Affaire Rybolovlev-Bouvier : Vers un dénouement final ?
Ce jeudi 5 décembre, la Chambre du conseil de la cour d’appel de Monaco a tenu une audience pour statuer sur la validité du dossier d’instruction dans l’affaire Rybolovlev-Bouvier. Cette procédure, marquée par des rebondissements judiciaires depuis 2015, pourrait connaître un dénouement décisif le 27 février 2025.
La raison ? Une décision rendue en juin dernier par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). L’arrêt de la CEDH a jugé que la fouille et l’exploitation du téléphone de Me Tetiana Bersheda, avocate de Dmitri Rybolovlev, étaient contraires à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Un conflit privé devenu une affaire internationale
Tout commence en 2015, avec une dénonciation pénale déposée par Dmitri Rybolovlev contre Yves Bouvier, son conseiller d’art suisse. Le président de l’AS Monaco lui reprochait de l’avoir escroqué de 1 milliard de dollars lors de ventes de tableaux de maîtres. Ce litige a déclenché une confrontation entre Bouvier et Rybolovlev dans plusieurs juridictions à travers le monde.
En parallèle, une affaire d’atteinte à la vie privée a été ouverte à Monaco en 2016, concernant une amie commune des deux hommes, la résidente monégasque Tania Rappo. Cette dernière a déposé plainte après que l’avocate de l’homme d’affaires, Tetiana Bersheda, a enregistré une conversation privée lors d’un dîner avec Tania Rappo et Dmitri Rybolovlev, afin de prouver que Tania Rappo était complice d’Yves Bouvier. En 2017, Mme Bersheda, de son propre chef, a remis son téléphone contenant l’enregistrement à la Sûreté publique de Monaco pour qu’il soit authentifié.
Le juge d’instruction, Édouard Levrault, chargé de l’affaire, avait demandé une expertise informatique du téléphone. Mais selon la CEDH, cette procédure allait bien au-delà de la simple authentification : elle constituait une « vaste expertise en téléphonie, sans véritable limitation dans le temps ni dans l’ampleur des recherches. » Ces investigations ont ensuite été utilisées en 2018 pour accuser Dmitri Rybolovlev et d’autres figures influentes de Monaco de corruption et de trafic d’influence.
Une affaire ébranlée par la CEDH
La CEDH a été catégorique : « le juge d’instruction a étendu le périmètre de ses investigations de manière trop large, et les autorités judiciaires nationales de contrôle n’ont pas redéfini, conformément aux termes de la saisine, les limites de la mission expertale et du périmètre d’investigation. »
Après cet arrêt, la justice fédérale suisse a classé en octobre dernier une procédure engagée contre M. Rybolovlev. Désormais, les juges monégasques doivent prendre une décision cruciale : se conformer aux recommandations européennes ou maintenir une procédure critiquée pour ses dérives. Les juges d’instruction, avec l’accord du Parquet général, ont saisi la chambre du conseil de la Cour d’appel pour qu’elle tire les conséquences du jugement de la CEDH.
Lors de l’audience du 5 décembre, les avocats de Dmitri Rybolovlev, Mes Reynaud, Giaccardi et Laffont, ont plaidé pour l’annulation totale de la procédure. Selon eux, leur client a été « injustement inculpé. » Dans un communiqué, ils ont déclaré : « La défense de Dmitri Rybolovlev attend de la justice monégasque qu’elle tire à son tour pleinement les conséquences de cet arrêt de condamnation en annulant les poursuites engagées contre lui. »
Vers un épilogue judiciaire ?
Si la Chambre du conseil valide l’annulation de l’expertise du téléphone, cela pourrait mettre fin à près de dix ans de procédures judiciaires. Déjà, les principaux protagonistes, Dmitri Rybolovlev et Yves Bouvier, ont conclu un accord confidentiel en 2023.
La décision, attendue le 27 février 2025, pourrait également marquer une étape finale, dans la continuité des récentes décisions : le non-lieu accordé à Dmitri Rybolovlev en novembre 2023 dans l’affaire d’atteinte à la vie privée, la relaxe de Me Bersheda en mars dernier, ou encore le rejet par la CEDH de la requête d’Édouard Levrault concernant son non-renouvellement en tant que magistrat détaché à Monaco.
Contactés, le parquet ainsi que les avocats de la défense n’ont pas répondu à ce jour.
Article par Théo Briand et Niels Linden