Denis Allemand, plus de 30 ans au CSM : « Je n’abandonne pas la recherche »
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Après plus de trente ans de carrière au sein du Centre Scientifique de Monaco (CSM) , Denis Allemand, directeur scientifique de l’institution, s’apprête à tourner une page de son parcours.
Biologiste reconnu, spécialiste des coraux et des écosystèmes marins, il a contribué de manière déterminante au rayonnement international du CSM et à l’émergence de recherches novatrices.
Son leadership visionnaire s’est notamment illustré par la coordination de l’expédition Tarra Pacific, qui a réuni une centaine de scientifiques internationaux autour de projets ambitieux. L’objectif de cette mission de recherche à travers 32 atolls de l’océan Pacifique était notamment de mieux comprendre le comportement des récifs coralliens face au changement climatique et aux activités humaines.
Parallèlement, il a publié plus de 200 articles scientifiques et plusieurs centaines d’articles de vulgarisation.
À l’heure de son départ, il laisse derrière lui un héritage scientifique et institutionnel considérable.
Le CSM, un centre de recherche unique en son genre
Créé en 1960 sous l’impulsion du Prince Rainier III, le Centre Scientifique de Monaco avait pour mission initiale d’étudier la Méditerranée et ses écosystèmes. Depuis, il s’est considérablement développé pour devenir un institut de recherche de pointe, reconnu internationalement dans trois domaines principaux : la biologie marine, la biologie polaire et la biologie médicale.
Avec le Prince Albert II, le CSM a renforcé son engagement dans l’étude et la protection des océans, s’inscrivant pleinement dans la tradition maritime de Monaco.
Aujourd’hui, le CSM se distingue par ses infrastructures modernes, ses collaborations internationales et sa capacité à mener des recherches à la frontière entre la science fondamentale et les applications concrètes. « Le CSM est parmi les meilleurs laboratoires au monde dans des domaines de recherche très pointus. Dans ces domaines-là, nous sommes vraiment excellents », affirme avec fierté Denis Allemand. « Il vaut mieux être très bon dans certains domaines que couvrir tous les domaines de façon moyenne », ajoute-t-il.
« On a créé de nouvelles voies de recherche »
Il a rejoint le CSM à une époque où l’institution amorçait un tournant stratégique. Très vite, il a su développer des projets avant-gardistes, notamment en physiologie des coraux, un domaine peu exploré à l’époque : « On a développé des sujets novateurs, des sujets qui n’étaient pas réellement étudiés jusqu’alors. On a créé de nouvelles voies de recherche comme la physiologie du corail, les cancers pédiatriques, les observatoires du vivant… Aujourd’hui, on n’est plus les seuls, mais on a réellement initié ces domaines », explique-t-il.
L’une de ses grandes réussites a été de favoriser une approche interdisciplinaire, en réalisant des passerelles entre la biologie marine, la biologie corallienne et la biologie médicale : « Il n’était pas évident de créer des ponts entre ces disciplines, mais cela a permis d’élargir les perspectives et d’aboutir à des découvertes majeures », souligne-t-il.
« Nous sommes des chercheurs fondamentaux, c’est-à-dire qu’on développe de la recherche fondamentale, on est là pour augmenter la connaissance. Un des résultats de cette recherche fondamentale a été notamment la création de Coraliotech par un chercheur du CSM. Cette startup est partie d’un résultat obtenu à l’interface entre la biologie marine et la biologie corallienne. Ça montre que finalement, de cette recherche très fondamentale, on peut arriver à tirer aussi une aventure économique, puisque cette startup, maintenant, vole de ses propres ailes et a créé des emplois », ajoute-t-il.
Sous la direction de Denis Allemand, le CSM ne s’est pas seulement illustré par ses recherches en biologie marine et corallienne, mais aussi par son engagement dans des domaines à fort impact sociétal, notamment la biologie médicale.
Conscient que Monaco devait se concentrer sur « des niches d’excellence », il a encouragé le développement de programmes de recherche sur des maladies touchant les familles monégasques, comme les cancers pédiatriques et les maladies rares. Dans cette optique, le CSM a établi des partenariats avec des organisations engagées dans ces combats, comme la Fondation Flavien, qui lutte contre les cancers pédiatriques et l’Association Monégasque contre les myopathies, qui concentre ses efforts sur des maladies neuromusculaires comme la myopathie de Duchenne.
Ces collaborations ont permis de mettre en place des projets interdisciplinaires, combinant les expertises en biologie fondamentale, en thérapie génique et en recherche clinique, afin de mieux comprendre ces pathologies et d’explorer de nouvelles approches thérapeutiques.
Une retraite « relative »
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Alors qu’il a cédé ses fonctions de direction à Sylvie Tambutté, Denis Allemand exprime une double volonté : que le CSM continue sur sa lancée et que davantage de Monégasques s’engagent dans la recherche : « Ce que j’espère, c’est que le CSM va poursuivre sur sa lancée. Le CSM a pris ces dernières années une grande importance. Il faut que cette importance-là soit maintenue et encore augmentée, tout en restant une structure à taille humaine. Il y a encore pas mal de choses à faire pour compléter les équipes, qui sont relativement faibles. J’espère aussi que le CSM permettra, dans les années à venir, à des Monégasques de s’épanouir. Pour l’instant, le nombre de chercheurs Monégasques est encore relativement faible », confie-t-il.
Pour autant, il n’abandonne pas la recherche. Il restera impliqué dans le projet biologie des coraux précieux, qu’il a initié il y a plus de douze ans et qui se poursuivra jusqu’en 2025 : « Je n’abandonne pas la recherche. La recherche, c’est être curieux et donc vous ne pouvez pas arrêter d’être curieux. Pendant encore quelque temps, je vais accompagner le CSM », affirme-t-il. Il continue de donner des conférences, d’écrire des articles et d’explorer d’autres domaines de recherche, notamment l’architecture : « un sujet qui m’intéresse aussi. »