Joël Bouzou : « La paix par le sport était un rêve, il est devenu une réalité »
À l’approche de l’édition 2024 du Forum international consacré à la paix par le sport, Joël Bouzou, son fondateur et président, revient sur son évolution et les enjeux de la paix par le sport. Une interview réalisée par Alain Mercier, rédacteur en chef de Francs Jeux, pour l’association Peace and Sport.
Il y a quinze ans, l’idée d’un Forum international consacré à la paix par le sport était un pari audacieux. Aujourd’hui, cet événement, organisé par l’association Peace and Sport, est devenu un rendez-vous incontournable. L’édition 2024, qui se tiendra à Monaco les 2 et 3 décembre prochains, sera un nouveau chapitre dans l’histoire d’un Forum devenu un carrefour où se croisent dirigeants sportifs, politiques et figures de la société civile.
Joël Bouzou, le fondateur et président de Peace and Sport, revient sur cette aventure exceptionnelle, les défis qu’il a fallu surmonter, ainsi que sur les perspectives pour l’avenir de la paix par le sport. À quelques semaines de l’événement, il nous livre une vision inspirante de cette dynamique mondiale en faveur de la paix.
Que représentaient l’idée et le concept de la paix par le sport quinze ans en arrière, à l’époque du premier Forum de Peace and Sport ?
Joël Bouzou : Un rêve. Une conviction. Un feeling. A l’époque, le potentiel existait, bien sûr. Il y avait quelque chose, mais rien de vraiment organisé. Certains dirigeants sportifs internationaux utilisaient déjà le sport comme un outil de développement de la paix, mais la plupart d’entre eux le faisaient sans le savoir.
En quinze ans, quel a été le principal changement ?
J’en citerai deux. Le premier est le plus évident : la paix par le sport est devenue non seulement une réalité, mais aussi une famille. Le concept a dépassé le seul cadre du mouvement sportif. Il est compris et pris en considération par les acteurs de la paix et par les gouvernements. L’autre changement, au moins aussi important, réside dans la possibilité de mesurer désormais le sport comme un outil de développement de la paix au sens large du terme : l’estime de soi, la dignité, le respect de l’autre, l’acceptation de la différence. Nous nous sommes dotés des indicateurs pour mesurer tout cela. Nous savons ce que nous faisons. Nous pouvons même l’exporter.
Quel rôle ont joué, et jouent encore, les athlètes ?
Un rôle majeur. Majeur et déterminant. Leur notoriété est planétaire. Ils parlent à tout le monde, notamment aux jeunes, avec un impact et un écho différents de ceux des représentants du pouvoir. Les athlètes sont aussi l’incarnation de ce que peut réaliser l’équité dans le sport. Sur un terrain de sport, la victoire ne dépend pas de la richesse ou de la naissance. Cela donne à leur parole une immense crédibilité.
Les règles parfois très strictes des instances sportives internationales ne sont-elles pas un frein à leur expression des valeurs de la paix par le sport ?
Elles le sont de moins en moins. Le CIO, notamment, montre l’exemple avec un assouplissement de ses règles. Il n’est pas possible pour un athlète d’exprimer une opinion politique sur le terrain de compétition, ce qui est normal et justifié, mais il peut désormais le faire à côté : en zone mixte, par exemple, ou sur les réseaux sociaux. Mais la parole doit être responsable. A Peace and Sport, nous essayons d’aider nos Champions de la Paix en leur apportant des outils non seulement pour se faire entendre, mais aussi pour monter des actions et lancer des initiatives.
L’année 2024 a-t-elle été un bon cru pour la paix par le sport ?
Je crois, oui. Les Jeux de Paris 2024 ont été un très grand succès. Ils ont montré que le sport pouvait rassembler un pays, la France, où les gens sont souvent très divisés et peinent à vivre ensemble. Ils ont illustré de façon assez extraordinaire le pouvoir du sport comme outil de rassemblement. Mais j’aurais aimé voir les athlètes de tous les pays pouvoir participer, sans discrimination liée à leur nationalité. La participation aux Jeux doit se faire au mérite, pas selon son passeport. Le village olympique exprime la diversité. Le sport doit rester au-dessus de la mêlée.
Le Forum Peace and Sport 2024 sera notamment marqué par une marche pour la paix. Pourquoi l’organiser cette année à Monaco ?
Nous aurons avec nous des champions, nous aurons des personnalités politiques. Le Forum arrive quelques mois après les Jeux de Paris 2024. L’occasion est trop belle de rassembler tous ces acteurs pour qu’ils marchent ensemble en toute neutralité. Et il sera très symbolique de le faire à Monaco, un état neutre dirigé par un souverain qui a été cinq fois olympien.
Le Forum 2023 a été organisé en Arabie saoudite. Est-ce l’illustration de la volonté de Peace and Sport d’exporter désormais régulièrement son événement ?
Cela montre l’importance de notre organisation sur le plan international. Je suis assez fier que nous ayons pu organiser ce Forum 2023 dans un pays en pleine évolution, à tous les nouveaux de la société, où le sport joue un rôle majeur dans le changement de la société. Nous étions déjà allés aux Émirats arabes unis, à Rhodes. Nous allons continuer sur cette voie, en toute neutralité et indépendance.