Golfe à la stratégie « bluffante »

Michel Dotta, président du MEB, annonce à la salle dès l’introduction : « il y a un potentiel pour vous de développement important auquel nous devons nous attacher. »

Si les pays du Golfe (CCG) ont su tirer parti de leurs ressources naturelles pour diversifier leurs économies, la mue n’est pas terminée et ils dépendent encore fortement des revenus du pétrole. Pour s’en défaire, ils ont mis en place trois outils : l’export, l’investissement immobilier à l’étranger et leurs fonds souverains. La stratégie consistant à « accumuler les revenus du pétrole en fractionnant les investissements sur le temps » afin d’acquérir des technologies de pointe, et de se projeter vers l’avenir avec des visions stratégiques « bluffantes » à long terme. « Ils ont le temps avec eux. »

Avec une monnaie très, probablement trop, liée au dollar, l’économiste met en garde : « Ce n’est pas tenable à moyen terme ». Il suggère que ces pays devront ajuster leur économie pour éviter que leurs capitaux ne s’évadent à cause de la hausse des taux, par exemple, en créant une monnaie commune. 

Dans ce contexte, la question de la démographie est centrale. Dubaï, par exemple, a besoin de 500 000 personnes chaque année pour maintenir ses recettes fiscales. L’économiste a pointé du doigt la faible productivité de ces pays et leur pari sur l’intelligence artificielle, notamment dans les services publics, pour la contrer.

Les crises se succédant, la stabilité des CGG a profité à l’activité locale et ils ont su attirer de nombreuses personnes.